Casablanca et la cité portugaise d’El Jadida

Depuis Rabat, nous continuons notre route encore plus au sud! Que voulez-vous, c’est notre point cardinal préféré! Nous ne changeons pas une équipe qui gagne et reprenons notre moyen de transport préféré et le plus pratique au Maroc : le train. Il y a évidemment l’Al Boraq (le TGV marocain) qui relie les deux plus grandes villes du pays en un temps record mais nous avons choisi l’option slow travel avec le train de banlieue qui nous a amenés à destination en un peu plus d’une heure.

Comme pour la capitale, il y a la subtilité des gares à Casablanca. La gare principale est Casa-Voyageurs qui est la gare TGV et qui est excentrée. Si vous voulez être près du centre, la gare appropriée est Casa-Port mais qui n’est pas desservie par la ligne à grande vitesse. Au pire, il y a un très bon réseau de tram qui vous emmènera au centre depuis Casa-Voyageurs.

Notre but se situe encore plus au sud mais il est plus pratique est meilleur marché de dormir à Casablanca. C’est la plus grande ville du pays ainsi que son centre financier le plus important. C’est également la plus grande ville du Maghreb et la cinquième d’Afrique. Elle n’a pas bonne réputation au niveau touristique car, comparé à toutes les merveilles que compte le Maroc, elle n’offre que très peu d’intérêt. Casablanca a été bombardée presque entièrement lors des insurrections de 1907 et a été reconstruite au cours du XXe siècle dans un style moderniste assez moche. Rien à voir avec les joyaux architecturaux des villes impériales qui font la renommée du Royaume Chérifien!

Mais vous nous connaissez : tant que ce n’est pas trop craignos, nous adorons allez fouiner dans tout ce qui a mauvaise réputation!

Place Mohamed V

Nous commençons notre visite en passant par l’impressionnante place Mohamed V. Elle se situe au cœur du quartier administratif de Casablanca. Elle a été érigée juste après la Première Guerre Mondiale par les Français au début de leur protectorat sur le Maroc. Ce n’est pas la place la plus pittoresque que nous ayons vue mais c’est un endroit où la population locale vient flâner au coucher du soleil et l’ambiance y est assez sympa.

Parc de la Ligue Arabe

Casablanca est une grande ville un peu étouffante. Nous avons donc été contents d’y avoir trouvé un parc avec un peu de verdure. Ce parc de trente hectares a été aménagé par les Français en 1921. A l’époque, il s’appelait Lyauthey en l’honneur du maréchal Hubert Lyauthey qui fut un des acteurs principaux de la colonisation du royaume chérifien. Après l’indépendance, il prit le nom de la Ligue Arabe.

En bordure du parc, se dresse l’église du Sacré-Cœur érigée en 1930, toujours par les Français évidemment, dans un joli style art-déco. Sa façade est d’une blancheur immaculée comme beaucoup de bâtiments de la ville. Elle a été désacralisée et accueille aujourd’hui des expositions et des manifestations culturelles.

La médina

Même si ça ne vaut de loin pas Fès ou Rabat, Casablanca possède une modeste médina qui vaut le détour. C’est l’endroit idéal si vous voulez voir un vrai souk, c’est-à-dire un marché complètement anarchique où on y vend des denrées alimentaires, des habits ou de l’huile d’argan à la criée et pas des stands « d’objets artisanaux locaux made in China ». D’ailleurs, en tant que rares touristes nous n’intéressons pas trop les vendeurs et nous traversons la vieille ville sans être trop dérangés.

La médina se trouve à l’emplacement de l’ancienne ville portugaise et de l’ancien quartier juif. On peut y voir les restes de la muraille qui entourait la ville sur quatre kilomètres. Bref, Casablanca ne vaut pas le détour pour sa médina mais si vous y êtes déjà, allez y faire un tour, vous y trouverez un peu de Maroc « authentique ».

Grande mosquée Hassan II

S’il y a bien un incontournable à Casablanca, c’est la mosquée Hassan II! Elle date de 1993, a été érigée en partie sur l’océan et occupe un espace de plus de neuf hectares! Elle est nommée d’après Hassan II, le précédent roi et père du roi actuel et son minaret culmine à plus de 200 mètres. C’est une des plus grandes mosquées du monde! Sa salle de prière peut accueillir 25’000 fidèles et l’esplanade plus de 80’000 personnes. En un mot : impressionnant!

La couleur dominante de la mosquée est le vert, couleur de l’islam qui a été utilisée dans les mosaïques décoratives que nous trouvons particulièrement belles.

Un des points de vue sympa sur la mosquée est la corniche, une jolie promenade au bord de la mer. Ça permet aussi de prendre un peu d’air marin et d’échapper à la pollution de la ville. Mais en ce mois de novembre, malgré une météo assez clémente et ensoleillée, l’océan Atlantique est déchaîné et nous recevons des embruns vraiment glacés! D’ailleurs, la mosquée elle même souffre de l’humidité et des caprices de l’océan et son entretien s’avère un vrai défi.

El Jadida

Si nous nous sommes arrêtés à Casablanca, c’est pour aller visiter El Jadida située à une centaine de kilomètres plus au sud. Les deux villes sont très bien reliées par le train et il faut compter une heure et demie de trajet. Par contre, la gare d’El Jadida est située à cinq kilomètres de la forteresse et il n’y a pas de transports publics. Evidemment, une horde de taxi vous attend à l’arrivée du train et c’est sûrement assez facile à négocier mais nous décidons d’y aller à pied, c’est tout plat et il y a des trottoirs partout. Pour le retour, nous avons trouvé, après moult recherches, un bus qui nous a rapproché de la gare mais nous avons quand même dû parcourir le dernier kilomètre à pied.

La cité portugaise de Mazagão

El Jadida a été fondée par les Portugais au XVIe siècle sous le nom Mazagão francisé en Mazagan. Toute la cité entourée par les remparts est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les bâtiments datent de la Renaissance portugaise dans un style dit manuélien, du nom de Manuel Ier, roi du Portugal de l’époque. L’ensemble est un peu défraîchi mais ne manque pas de charme, bien au contraire! Le coin n’a pas encore succombé au tourisme de masse et le centre n’a pas été transformé en musée et en Airbnb. La population locale est vraiment adorable et toute contente de pratiquer un peu de français avec nous. Même les enfants nous accueillent avec des joyeux « Bonjour »! Nous avons d’ailleurs été hallucinés par leur très bon niveau dans la langue de Molière alors que certains d’entre eux doivent avoir juste huit ans!

Les lieux de culte

Une des particularités de la cité d’El Jadida c’est que, sur la place centrale, la grande mosquée fait face à l’église catholique Notre-Dame de l’Assomption. Cette dernière date du XVIe siècle comme le reste de la cité et possède l’architecture typique de la Renaissance Portugaise. Elle est encore en activité aujourd’hui et la messe y est parfois donnée en français. Quant à la mosquée, elle a été construite au début du XIXe siècle après le départ des Portugais.

Cette place est un très bel exemple de tolérance religieuse.

Les remparts

La cité d’El Jadida est, encore aujourd’hui, entourée de remparts superbement conservés. On les doit évidemment aux Portugais qui ont fortifié la ville dès sa construction au XVIe siècle. Le truc vraiment cool à faire c’est de se promener sur la muraille d’où on a une superbe vue sur la vieille ville, sur le port et sur l’océan Atlantique.

Nous avons eu un véritable coup de cœur pour El Jadida! Même si c’est assez petit et ne nécessite qu’une petite journée de visite, ça vaut amplement le détour. Casablanca nous a bien plu aussi. Certes ce n’est pas pittoresque mais la ville a une vraie âme et nous y avons été sensibles.

El Jadida sera le point le plus méridional de notre trip marocain. Nous avions pensé descendre jusqu’à Marrakech. Le festival du film qui fait monter les prix des logements, un estomac un peu en vrac et un timing un peu serré nous y ont fait finalement renoncer. Nous avons décidé de rentrer au bercail. D’ailleurs, nous avons testé pour vous : Casablanca – Séville se fait parfaitement en une journée par voie terrestre. Départ à 11 heures et arrivée à 19 heures. Bon, nous avons eu un gros coup de stress à Tanger car notre TGV avait une heure de retard ce qui a bien réduit notre marge de manœuvre. Mais nous avons finalement pu prendre notre ferry comme prévu et rentrer sans encombre dans notre chère capitale andalouse.

Niebla et le règne des Guzman

Lors de nos trajets en train pour Huelva, nous avons aperçu par la fenêtre une superbe forteresse dans la localité de Niebla, à environ 26 kilomètres de la capitale provinciale. Evidemment, ça a titillé notre curiosité et nous n’avons pas pu nous empêcher de nous y arrêter pour aller voir ça de plus près!

Si aujourd’hui, Niebla est un petit village andalou de peu d’importance, ça n’a pas toujours été le cas dans le passé. La localité fut fondée à l’Age de Bronze par les Tartessos, une civilisation du Ier millénaire avant Jésus-Christ qui occupait l’ouest de l’Andalousie actuelle. Les Romains développèrent la ville qui passa sous l’influence directe d’Italica, dans l’actuelle Santiponce en banlieue de Séville. Ensuite, l’histoire est exactement la même que dans tout le sud de la péninsule ibérique : les Wisigoths chassèrent les Romains et furent eux-mêmes chassés par les musulmans. Niebla devint alors un taïfa indépendant avant d’être englobé dans celui de Séville. La ville fut reconquise par les catholiques sous l’égide d’Alphonse X de Castille en 1262 après neuf longs mois de siège. A cette époque, Niebla devint un comté riche et important. Mais tout se gâta en 1508 quand le roi d’Espagne, Fernando II réclama le duché voisin de Medina Sidonia. Niebla, en tant qu’allié de ce dernier, refusa et se mis à le défendre. En représailles, le roi y envoya 1500 hommes et ordonna l’assaut de la ville. Mais heureusement, le massacre attendu n’eut finalement pas lieu car le duc a fini par abdiquer et céder son duché à la couronne de Castille. Mais cet épisode marqua le début du déclin pour Niebla qui fut aggravé par le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755 qui fit beaucoup de dégâts dans toute l’Andalousie.

Niebla ne redevint jamais prospère. Aujourd’hui, c’est un village andalou endormi, qui sert de cité-dortoir pour la population qui va travailler à Huelva ou même à Séville. Seuls quelques monuments historiques d’envergure rappellent ce passé glorieux dans une des provinces les plus oubliées d’Espagne et qui porte le titre peu enviable de parent pauvre de l’Andalousie.

Les remparts de Niebla

Niebla peut se targuer d’avoir une muraille d’une conservation remarquable. Ce que nous voyons aujourd’hui nous vient tout droit de l’époque almohade, c’est-à-dire musulmane, mais la base avait déjà été construite par les Tartessos, à l’Age de Bronze. Il en reste six portes dont certaines ont la fameuse forme en serrure des portes islamiques. C’est la muraille la plus ancienne la mieux conservée d’Europe.

Le château des Guzman

Bien qu’on y ait trouvé des restes wisigoths, romains et mudéjars, ce château en question est un pur produit de la Reconquista. Il fut construit en 1368 lors de la création du comté de Niebla qui allait grosso modo de Sanlucar de Barrameda jusqu’à la frontière portugaise mais en passant par l’arrière-pays. Le château appartenait à la noble famille Guzman, qui malgré la consonnance un peu germanique, est un nom typiquement castillan. La famille appartenait à la maison de Medina Sidonia et donna même une reine du Portugal (Luisa de Guzman, femme de Jean IV du Portugal) ainsi qu’une impératrice (Eugenia de Montijo, femme de Napoléon III). Elle reçut ses titres de noblesse directement du roi pour services rendus à la couronne de Castille. C’est grâce aux Guzman qui maîtrisaient l’art des alliances et du commerce que Niebla connut une époque très prospère pendant la Renaissance. Le lignage de la famille existe toujours et il y a encore aujourd’hui un comte de Niebla même si son rôle se limite à parrainer des fondation et à donner des conférences dans diverses universités du pays.

Le château se visite pour 4€. L’avantage des petites structures telles que celles-ci, c’est que le personnel, super sympa, a le temps de vous accueillir, de vous faire un brin de causette et de répondre à toutes vos questions concernant la région ou le patrimoine historique. C’est le château-fort typique avec sa ceinture extérieure, son donjon, ses tours, son chemin de ronde, ses mâchicoulis, ses cachots, etc… Malgré son côté calme et un peu oublié, le château de Niebla grouille d’activités. Il y a déjà les archéologues qui cherchent des vestiges antérieurs à la construction de l’édifice. Ensuite, il y a les restaurateurs qui font un boulot de dingue depuis des années car avec le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, la mise à sac par les troupes napoléoniennes lors de la Guerre d’Indépendance (1808-1814) et l’abandon qui en découla, l’édifice a bien morflé! Enfin, outre la mise à disposition des touristes pour les visites, l’enceinte du château accueille un festival de théâtre renommé dans la région. Ça nous fait plaisir de voir qu’on bichonne ces bijoux historiques et qu’on les fasse vivre à travers diverses activités culturelles.

Iglesia San Martin

Même si l’intérêt principal de Niebla reste son château, il vaut la peine de faire quelques pas dans le village pour accéder aux ruines de l’église de San Martin. On y voit clairement l’ancienne mosquée avec sa porte en forme de serrure (à gauche) sur laquelle a été construite, au XVe siècle, une énorme cathédrale gothique dont il nous reste l’abside ainsi que le clocher. Mélange des cultures oblige, la mosquée a été transformée en chapelle dont la déco est on ne peut plus catholique.

Niebla n’est pas un incontournable en Andalousie mais elle a le mérite de nous offrir une petite halte culturelle hors des grands circuits touristiques. En plus, elle est facilement accessible depuis les stations balnéaires de la côte atlantique pour ceux qui en auraient marre de se dorer la pilule à la playa.

Ayamonte

Dans notre conquête de l’ouest, nous avons décidé de pousser le bouchon encore plus loin et de nous rendre au bout du bout, à l’extrême sud-ouest de l’Espagne péninsulaire, à la frontière portugaise : Ayamonte. Ce petit village de pêcheurs fondé par les Phéniciens connut une histoire similaire à toute la région avec les Romains, les Wisigoths et les Arabes tout en ayant une forte influence portugaise qui ne se ressent plus trop aujourd’hui. Elle eut de grandes relations économiques et commerciales avec l’empire colonial espagnol en Amérique qui lui assura assez de ressources pour connaître la prospérité. Aujourd’hui, c’est une petite ville andalouse agréable et néanmoins assez animée grâce au tourisme des plages atlantiques proches comme la Isla Canela ou la station balnéaire portugaise de Vila Real de Santo Antonio qu’on peut rejoindre en ferry.

En transports publics, Ayamonte est accessible en bus depuis Huelva, et parfois, directement depuis Séville.

Plaza de la Laguna

Difficile de faire plus andalou avec cette magnifique place au centre d’Ayamonte. Tout y est : les maisons blanchies à la chaux, les palmiers, une pergola pour faire un peu d’ombre, une statue en marbre (dans ce cas la statue de l’Immaculée Conception datant de 1954) ainsi que les bancs ornés de mosaïques. Seuls quelques azulejos bleus nous rappellent que nous ne sommes qu’à deux pas du Portugal. La place date du XVIIIe siècle mais a été remaniée au moins une fois par siècle depuis sa construction. Elle est bordée par l’Ayuntamiento (la mairie) et par de jolies terrasses à l’ombre bienvenue dans cette chaleur estivale.

Bom dia Portugal!

Ayamonte se trouve sur la rive gauche du Rio Guadiana pratiquement à son embouchure dans l’océan Atlantique. Si le nom de ce fleuve vous dit quelque-chose, c’est normal, nous vous en avons déjà parlé puisqu’il traverse également la ville de Badajoz avant de tracer la frontière entre l’Espagne et le Portugal jusqu’à la mer. Vous l’aurez compris, sur la rive droite, ce sont nos voisins et amis portugais. Pour aller leur dire bonjour, il y a deux solutions. La première consiste, si vous avez une voiture, de prendre l’autoroute A22 et d’emprunter le magnifique pont international du Guadiana qui traverse la rivière. Cet impressionnant pont suspendu de 666 mètres de long, le troisième plus long du Portugal après les deux ponts qui traversent le Tage à Lisbonne, fut inauguré en 1991 après 28 ans de travaux. Si ça a pris si longtemps, ce n’est pas parce que les ouvriers ont trop fait la sieste comme le disent souvent les préjugés venus du nord, mais à cause du Rio Guadiana trop large (plus de 500 mètres) et trop profond (une bonne dizaine de mètres) ce qui posa de grands défis techniques aux constructeurs.

La deuxième solution pour rejoindre la localité portugaise de Vila Real de Santo Antonio est d’emprunter le ferry. Il part sur le quai du Guadiana tout proche du centre-ville, la traversée coûte 2,30€ et il y en a toutes les trente minutes. Par contre, nous ne l’avons pas testé pour vous. Etant tributaires des transports publics, nous étions pris par le timing. Mais ce n’est pas l’envie qui nous a manqué!

Malgré ces jolies petites découvertes, nous n’avons pas renouvelé notre abonnement gratuit pour Huelva pour ce dernier quadrimestre de 2023. Nous avons préféré prendre celui pour Cadiz que nous adorons et dont la province nous coupe le souffle à chaque fois. Mais ce n’est pas pour autant que nous allons abandonner la province onubense (oui, c’est comme ça qu’on appelle les gens de Huelva!) à son triste sort. Il y a toute la Sierra de Huelva, mieux accessible depuis Séville et idéale pour des balades automnales sans risque d’incendie, que nous mourrons d’envie d’aller découvrir!