Rabat, entre dynamisme moderne et traditions séculaires

Nous quittons Fès et la montagne sans trop de regrets avec notre moyen de transport préféré : le train. Cette fois, le trajet n’est pas trop long et le train relativement confortable. Nous sommes par contre hallucinés par le paysage : avec ses collines recouvertes d’oliviers, la région ressemble à s’y méprendre à notre Andalousie de tous les jours! Nous ne sommes pas encore assez au sud pour voir les magnifiques paysages désertiques qui font la renommée du Maroc.

Petite info pratique pour le train : si vous voulez visiter la ville demandez un billet pour la gare de Rabat-Ville qui est assez bien centrée, sinon on aura tendance à vous vendre un titre de transport pour Rabat-Agdal qui est la gare TGV et qui est un peu excentrée. Ça ne change pas vraiment le prix du ticket mais ça pourrait vous induire en erreur.

Arrivés à Rabat, l’ambiance change complètement! La douceur de l’océan Atlantique nous fait déjà gagner quelques degrés et c’est bien agréable en ce mois de novembre. Nous sommes ici dans la capitale du royaume et ça se voit. Même le quartier de la gare est beau, propre, agréable et tout neuf. Des deniers que perçoit le royaume chérifien, c’est Rabat qui se sert en premier!

La médina et le souk

Toute la partie historique de Rabat est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Contrairement à notre attente, le quartier du souk n’est pas trop touristique et il ne s’y vend pas des babioles pour touristes mais plutôt des affaires de tous les jours pour les locaux. Les stands de bouffe ont également la part belle par ici. La médina date du Xe siècle et a été fondée par les Almoravides, les mêmes qui occupaient l’Andalousie à l’époque musulmane, mais elle ne prit son essor qu’au XIIIe siècle. Malgré la fraîcheur du mois de novembre, le rythme de vie dans la médina ressemble beaucoup à nos étés andalous. C’est très calme pendant la journée, voire même fermé à certains endroits pour mieux se réveiller entre les deux appels à la prière du coucher du soleil. Le seul hic est qu’il est difficile de se repérer dans les ruelles bordées de façades blanchies à la chaux, nous avons l’impression qu’elles se ressemblent toutes!

La kasbah des Oudayas

Cette splendide forteresse qui surplombe l’océan Atlantique nous vient également des Almoravides et date du XIIe siècle. Mais ce sont les Almohades, une tribu berbère à qui on doit notamment nos alcazars de Séville et de Jerez de la Frontera, qui en firent une place militaire forte et qui envoyèrent des soldats continuer la conquête de la péninsule ibérique. Au XVIIe siècle, le roi Philippe III expulsa tous les musulmans d’Espagne dont une bonne partie vint se réfugier à l’intérieur de la kasbah. Les nouveaux venus en firent un état indépendant : la république de Bouregreg du nom du fleuve au pied des remparts qui, aujourd’hui, sépare la ville de Rabat à celle de Salé. Cette république était un repaire de corsaires et de pirates qui venaient vendre des prisonniers chrétiens. Les remparts sont d’une conservation incroyable et l’architecture almohade, bien que familière pour nous, est juste magnifique.

Borj es-Squala

Adossé à la kasbah des Oudayas, ce bâtiment militaire pourrait nous faire penser à certaines de nos forteresses espagnoles comme à Cádiz. Il y a un peu de cette influence puisque une bonne partie des musulmans ayant fui l’Andalousie après la Reconquista sont venus se réfugier à Rabat. Mais en vrai, ce fortin est typiquement arabe, en témoignent la forme de ses créneaux . Il date du XVIIe siècle et fut érigé par la dynastie Alaouite, la famille qui règne encore sur le Maroc de nos jours.

L’intérieur de la kasbah

L’intérieur de la kasbah est un peu plus aseptisée pour les touristes et possède quelques magasins de souvenirs. Mais franchement, ce n’est pas du tout exagéré et les vendeurs nous laissent tranquilles. Avec l’air de l’océan tout proche, se promener dans les petites ruelles est beaucoup moins oppressant qu’à Fès et nous sommes autant émerveillés par tous les détails architecturaux, notamment les nombreuses portes qui ont cette forme de serrure typiquement islamique.

Le clou du spectacle

Se promener sur les remparts permet aussi d’avoir une superbe vue sur l’océan Atlantique, sur l’embouchure du fleuve Bouregreg et sur l’autre rive, la ville de Salé, qui sert un peu de station balnéaire de Rabat. Nous sommes en novembre donc les ombres sont très allongées et l’océan est un peu tourmenté mais ça n’enlève rien à la beauté de la vue.

Le jardin d’essais botaniques

Vous commencez à nous connaître : dès que nous découvrons une tâche verte sur une carte, nous allons voir ça de plus près! Ce jardin a été fondé en 1991 par l’institut agronomique et vétérinaire du Maroc dans le but de conserver des espèces rares ou menacées du pays. Il y a plus de 700 espèces endémiques, sur plus de 3000 au total, réparties dans les diverses zones du jardin. Même si Rabat n’est pas du tout étouffante, ça fait quand même un bien fou de se promener au milieu des arbres sans aucun véhicule à proximité.

La tour Hassan

C’est LE symbole de la ville de Rabat! A la fin du XIIe siècle, le sultan Yacoub El Mansour, un peu mégalo sur les bords, projetait de construire la plus grande mosquée du monde. Mais il mourut en 1199 et son projet resta inachevé. En plus, le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755 détruisit une bonne partie de ce qui avait été construit. Aujourd’hui, il nous reste l’esplanade avec les ruines des colonnes qui devaient soutenir la mosquée ainsi que la tour inachevée qui se dresse quand même à quarante-quatre mètres de hauteur. Si ce minaret vous semble familier, c’est normal! Ses modèles ont été la mosquée Koutoubia de Marrakech ainsi que notre seule et unique Giralda de Séville! Il paraît même qu’il y a exactement les mêmes rampes d’accès à l’intérieur afin de permettre au muezzin de se rendre au sommet à cheval afin de faire ses appels à la prière.

Malgré l’inachèvement de la mosquée et les ruines, le lieu est encore utilisé comme lieu de culte aujourd’hui. Nous sommes d’ailleurs arrivés un vendredi juste après la grande prière et nous avons vu des centaines de fidèles sortir de l’esplanade par les deux petites portes que compte le complexe. Oui, nous avons toujours le don des timings chelous!

Au nord de l’esplanade se dresse un magnifique bâtiment d’architecture islamique. C’est le mausolée royal ou reposent les dépouilles du roi Mohammed V (le grand-père du roi actuel), le prince Moulay Abdallah (l’oncle du roi actuel) ainsi que le roi Hassan II (le père du roi actuel).

Rabat a été notre gros coup de cœur du Maroc. Nous avons été séduits par la richesse du patrimoine historique mais aussi par le dynamisme de la ville moderne. Rabat est une petite capitale, ce n’est que la deuxième ville du pays après Casablanca, et il y règne une douceur de vivre assez agréable. La ville est ouverte sur l’océan, elle n’est ni étouffante, ni congestionnée par le trafic. Il est très facile d’y être piéton. Pourtant, la ville est également moderne, dynamique avec une offre culturelle intéressante et les habitants sont vraiment adorables. A notre avis, Rabat est une étape incontournable de tout voyage dans le royaume chérifien.

Tanger, la porte d’entrée de l’Afrique

Quand on habite dans le sud de l’Espagne et surtout en Andalousie, une partie de notre histoire est intimement liée à l’Afrique du Nord. Ça faisait longtemps que nous voulions traverser le détroit de Gibraltar, lieu stratégique de notre région depuis l’Epoque Romaine pour aller découvrir ce qui s’y passe plus au sud et pour voir à quelle point notre passé est similaire.

Novembre étant un moins assez calme pour nous, nous avons sauté sur l’occasion afin de partir à la découverte d’une partie du Maroc. C’est un pays dont nous avons eu un premier aperçu dans la région de Marrakech en 2017, juste avant notre départ en tour du monde et dont nous en gardons une image plutôt positive. D’ailleurs, pour ceux qui nous suivent depuis le tout début, vous avez sûrement vu passer des articles à ce sujet. Suite à la refonte de ce blog, ils ont temporairement disparu! Nous allons les réécrire et les republier très bientôt, promis!

Bref, tout ça pour vous dire que nous avons finalement traversé le détroit de Gibraltar. Nous nous sommes rendus à Tarifa, à l’extrême sud de l’Europe continentale pour prendre un ferry qui nous emmène en à peine une heure à Tanger. La traversée coûte 40€ (38,65 CHF) par personne. Il y a la possibilité de partir depuis Algeciras pour un tarif beaucoup plus avantageux mais le ferry vous débarquera au port de Tanger Med qui comme son nom l’indique se situe en mer Méditerranée à 45 kilomètres plus à l’ouest de Tanger Ville qui se situe sur l’Atlantique directement au pied de la kasbah. La solution d’Algeciras peut toutefois être une bonne alternative si vous avez un véhicule.

Petite précision pour les personnes qui , comme nous, souffrent du mal de mer. Prenez vos précautions! Le bureau de douane marocaine se trouve sur le ferry et il est obligatoire d’y faire tamponner son passeport avant le débarquement à Tanger. Ce qui veut dire qu’il faut rester debout à faire la queue alors qu’on navigue sur un détroit souvent bien agité. Quand on a notre oreille interne qui fait des siennes, c’est loin d’être le top! Heureusement pour nous, nous avons pu embarquer bien avant le départ et nous avons pu passer la presque totalité du temps d’attente sur une embarcation à l’arrêt qui ne bougeait pas. Nous avons donc pu nous asseoir confortablement au hublot pour la traversée et être au premières loges, à l’arrivée, pour apercevoir un magnifique dauphin qui se prélassait dans les eaux tranquilles du port de Tanger!

En arrivant à Tanger, nous débarquons dans un port situé au pied d’une forteresse datant du temps des Arabes. C’est exactement la même image que nous avons eue en partant de Tarifa! Quand nous disions que nos histoires étaient liées! Avec ses maisons blanchies à la chaux et ses petites ruelles, Tanger peut faire penser aux Pueblos Blancos d’Andalousie.

Tanger

Même si ça nous démange d’aller explorer le Maroc plus en profondeur, nous nous arrêtons tout de même une journée à Tanger pour différentes raisons. Pour Fabien, ce périple a tout d’un pèlerinage familial puisque sa maman et ses tantes, que nous embrassons bien fort, sont nées dans cette ville à l’époque du protectorat espagnol.

Tanger a l’air d’une ville relativement modeste mais ne vous y trompez pas! C’est le deuxième poumon économique du pays après Casablanca. Sa position privilégiée sur le détroit de Gibraltar, ses activités portuaires autant sur l’océan Atlantique qu’en mer Méditerranée ainsi que son commerce florissant avec l’Europe en font une ville riche et dynamique. A part les minarets qui nous indiquent que nous avons changé de culture, nous n’avons pas vraiment l’impression d’avoir débarqué en Afrique.

La medina

Tanger a une histoire de ouf depuis la nuit des temps et ça se ressent dans l’âme de la ville et dans les ruelles de la médina. Ce sont les Phéniciens qui ont fondé la ville, comme Cádiz située presque en face, ce qui veut dire que Madame fête plus de trois mille ans d’histoire, de guerres, de conquêtes et aussi de prospérité. Au IVe siècle avant Jésus-Christ, la ville devint un important comptoir carthaginois qui profitait déjà de sa position privilégiée sur le détroit de Gibraltar. A la chute de Carthage, la ville intègre le royaume de Maurétanie (avec un « é », à ne pas confondre avec la Mauritanie, avec un « i », qui est le pays plus au sud) un royaume berbère qui devint ensuite une province romaine. Après un bref passage dans l’empire byzantin ainsi qu’une petite invasion des Wisigoths, Tanger se fait prendre par les Ommeyades de Damas qui en firent leur point de départ pour aller conquérir la péninsule ibérique. Divers royaumes arabes se sont disputés Tanger durant les siècles de domination musulmane. Puis, au XVe siècle, Tanger connut aussi sa Reconquista! Pas par les rois d’Aragon comme en Espagne mais par les Portugais qui ont quand même dû s’y prendre à trois fois avant de s’en emparer! Ces derniers la cédèrent à l’Angleterre deux siècles plus tard comme dot pour le mariage royal anglo-portugais en 1661. Mais les Anglais n’en profitèrent pas et trouvèrent son occupation inutile et trop coûteuse. (c’est de l’humour anglais certainement!) Ils la cèdent donc à l’Empire Chérifien de l’époque qui correspond plus ou moins au Maroc actuel.

A la fin du XIXe siècle, toutes les puissances coloniales européennes se disputent le Maroc et plus particulièrement Tanger toujours à cause de sa position stratégique. Ce qui amène à pléthore d’accords et de traités plus ou moins respectés jusqu’en 1923 où les négociations aboutissent enfin et où Tanger devient une zone internationale affranchie des droits de douane. La ville possède son autonomie financière et est administrée internationalement par le Maroc, les puissances coloniales européennes ainsi que par les Etats-Unis. En 1940, le général Franco, dictateur de l’Espagne qui possède déjà un protectorat sur tout le nord du Maroc s’empare de Tanger pour permettre à son allié, l’Allemagne nazie, d’y installer un consulat et d’en faire une base arrière. En 1945, sous la pression des Alliés, Franco doit se retirer et Tanger redevient une ville internationale jusqu’en 1956 où le Maroc obtient enfin son indépendance.

Si vous avez eu le courage de lire tout notre pavé, félicitations! Mais l’histoire est trop passionnante pour qu’on y passe à côté. C’est surtout l’aspect de ville internationale qui nous a fasciné! Même si nous savons pertinemment que c’était quand même une forme de colonisation.

Vous pouvez maintenant profiter des photos de la médina. Elle date principalement des différentes périodes arabes mais on peut quand même noter quelques influences européennes. Elle est construite sur un grand promontoire rocheux qui domine l’océan. Ce qui en fait un endroit très mal plat! Donc munissez vous de bonnes chaussures ainsi que d’une bouteille d’eau pour pour profiter à fond des petites ruelles toutes plus belles les unes que les autres!

La kasbah

Au Maghreb, une kasbah signifie une citadelle fortifiée. C’est l’équivalent de nos alcazabas espagnoles. Celle de Tanger est assez récente puisqu’elle ne date que du XVIIe siècle. Certes, la ville a eu été fortifiée auparavant mais les murailles qui nous restent datent de l’époque du sultan Moulay Ismail, celui qui a récupéré Tanger après le départ des Britanniques. La grimpette pour accéder à la kasbah par les ruelles de la médina se mérite mais elle vaut la peine. Les murailles sont magnifiques et la vue sur le port, la baie et, par beau temps, sur la côte espagnole est superbe.

Côté mer

Même si les principaux intérêts de Tanger restent la médina et la kasbah, il peut être agréable de se promener au pied des remparts, en bord de mer. Avec la construction du port de Tanger Med situé quarante-cinq kilomètres plus à l’est qui, avec sa capacité de neuf millions de containers, est le plus grand port industriel d’Afrique et de Méditerranée, le port de Tanger Ville s’est reconverti en port de pêche et port de plaisance bordé de restaurants de poissons et c’est assez sympa! Tanger se trouve un petit peu en retrait du détroit de Gibraltar, côté Atlantique dans une baie abritée, ce qui la dispense des forts vents comme à Tarifa. On peut clairement distinguer sur les bâtiments du fronts de mer qui datent du début du XXe siècle les influences françaises et andalouses.

Tanger n’a pas le prestige des villes impériales marocaines plus connues mais elle mérite tout de même une visite. Nous devons quand même reconnaître que pour le dépaysement, on repassera. Depuis que nous vivons en Andalousie, les maisons blanches et l’architecture mudéjar font partie de notre quotidien. (Oh les gros blasés!) Heureusement qu’il y a les tajines et les appels à la prière qui nous rappellent que nous avons quand même changé de pays et de continent!

Il est totalement possible d’y passer une journée en faisant l’aller-retour depuis Tarifa en fast ferry. Il faut compter une petite heure pour la traversée même si la publicité vous fait croire que le trajet ne dure que trente-cinq minutes! Pour que ce soit le cas, il faut que la mer soit calme comme un lac. Avec les forts courants qui balaient constamment le détroit, ça n’arrive jamais!