Kanchanaburi et la rivière Kwai

Comme prévu, nous n’avons pas tenu longtemps avant de reprendre nos sacs afin de repartir sur les routes. Mais l’épidémie du Covid 19 restreint un peu nos choix : nous ne pouvons pas vraiment partir d’Asie du Sud-Est sans être mis en quarantaine. Mais nous nous en accommodons très bien. Nous profitons de l’absence de touristes et d’un taux de change très avantageux pour découvrir une nouvelle facette de la Thaïlande.

Fabien voulait donner une tournure ferroviaire à ce périple, nous avons donc pris le train depuis Butterworth, la ville sur le continent en face de Georgetown. Nous ne sommes même pas sortis de la gare de Padang Besar pour passer la frontière! Après une nuit à Hatyai, nous sommes partis pour un trajet de 17 heures en train de nuit, étonnamment confortable, jusqu’à Nakhon Pathom. Et là, c’est le drame! Nous avons loupé notre correspondance pour Kanchanaburi et avons du parcourir les 80 derniers kilomètres en bus!

Kanchanaburi

C’est une petite bourgade tranquille à l’ouest de Bangkok située sur la fameuse rivière Kwai. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la région était occupée par les troupes japonaises qui y construisirent la voie ferrée. Aujourd’hui, la ville accueille quelques touristes en quête d’histoire mais ça reste un coin de Thaïlande hors des gros circuits incontournables.

Contexte historique

Pour nous cultiver un peu, pour comprendre l’histoire et aussi pour échapper à la chaleur, nous allons visiter le musée, très intéressant, sur la construction de la voie ferrée dite de la mort par l’empire du Japon dans les années 1940 qui passe évidemment par Kanchanaburi. Les photos sont interdites à l’intérieur mais nous allons essayer de vous résumer l’histoire. En tant qu’Européens, nous sommes assez ignorants du déroulement de la Seconde Guerre Mondiale en Asie-Pacifique. Ici, le grand méchant de l’histoire, c’est le Japon qui avait d’ailleurs pour meilleur ami un certain Adolf H., petit moustachu très célèbre en Allemagne à l’époque. Après avoir envahi une partie de la Chine, l’empire du Levant agrandit ses prétentions sur toute l’Asie du Sud-Est qui appartenait en partie à l’empire britannique, aux Pays-Bas et à la France, même si pour l’Indochine française le Japon eut plus ou moins l’approbation d’un certain maréchal P., un autre moustachu, établi à Vichy. La Thaïlande, indépendante, était également tombée dans les mains des Japonais. Le but de ces derniers était d’envahir la Birmanie britannique pour, ensuite, rejoindre l’Inde. A l’époque, le seul moyen de rejoindre Yangon depuis Bangkok était par voie maritime via Singapour et le détroit de Malacca. Mais ce dernier était surveillé et bloqué par les Alliés. Il fallait donc un moyen de transport terrestre sûr pour accomplir leurs sombres desseins. Voilà comment est née l’idée de construire une voie de chemin de fer de 415 kilomètres au milieu de la jungle en plein conflit mondial.

Le projet était ambitieux! Le terrain n’était pas très plat, recouvert de végétation luxuriante et surtout, les délais étaient très courts! Mais il en fallait plus pour arrêter les Japonais! Ils avaient déjà accompli des miracles dans leur pays à la topographie similaire et ils avaient de la main d’oeuvre à profusion avec tous leurs prisonniers de guerre composés essentiellement de Malaisiens (d’ethnie chinoise en majorité), de Britanniques, d’Australiens et d’autres Alliés. Des civils asiatiques ont également été appelés sur le chantier. Les conditions de travail étaient atroces : climat tropical, travail forcé, manque d’hygiène et de nourritures, maladies, etc… Les travaux engendrèrent plus de 100’000 morts donnant à la ligne le surnom macabre de « chemin de fer de la mort ».

Cimetière de guerre

Non, nous ne nous sommes pas mis au tourisme de cimetière, c’est juste pour l’intérêt historique. Au centre de Kanchanaburi, se trouve un immense cimetière où sont enterrés les prisonniers de guerre, principalement des Chinois et des Occidentaux, qui périrent lors de la construction du chemin de fer. Il est séparé en deux et contient une partie chrétienne et une partie bouddhiste. La présence de ce cimetière s’explique par le fait que, malgré leur cruauté, les Japonais avaient un profond respect de la mort, même celle de leurs ennemis. Chaque prisonnier avait droit à ses propres funérailles conformes à ses croyances religieuses.

Le pont de la rivière Kwai

Nous n’avons pas fait plus de 17 heures de train pour voir un pont mais LE pont, celui de la rivière Kwai, point stratégique de la fameuse ligne Siam-Birmanie dite de la mort. Il a été érigé en 1942 dans les mêmes conditions horribles que pour le reste du tronçon et à lui-seul, il comptabilise 16’000 morts durant sa construction. En 1945, les Alliés le bombardèrent mais les Japonais le restaurèrent à titre de dommages de guerre. Lors de notre visite, il y avait un soleil de plomb et la température était de 38 degrés. Nous n’osons donc pas imaginer la souffrance et les horreurs vécues par les ouvriers.

Le pont et une partie de la ligne de chemin de fer sont actuellement toujours en service. Nous n’allions quand même pas partir avant d’avoir vu passer un train! Mais rassurez-vous, nos conditions d’attentes étaient plus qu’acceptables avec une terrasse à l’ombre et des boissons fraîches.

Guan Im Sutham Temple

Quel comble de venir jusqu’en Thaïlande pour y trouver un temple bouddhiste… chinois! Il se situe  juste à côté du pont mais est pourtant boudé des touristes. Tant mieux pour nous! De nombreux Chinois faisaient partie des victimes de la construction du pont et ce temple est un moyen de leur rendre hommage. Il est flambant neuf et déploie ses magnifiques couleurs le long de la rivière.

C’est une facette un peu méconnue de la Thaïlande que nous découvrons ici, loin des plages, des bars de Bangkok et des magnifiques temples bouddhistes. C’est une Thaïlande qui a connu la guerre, qui a vécu l’horreur avec un grand H et qui a dû panser ses plaies.

Comme l’histoire est fascinante et que le coin est sympa, nous allons, ces prochains jours, investiguer un peu plus loin le long du chemin de fer de la mort.

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