Aracena et sa Sierra

Vivre dans une grande ville bouillonnante comme Séville c’est génial, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer, nous avons une vie sociale de ouf et notre grande soif de culture y est étanchée mais, parfois, nous aimons la quitter quelques temps pour aller voir un joli coin de nature et une ambiance un peu plus rurale, plus tranquille. C’est ce que nous avons fait un dimanche. Nous avons embarqué deux amis assez fous pour être sur le pied de guerre à neuf heures du matin à la station de bus et nous sommes partis tous les quatre à l’aventure.

L’Andalousie, ce n’est pas que la mer et des palais mudéjars, c’est également très montagneux! Pour cause, elle est traversée par trois cordillères! Nous n’avons pas été en montagne depuis notre retour d’Amérique Centrale à cause, entre autres, des gros risques d’incendie de l’été. En vrai, l’automne n’est pas vraiment arrivé dans notre région mais il y a quand même eu quelques pluies au mois de septembre qui ont été bienvenues et qui ont un peu atténué les risques. Même si dans les faits, il nous faudrait des mois de pluie continue pour atténuer la sécheresse.

Aracena

Il faut compter environ une heure et demie de bus depuis Séville pour arriver à Aracena. Nous sommes ici dans le nord de la province de Huelva, à quelques kilomètres de l’Estrémadure dans une région naturelle appelée Sierra de Aracena mais que, dans la culture populaire, on appelle, à tort, Sierra de Huelva (qui signifie les montagnes de Huelva) car ce sont les seules montagnes de toute la province qui est composée principalement de plaines et de lagunes. Le village d’Aracena est « perché » à 682 mètres d’altitude. Ça peut paraître modeste pour des natifs des Alpes comme nous mais nous vivons dans la plaine du Guadalquivir à sept petits mètres d’altitude. Nous avons donc quand même pris un peu de hauteur.

Aracena n’a pas l’importance historique qu’ont d’autres localités andalouses même si elle a vu passer les différents peuples qui ont conquis le sud de la péninsule ibérique allant des Phéniciens aux Visigoths. Elle prit un peu d’essor au VIIIe siècle lors de la conquête arabe et l’âge d’or de la taïfa de Niebla de laquelle elle dépendait directement. La Reconquista catholique ne s’est pas faite par les rois d’Aragon mais par Sancho II du Portugal en 1231. Il est vrai que nous sommes bien plus proches de nos voisins lusitaniens que de Zaragoza! Les siècles qui ont suivi l’ont vu passer alternativement sous les règnes des couronnes de Castille et du Portugal jusqu’au XVIe siècle où Aracena fut rattachée définitivement au Royaume de Séville. En 1831, lors de la nouvelle administration territoriale qui perdure encore aujourd’hui, Aracena fut rattachée à Huelva car il fallait bien donner quelques montagnes à cette pauvre petite province lagunaire! Nan, en vrai ce n’est pas tout à fait pour ça mais nous on la trouve cool comme raison!

Même s’il n’est pas sur la liste officielle, Aracena pourrait prétendre sans vergogne au titre de Pueblo Blanco avec ses petites ruelles bucoliques et ses façades blanchies à la chaux.

Gruta de las Maravillas

Si nous avons pris des photos promotionnelles de la ville d’Aracena ou de l’office du tourisme d’Andalousie pour illustrer cet article, ce n’est pas par flemme mais parce qu’il est strictement interdit de prendre la moindre photo ou vidéo à l’intérieur de la grotte pour des motifs de conservation. Et c’est THE grosse frustration de notre journée car la grotte elle est juste WOW et n’a pas volé son nom! (Maravillas signifie merveilles) Mais nous comprenons aisément les raisons de cette interdiction et n’avons même pas essayé de voler quelques clichés en cachette.

L’accès se fait par une petite maison médiévale juste derrière l’Ayutamiento (la mairie) en plein centre historique. Le dernier endroit où on imagine trouver une grotte! Et pourtant il y a plus de deux kilomètres de galeries souterraines réparties sur trois étages. La partie ouverte au public fait environ 1,2 kilomètre. A l’intérieur, c’est un enchantement de stalagmites, de stalactites et de pierres superbement façonnées par l’érosion. Les lacs contiennent une eau cristalline, riche en minéraux et propre à la consommation qui alimentaient le village en eau potable jusque dans les années 1970. Nous sommes restés tous les quatre bouche bée devant une telle merveille de la nature.

La température intérieure est de 19 degrés environ toute l’année. C’est une parfaite climatisation naturelle pour les étés torrides d’Andalousie. Même au début octobre, nous y avons apprécié la fraîcheur (oui, même Van la frileuse!) car nous vivons un veranillo de San Miguel (l’équivalent de l’été indien) particulièrement chaud.

Aussi fou que ça puisse paraître, il ne faut pas souffrir de vertige pour visiter la grotte. Non, nous n’avons pas abusé de la manzanilla (le vin blanc local de la région de Séville) et avons bien écrit le mot vertige en toute conscience! En général, grotte rime plutôt avec claustrophobie. Mais celle-ci est super haute et bien large à part à quelques petits passages, mais c’est vraiment minime. Van, qui n’aime pas du tout les espaces clos, n’a pas du tout été incommodée durant sa visite. Par contre, il y a des escaliers et des passerelles qui surplombent les lacs et ça peut effectivement être vertigineux et très impressionnant pour les personnes qui ont peur du vide.

L’entrée de la grotte se trouve derrière l’Ayutamiento, il suffit de traverser les arcades. Il y a des panneaux indicatifs dans tout le village. Nous avons pris le billet qui inclut également les entrées au château et au musée du jambon. (15€ soit 14,45CHF le week-end ou 12,50€ soit 12,05CHF en semaine). Etant tributaires des transports publics, nous n’avons pas eu le temps de visiter ce dernier. En vrai c’est parce-que nous avons préférer aller le manger le jambon dans un bistrot! La Sierra de Aracena produit un délicieux jambon sous l’appellation d’origine contrôlée Jabugo, qui est un des villages de la Sierra.

A l’achat de vos entrées, on vous indiquera une heure de visite. Vous serez accompagnés obligatoirement d’un guide et dans un petit groupe d’une vingtaine de personnes, souci de conservation oblige. Pas de panique si vous ne maîtrisez pas le castillan : il y a des visites en anglais et même dans notre belle langue de Molière grâce à des audioguides.

Fuente del Concejo

La structure actuelle de cet ancien lavoir date de 1923 mais des vestiges trouvés sur les lieux nous laissent penser qu’on y lavait déjà ses vêtements au Moyen-Age. Si l’eau paraît si claire c’est parce qu’elle provient directement de la Gruta de las Maravillas. Donc oui, elle est potable! Mais nous n’avons pas osé la boire car nous y avons vu des gens y tremper leurs pieds juste avant (Beurk!). De toute façon, il est déconseillé de trop en consommer car elle est hyper calcaire et risque donc de nous donner de jolis calculs rénaux.

Iglesia de Nuestra Señora del Mayor Dolor

Vous ne pensiez quand même pas que nous allions échapper à notre traditionnelle grimpette du jour? Ce à quoi nous pensions échapper, c’est aux températures du mois de juillet! Loupé! Mais nous commençons à nous habituer aux étés interminables que finalement nous aimons bien et nous nous sommes équipés en conséquence.

La colline sur laquelle nous montons est celle qui abrite la Gruta de las Maravillas. Toute cette hauteur qui nous a impressionnés à l’intérieur, il faut la grimper maintenant! Après avoir passé la porte surplombée d’un clocher-mur typique du XVIe ou XVIIe siècle nous tombons sur cet immense mastodonte de style gothique tardif du XVe siècle. Comme presque toute église qui se respecte en Andalousie, elle a été construite sur une ancienne mosquée datant du XIIe siècle dont on peut encore observer aujourd’hui la tour mudéjar dont les détails ne sont pas sans nous rappeler notre merveilleuse Giralda. Malheureusement, le minaret est mal orienté et se trouve à l’ombre une bonne partie de la journée. Difficile d’y faire ressortir les détails architecturaux.

Château de Aracena

Nous sommes en Espagne donc même s’il y a des grottes et des églises gotico-mudéjars, il y a toujours un château sur la colline! Ou au moins, les restes d’un château! Celui d’Aracena conserve une belle muraille d’enceinte mais pour le reste, c’est bien en ruines même si on peut quand même deviner le donjon grâce à une paroi qui est vaillament restée debout. Nous devons cette fortification du XIIIe siècle aux musulmans. Après la Reconquista, elle fut brièvement cédée à l’ordre des Templiers. Aracena n’a jamais été un endroit stratégique à défendre, le château à donc été laissé gentiment à l’abandon, d’où un état de conservation pas terrible.

Nous avons particulièrement apprécié la promenade sur les remparts car elle donne une vue magnifique sur le village d’Aracena.

Il y a également une superbe vue sur la Sierra de Aracena qui fait partie de la réserve de biosphère de Dehesa de la Sierra Morena, un espace protégé qui s’étend sur plus de 424’000 hectares sur trois provinces andalouses. Nous avons été étonnés de voir un paysage si vert qui contraste avec la sécheresse de la plaine du Guadalquivir. Aussi fou que ça puisse paraître, la Sierra reçoit des précipitations parmi les plus importantes de la péninsule ibérique, ce qui permet à de magnifiques forêts de s’épanouir. Ce climat méditerranéen tempéré par les pluies permet l’élevage des porcs pour le fameux « jamon de Jabugo », la culture des oliviers et celle des chênes-lièges car il faut bien des bouchons pour les bouteilles de manzanilla! Ce ne sont pas les montagnes les plus impressionnantes que nous ayons vues et les sommets y dépassent rarement les 1000 mètres d’altitude mais ce relief doux et vallonné ainsi que toute cette verdure nous ont quand même enchantés.

Ce qui, à la base, ne devait être qu’une petite promenade dominicale s’est avéré être une véritable découverte! Il y a encore trois mois, nous ne connaissions rien de la province de Huelva! Cette pauvre petite région coincée entre l’Algarve super touristique et les coins hyper connus et tout autant touristiques de Séville et de Cadiz a été un peu oubliée, y compris par nous qui, pourtant, aimons sortir des sentiers battus. Certes, elle n’a pas le pittoresque de ses voisins mais possède quand même quelques trésors dignes d’être découverts. Nous allons évidemment essayer de réparer ce lamentable oubli lors de prochaines aventures.

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