Almenara et les vestiges de la Guerre Civile Espagnole

Lors de notre visite au Vall d’Uixo, nous étions partis sur les traces de la Guerre Civile Espagnole via la ligne de défense XYZ. Nous avons découvert que cette fameuse ligne partait de la localité d’Almenara, à mi-chemin entre Sagunto et Vall d’Uixo, donc tout près de chez nous. La motivation fut vite trouvée pour nous rendre dans ce nouveau coin à découvrir.

Notre visite s’est faite en deux fois : la première fois, début septembre, dans la plaine car nous avons bénéficié d’une visite guidée de la ligne XYZ. Mais avec la chaleur écrasante de l’époque et la longueur de la visite, nous avions renoncé à grimper jusqu’au château le même jour. C’est par une belle journée d’octobre avec des températures plus agréables bien qu’encore estivales que nous sommes partis à la découverte du village d’Almenara.

Vue d’Almenara depuis le chemin menant au château

Le village d’Almenara n’est pas le plus pittoresque de la région mais il subsiste un petit patrimoine historique comme l’église paroissiale du XVIIIe siècle, un reste de muraille du XVIe siècle ainsi que l’ancien lavoir.

Le nom Almenara est directement tiré de l’arabe Al-manara et signifie tour de garde, en référence aux deux tours de garde, encore bien conservée, qui entouraient le château.

Une des tours de garde qui servait à la surveillance de la plaine côtière
Le château

Vous commencez à avoir l’habitude de notre petite grimpette du jour. Almenara ne déroge pas à la règle puisqu’elle aussi possède sa colline avec son château. La montée est facile et accessible à tous, il faut toutefois se munir de bonnes chaussures! Le sentier traverse un superbe maquis méditerranéen. La veille de notre balade, il a plu toute la journée, la végétation était donc bien verte.

En chemin, nous croisons une petite grotte de chauves-souris mais comme nous sommes en journée, elles dorment et nous ne nous attardons pas afin de ne pas les déranger.

Le château date du Xe siècle et a été construit sur d’anciens restes romains. Après la conquête de Jaime Ier (le fameux!), il fut rattaché au royaume d’Aragon puis peu à peu laissé à l’abandon d’où un état de conservation déplorable. Les deux tours de gardes sont, quant à elles, bien conservées.

La vue de ouf!

Si nous avons pris la peine de grimper jusqu’au château, c’est quand même pour la vue sur la Huerta et la Sierra de Espadan. Mais nous ne nous attendions pas à quelque-chose d’aussi grandiose! Il faut dire que le temps est splendide, la végétation bien verte et la mer Méditerranée a une couleur incroyable qui n’a rien à envier à la mer des Caraïbes!

En chemin, nous avons découvert quelques vestiges dont nous soupçonnons fortement qu’ils nous viennent tout droit de la guerre civile, la ligne XYZ passant dans le coin.

Estanys
Il y a comme un petit air de sud-est asiatique, n’est-ce-pas?

Estany en Valencien signifie étang. Effectivement, il y a trois lagunes d’eau douce classées parc naturel, vestiges d’une ancienne grande zone humide qui couvrait toute la plaine côtière avant l’arrivée des cultures. Elles se situent entre le village d’Almenara et la mer Méditerranée. Le coin ressemble plus aux plaines cambodgiennes qu’à la côte méditerranéenne espagnole. Une fois n’est pas coutume, nous avons une bonne nouvelle concernant cette petite réserve : le niveau de l’eau n’a jamais été aussi élevé en été depuis 25 ans! Ceci grâce à des militants écolos de la région qui ont convaincu les agriculteurs de diminuer les cultures intensives dans la plaine et de ne pas pomper l’eau des lagunes pour l’arrosage des champs. Le pari est réussi et nous en sommes évidemment ravis! Le mouvement écologique prend de plus en plus d’ampleur en Espagne et ses membres commencent vraiment à être pris au sérieux. Une petite victoire qu’il vaut la peine de souligner.

Marjal de los Ullals

C’est une grande zone humide couvrant 1486 hectares dont font partie les Estanys. C’est exactement le même environnement que la Marjal del Morro près de Puçol. Ici aussi les écologistes ont réussi leur pari de garder un niveau d’eau assez élevé pour l’été. En hiver, pendant les jours pluvieux, il n’est pas rare que la plaine soit inondée.

Ligne XYZ

Si nous avons fait tout ce chemin depuis le village jusqu’à la Marjal, ce n’est pas uniquement pour la beauté du paysage. Quoique, il vaudrait la peine de ne venir que pour ça. On y trouve également quelques vestiges de la fameuse ligne XYZ. Lors de notre précédent article mentionnant cette ligne, certains d’entre vous vous êtes étonnés de son nom. Donc, oui, XYZ c’est bien son vrai nom! Mais pourquoi ce nom? Car ce sont les trois dernières lettres de l’alphabet et après, il n’y a plus rien. Et c’est vrai, c’était la dernière ligne où les Républicains défendaient la ville de Valence, devenue capitale d’Espagne depuis la chute de Madrid au mains des Franquistes. La Communauté Valencienne étant la dernière région a avoir résisté à l’assaut des Nationalistes. Pour y accéder, il faut se rendre au centre d’interprétation de la ligne XYZ située près des Estanys et demander une visite guidée. N’essayez pas de vous y rendre tout seul, vous ne trouverez pas les vestiges cachés au milieu de la végétation de la réserve! Surtout que la balade est gratuite et très intéressante. Il faut juste comprendre le castillan ou le valencien. Le seul petit hic, c’est que les historiens galèrent à trouver des archives fiables sur le sujet dans la région car tout ce qui avait trait aux Républicains a été détruit ou brûlé sur ordre du Général Franco après la guerre. Ils se basent donc sur les récits des anciens combattants ou de leurs descendants et, bien sûr, toutes les histoires ne sont pas vérifiables.

La construction de la ligne a été commencée durant l’été 1938 et a été terminée en 3 semaines. Une vraie prouesse car les travaux s’effectuaient principalement de nuit afin de ne pas attirer l’attention de l’ennemi. Les conditions de travail étaient difficiles. C’est une zone humide, inondable, les températures grimpent facilement jusqu’à 40 degrés et les moustiques prolifèrent. Beaucoup d’ouvriers moururent du paludisme, ce qui peut paraître fou aujourd’hui mais pas à l’époque. La maladie n’a été éradiquée d’Espagne qu’en 1964. Mais une ligne de défense dans les marécages n’a pas que des inconvénients. Les bâtiments se fondent dans la végétation et sont pratiquement indétectables vus d’avion. C’est grâce à ce flou géographique que les Républicains réussirent à maintenir le front de guerre quelques kilomètres plus au nord laissant la localité d’Almenara relativement paisible pendant les périodes de combats.

Après 3 heures de visite, il commence à faire chaud, la fatigue se fait sentir et le cerveau de Van commence à saturer à force de se concentrer sur les explications en castillan. Mais la balade s’achève en beauté sur la Belle Bleue!

Voilà encore un petit trésor valencien que nous venons de découvrir. Almenara a le mérite de mixer culture et nature, c’est exactement ce que nous aimons!

Petite spoiler alert!

Souvenez-vous, dans notre article sur Séville, nous avons glissé un indice sur notre retraite hivernale! Vous avez été plusieurs à jouer le jeu de la devinette, certains d’entre vous ont même essayé de lire entre les lignes ou d’interpréter nos propos afin d’essayer de trouver notre destination. En fait, il fallait juste observer les photos. L’indice qu’il fallait trouver est celui-là :

Bravo à notre ami Seb qui a été le premier à trouver la réponse! Si la situation sanitaire le permet, nous devrions partir pour Tenerife le 28 octobre. La tendance actuelle est plutôt d’instaurer un couvre-feu nocturne donc nous avons bon espoir de pouvoir nous y rendre. Nous avons avancé notre programme d’un mois car avec la Covid qui joue les trouble-fêtes nous avons préféré anticiper un éventuel reconfinement. Vu l’actualité, nous avons renoncé à quitter l’Espagne pour ne pas nous retrouver avec des problèmes de visa comme ça a fini par être le cas en Malaisie. De toute façon, Tenerife est une île que nous ne connaissons pas du tout et c’est un coin où nous n’aurions pas forcément pensé à y aller en d’autres circonstances.

Vall d’Uixo, sur les traces de la Guerre Civile Espagnole

En préparant notre précédent article sur Jérica, nous sommes tombés sur plusieurs références à la Guerre Civile Espagnole qui a conduit à une des pires dictatures d’Europe occidentale du XXe siècle. En creusant un peu plus, nous avons découvert qu’il était possible d’en voir quelques vestiges dans la Communauté Valencienne, plus précisément au Vall d’Uixo. En plus, ce n’est qu’à 18 kilomètres au nord-ouest de Sagunto et facilement accessible en bus, à condition de mettre le réveil de bonne heure le matin. Nous ne sommes pas des gens très matinaux mais quand c’est pour la bonne cause, nous savons trouver de la motivation à nous lever le matin. (Oui, la découverte d’un coin sympa c’est une bonne cause à nos yeux!)

Un quartier de la ville de Vall d’Uixo ainsi que les premiers sommets de la Sierra de Espada vus de la colline de la Cova.
Mais de quoi parle-t-on en mentionnant la Guerre Civile Espagnole?

Ben d’une guerre pardi! Plus sérieusement, nous allons essayer de vous en faire un bref résumé en quelques lignes car c’est un gros morceau de l’histoire d’Espagne et nous ne sommes pas encore très calés sur le sujet.

En 1931, fut proclamée la Deuxième République Espagnole, plutôt orientée politiquement à gauche, afin de mettre fin à une monarchie qui ne satisfaisait personne. Mais les années 1930 étaient des années de crise économique en Espagne comme dans toute l’Europe et des troubles sociaux commencèrent à éclater. C’est dans ce climat de tension que des nationalistes ont préparé de longue date un coup d’état militaire qui devait avoir lieu le 18 juillet 1936. Mais il a été mis en échec par la République en place. C’est suite à cet événement qu’éclata une terrible et sanglante guerre civile entre les Républicains (ceux de gauche et d’extrême gauche loyaux au gouvernement en place) et les Nationalistes. (ceux de droite et d’extrême droite sous les ordres du Général Franco).

La Communauté Valencienne resta loyale à la République pendant toute la durée de la guerre. Valence devint même capitale d’Espagne après la chute de Madrid. Les provinces de Valence et de Castellon furent les derniers territoires résistants, contrôlés par la République avant l’arrivée des rebelles nationalistes.

La fin de l’histoire est connue, ce sont les troupes nationalistes du Général Franco qui ont gagné plongeant le pays dans une cruelle dictature qui perdura pendant près de 40 ans.

C’est le dernier conflit que connut l’Espagne puisque le pays était officiellement neutre pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais ça c’est une autre histoire, mais pas moins intéressante…

Un des bastions de la ligne XYZ surplombant la ville de Vall d’Uixo

Vall d’Uixo

Non, l’orthographe n’est pas cheloue, c’est du Valencien. En gros, c’est comme du Catalan sauf qu’il y a plein de « X »! C’est une petite ville nichée dans la Vallée du Belcaire entre mer et montagnes au pied des premiers sommets de la Sierra de Espada. L’histoire est la même que partout dans la région : les Ibères, les Romains, les Arabes puis les Aragonais s’y succédèrent. Mais la ville a été presque entièrement détruite pendant la Guerre Civile Espagnole malgré le fait qu’elle ait résisté aux rebelles presque jusqu’à la fin. Et ça se voit! La ville a souffert de l’urbanisation anarchique du milieu du XXe siècle et n’a vraiment aucun charme.

Des peuples anciens, il ne reste plus que les restes d’une petite nécropole hispano-wisigothe. Elle n’a été découverte que très récemment. Les archéologues ont trouvé 8 fosses ainsi que les ossements de 66 personnes. On suppose qu’elle date du VII siècle avant J-C.

Iglesia del Santo Angel Custodio

C’est le seul bâtiment historique encore debout et en bon état de la ville. Comme les petites ruelles médiévales ont toutes disparu après la reconstruction de Vall d’Uixo, l’église a droit à sa propre place et n’est pas coincée au cœur d’un centre historique trop petit pour elle. Elle a été construite entre les XVII et XVIII, donc assez tard, et est de styles baroque et néoclassique, un fait assez rare dans une région plutôt habituée au gothique valencien. Elle est reconnaissable de loin grâce à sa magnifique coupole en tuiles bleues typique de la région.

Aqueduc de San José y Alcudia

Cet aqueduc date de l’époque romaine même s’il a été dévié plusieurs fois au Moyen-Age à la suite des différentes étapes du développement de la ville. Il a été entretenu et restauré plusieurs fois à travers les siècles et a servi à l’irrigation des cultures jusque dans les années 1950.

Colline de la Cova

Ce n’est pas cette fois que nous allons échapper à notre traditionnelle grimpette. Tant mieux, car nous adorons ça même si 135 mètres de dénivelé restent une petite balade pour nous! Mais le paysage de roche, de maquis et de pinède est vraiment sympa et apporte une petite touche de difficulté à la promenade.

En chemin, nous croisons quelques grottes qui ont servi de refuges aux Républicains pendant l’assaut des troupes nationalistes durant la Guerre Civile Espagnole.

Et évidemment, au sommet, nous jouissons de la superbe vue sur Vall d’Uixo, la Sierra d’Espada et la mer Méditerranée.

La ligne XYZ

Mais nous n’avons pas fait l’effort de grimper à travers le maquis pour rien! Notre but était de voir les vestiges de cette forteresse qui ne date ni de la période arabe ni du Moyen-Age mais… de 1938! C’est une ligne de défense construite par les Républicains pour défendre la région des assauts des nationalistes pendant la Guerre Civile Espagnole. Et ça a en partie fonctionné puisque la région a été la dernière à résister aux troupes du Général Franco. Pourtant, même pour l’époque, elle est de construction sommaire : pierre et ciment, un peu de béton pour les bunkers. Elle part des rives de la mer Méditerranée à Almenara (juste au sud de Vall d’Uixo) et traverse les provinces de Castellon et de Teruel avant de terminer à Santa Cruz de Moya dans la province de Cuenca (Castille-la-Manche). Le but étant de protéger la ville de Valence puisqu’elle était, par circonstance, devenue capitale d’Espagne. Après la guerre, Franco fit démanteler toutes les installations défensives ne laissant que les murs.

Rio Belcaire

La montée à la colline de Cova ne nous ayant pas suffi, nous avons trouvé une autre balade dans le Rio Belcaire. Oui, vous avez bien lu, DANS le Rio Belcaire. Le sentier se trouve effectivement dans le lit de la rivière. Mais rassurez-vous, le cours d’eau est asséché à cause de la sécheresse, grand fléau en Méditerranée et de l’utilisation de ses eaux pour assainir les nappes phréatiques des environs. Bon, il faut quand même éviter de s’y rendre pendant les grandes pluies d’automne ou de printemps! Et attention aux chevilles! Le sol est fait de galets et ce n’est pas stable du tout!

Nous y accédons par les grottes de San Josep mais comme c’est un site méga touristique et comme Van n’est pas du tout à l’aise dans les lieux clos, nous passons notre chemin. Mais si vous passez par là et que vous êtes intéressé par un lac souterrain et la spéléologie, sachez que ce site existe, surtout que les grottes ont l’air quand même sympa.

Marcher dans le lit du rio Belcaire nous permet d’admirer les falaises de calcaire qui nous dominent telles le Grand Canyon. La Communauté Valencienne c’est un peu l’Arizona avec un peu plus de végétation et une gastronomie bien meilleure!

Et, oh surprise, nous retrouvons un autre portion de notre ami l’aqueduc romain de San José y Alcudia!

Encore une super découverte à deux pas de chez nous! Et c’est un endroit que nous ne connaissions absolument pas avant de faire quelques recherches pour notre article sur Jérica! D’ailleurs, en faisant d’autres recherches pour étayer cet article, notamment sur la ligne XYZ, nous avons encore trouvé d’autres coins à explorer dans la région, rallongeant par la même occasion notre liste à idées!

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