Huelva et la découverte de l’Amérique

Le gouvernement espagnol a renouvelé ses mesures anti inflation en nous offrant des abonnements pour les trains régionaux et moyenne distance. Comme nous sommes basés à Séville même, nous avons choisi la destination d’Huelva pour l’été car c’est un coin que nous ne connaissons absolument pas. L’autre raison de ce choix, c’est la proximité avec l’océan Atlantique, ce qui nous permet de perdre quelques degrés par rapport à la capitale andalouse pendant les grosses vagues de chaleurs qui sont monnaie courante dans la plaine du Guadalquivir. Ça nous permettra également de profiter un peu de la playa.

Nous allons être honnêtes, Huelva, ce n’est pas Cádiz! Néanmoins, la région possède quelques petits lieux dignes d’intérêts ainsi qu’une riche histoire conjointe au reste de l’Andalousie.

Nous n’avons pas du tout accroché avec la ville de Huelva. Elle fait un peu pâle figure si on compare avec les autres capitales provinciales d’Andalousie qui sont vraiment pittoresques et, manque de bol, la place centrale qui a l’air assez jolie et qui possède une statue de Christophe Colomb est en travaux. C’est assez difficile de s’en faire une idée. Par contre, nous avons adoré son environnement dans les marismas del Odiel, une réserve de biosphère de marais et de lagunes composée par les deltas des rivières Odiel et Tinto. Un truc sympa à faire, si le soleil ne tape pas trop fort, c’est de se balader dans la ria (un terme portugais mais également utilisé à Huelva ou en Galice pour désigner un delta) sur l’ancien pont de chargement des minerais qui a été reconverti en promenade et, pour les plus téméraires, en plongeoir. Ce pont qui date de la fin du XIXe siècle et qui représente parfaitement l’architecture industrielle de cette époque était en fait un pont ferroviaire. Le port de Huelva se trouvait à cet emplacement jusqu’au milieu du XXe siècle et ce quai de chargement permettait de faire passer les marchandises directement du train au bateau.

Palos de la Frontera

Palos de la Frontera se situe à quatorze kilomètres à l’est de Huelva et est facilement accessible en bus depuis cette dernière. Le hic c’est que la gare de Huelva se situe de l’autre côté de la ville par rapport à la station de bus. Il faut compter bien vingt minutes de marche entre les deux, à prendre en compte lorsque vous regardez les horaires des transports. Ancien village de pêcheurs, la ville est aujourd’hui tristement célèbre pour sa culture intensive de fraises qui assèche les lagunes protégées du parc national de la Doñana. Malgré ce gros bémol, Palos est typiquement andalouse avec ses maisons blanchies à la chaux, ses mosaïques, ses petites places, ses anciens remparts arabes et sa douceur de vivre dans la torpeur estivale.

Iglesia de San Jorge

Ce n’est de loin pas la cathédrale la plus pittoresque d’Andalousie mais elle est très intéressante d’un point de vue architectural. Elle est construite sur une acropole (nom grec qui signifie le point le plus haut d’un ville) qui domine les lagunes de la ria de Huelva. Elle est du plus pur style gothique-mudéjar et pourtant, il n’y a jamais eu de mosquée à cet emplacement. Au XIVe siècle, lors du début de sa construction, il était courant de construire des édifices en prenant comme modèle le style musulman déjà présent, même après la Reconquista. Puis le XVe siècle arriva et on continua les travaux en gothique cette fois-ci. Le clocher, quant à lui, est du plus pur style Renaissance avec son corps baroque et son toit de mosaïque typiquement andalou sans oublier l’indispensable nid à cigognes!

Cette église a également une importance historique puisque c’est à l’intérieur de celle-ci que se sont déroulés les préparatifs et les discussions autour de la première expédition de Christophe Colomb qui devait le mener en Amérique.

Palos de la Frontera a le privilège, ou le fardeau selon comment on voit l’histoire, d’avoir été le point de départ du premier voyage de Christophe Colomb qui le conduira, sans qu’il le sache, à la découverte de l’Amérique. Aujourd’hui, la configuration des lieux est un peu différente avec le retrait de l’océan mais au XVe siècle, la ville se trouvait en bord de mer et possédait un port. Il y a plein de panneaux explicatifs, en mosaïques of course, qui retrace cette histoire fascinante.

La Rábida

Pour se rendre à la Rábida depuis Huelva, il faut également prendre le bus pour Palos (ou Mazagon) et s’arrêter avant, à l’université puis traverser la grande route.

Le monastère qu’on trouve sur la place a la même histoire architecturale que sa copine l’Iglesia de San Jorge au centre de Palos de la Frontera. Christophe Colomb himself y a logé quelques années au XVe siècle et c’est là qu’il eut l’idée saugrenue (ou pas) de mettre le cap à l’ouest pour tenter de rejoindre l’Inde.

Avenida de las Americas

Bien que le monastère soit magnifique, ce n’est pas lui qui nous a attiré dans ce coin de pays par une chaude journée d’été. Nous voulions comprendre l’histoire autour de la découverte de l’Amérique. Pour cela, rien de tel que de parcourir la bien nommée Avenida de las Americas! Pour la trouver, c’est facile, il suffit de repérer l’immense monument érigé en l’honneur des explorateurs. Cette colonne haute de presque 55 mètres à été inaugurée le 12 octobre 1892, le jour du quatre centième anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb, en Amérique, sur une île des Bahamas. Quant à l’avenue en elle-même, il n’y a rien d’inoubliable mais l’ombre des palmiers est bienvenue par cette chaleur et les mosaïques des différents emblèmes des pays américains sont très belles. Le calendrier aztèque, cadeau du Mexique à l’Espagne, est également très sympa. Nous qui venions de rentrer de notre trip en Amérique Centrale, ça nous a fait de jolis souvenirs.

Les caravelles

Voilà la vraie raison pour laquelle nous avons vu un monastère, une colonne un peu mégalo et les emblèmes des anciennes colonies espagnoles : les fameuses caravelles empruntées par Christophe Colomb himself et son équipage lors du voyage de découverte de l’Amérique. Bon d’accord, ce ne sont que des reproductions car les vraies, après une traversée de l’Atlantique, se sont sûrement retrouvées dans un état déplorable.

Le musée des caravelles se trouve dans les lagunes à quelques centaines de mètres de la fin de la Avenida de las Americas. D’après nos recherches, l’entrée devrait coûter trois euros mais, pour une raison que nous ignorons, nous ne l’avons payée qu’1,50€ . C’est le genre de surprise que nous aimons bien mais, vu la qualité de l’exposition, nous nous serions quand même acquittés des trois euros sans broncher.

La reproduction des caravelles date de 1992, année des cinq cents ans de la découverte de l’Amérique et également année de l’Exposition Universelle de Séville où les trois embarcations ont été exposées avant de couler une retraite tranquille comme musée dans la ria de Huelva.

Trois embarcations ont été affrétées pour cette fameuse expédition en 1492. Les deux petites s’appellent la Niña et la Pinta et servaient principalement de transport de matériel, d’armes et de vivres. La plus grande, la Santa Maria, transportait Christophe Colomb himself qui y avait un bureau avec tous les instruments nécessaires à la navigation qui se résumaient, à l’époque, à un compas, une carte plus ou moins précise et aux constellations dans le ciel.

Les caravelles ont été aménagées pour une visite à l’intérieur. Si vous avez une imagination débordante ça peut être impressionnant car les bateaux ne sont pas très grands, en bois et d’un confort très spartiate. Pourtant, ils ont traversé l’Atlantique dont on ne connaissait que très peu de choses en 1492, sur une route qui n’avait jamais été empruntée avant, en essuyant sûrement quelques tempêtes avant d’arriver dans un lieu complètement inconnu! Rien que d’y penser, ça nous file le mal de mer!

Visiter les cuisines nous a remis un peu de baume au cœur car on ne lésinait pas sur la bouffe à l’époque! Et encore moins sur le vin de Jerez dont les tonneaux prenaient les trois quarts de la place disponible! Bon l’eau n’était pas potable à l’époque, quitte à devoir boire du vin, autant que ce soit du bon! Heureusement que la Cruzcampo, la bière sévillane qui n’est objectivement pas très bonne mais dont il est interdit de dire à Séville qu’elle n’est pas bonne sous peine de se faire bannir de la ville, n’existait pas encore à l’époque sinon ils auraient dû en embarquer! Pas sûr qu’elle leur aurait permis de mener à bien l’expédition!

Nous avions auparavant visité l’Archivio de Indias à Séville qui compile tous les documents en rapport avec les explorations espagnoles et la colonisation qui s’en est suivi. Nous y avons vu les registres des marchandises qui ont été embarquées sur ces trois caravelles ainsi que sur les expéditions suivantes. Le thème du vin y était pris très au sérieux. Chaque cave devait fournir tant de tonneaux de tel type de vin. Il y a dix types de vins de Jerez différents et chacun devait y être représenté! Et tout était consigné dans les registres avec un sceau officiel! Nous ne sommes pas sûrs que les gilets de sauvetage soient gérés avec la même rigueur aujourd’hui.

NB : Pour les archives de Séville, c’est à côté de la cathédrale, c’est gratuit et dépend quels documents ils exposent au public (ça change tous les mois), ça peut être vraiment intéressant. N’hésitez pas à aller y faire un tour si vous êtes dans le coin!

Isla del Encuentro

En face des caravelles, il y a une petite reproduction de l’île de San Salvador (aujourd’hui Guanahani, aux Bahamas) sur laquelle a débarqué Christophe Colomb ainsi que ses acolytes après la traversée de l’Atlantique. Nous avons bien aimé retrouver des espèces tropicales qui poussent sans problème sous le climat andalou. Par contre, notre visite est tombée pendant un jour de calima, un vent du sud qui nous amène de l’air sec ainsi que du sable du Sahara et l’ambiance n’y était pas du tout! Ca nous a plus rappelé Tenerife que l’humidité tropicale de la mer des Caraïbes!

Christophe Colomb effectua quatre voyages jusqu’en Amérique, pensant à chaque fois débarquer en Asie Orientale. Ce n’est qu’au XVIe siècle qu’Amerigo Vespucci, un cartographe et explorateur florentin, comprit qu’il s’agissait en fait d’un nouveau continent lorsqu’il débarqua sur les côtes brésiliennes.

Nous sommes totalement conscients que l’histoire qui a découlé des voyages de Christophe Colomb est particulièrement horrible et cruelle. Il y a eu la colonisation, le massacre des indigènes, la traite des esclaves, le pillage des ressources et encore d’autres choses toutes plus moches les unes que les autres. Le nier, l’occulter ou ne pas s’y intéresser ne va pas, à notre avis, faire changer le cours des choses. Nous sommes fascinés par les explorations à cause, bien sûr, du côté voyage et découvertes de nouveaux lieux mais nous sommes évidemment horrifiés par tout ce que ça a impliqué ensuite. Quoi qu’il en soit, ça fait partie de l’histoire de l’Andalousie, de l’Espagne et même de toute l’Europe et nous allons continuer de nous y intéresser.

Nous allons terminer cet article par une note un peu plus festive et positive, celle de la playa! Avec sa côte atlantique, Huelva possède de jolies longues plages où il fait bon passer quelques journées d’été loin de la chaleur accablante de Séville.

Nous avons testé pour vous :

  • Mazagon : très sympa avec des chiringuittos (des bars de plages servant à manger) vraiment cool mais c’est un peu la galère avec les bus.
  • Punta Umbria : super bien desservi mais c’est un peu le Benidorm local. C’est également la plage la plus fréquentée.
  • El Portil (images ci-dessous) : notre préférée. Un peu plus sauvage avec les pins directement sur la plage. Située à l’embouchure du Rio Piedras, elle est protégée des courants mais il peut être difficile de s’y baigner à marée basse.

Nous avons adoré nos visites en rapport avec Christophe Colomb, c’était vraiment intéressant. En tant que globe-trotters, tout ce qui touche aux explorations nous fascine, évidemment! La région est sympa également mais nous préférons de loin la baie de Cádiz. Mais est-ce vraiment comparable?

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