Depuis Louxor, nous privilégions encore une fois notre moyen de transport favori, c’est-à-dire le train. Mais notre convoi est annoncé avec « peut-être » 30 minutes, une heure ou cinq heures de retard. Quand un train arrive à quai (celui de plus de trois heures plus tôt!), nous voyons bien qu’il a l’air bien plus classe que l’habituel mais on nous confirme que nous pouvons embarquer sans problème avec nos billets. Evidemment, une fois à l’intérieur, il faut nous acquitter d’un supplément VIP. Bref, c’est à l’égyptienne…
Le paysage est bien plus cool que notre précédent trajet, nous longeons le Nil sur presque la totalité du trajet. Par contre, la plaine fertile est réduite à peau de chagrin, le désert est beaucoup plus présent. D’ailleurs Assouan est une des villes les plus arides du monde et une des plus ensoleillées également. Mais, manque de bol, nous arrivons lors d’une vague de froid inhabituelle. Si la journée les températures sont encore agréables et atteignent allègrement les 20 degrés, la nuit, elles sont juste glaciales (6 ou 7 degrés, glagla!) et, bien sûr, l’Egypte étant habituellement un pays chaud, rien n’est prévu pour le froid, surtout pas du chauffage. Heureusement, la chaleur présente une bonne partie de l’année fait des Egyptiens des gens frileux et nous avons droit à des couvertures de compétition!

A l’instar de Louxor, la ville d’Assouan n’a que très peu à offrir si ce n’est un souk mais bien aseptisé pour les touristes. Par contre, elle se situe à la hauteur de la première cataracte du Nil. Normalement, une cataracte signifie une chute d’eau, mais pas en Egypte. C’est un encombrement rocheux qui forme quelques rapides sur le Nil et rend sa navigation un peu dangereuse. Surtout, ça forme des paysages incroyables et, rien que pour ça, il vaut la peine de faire une petite étape à Assouan.
Ile Elephantine

Juste en face du centre-ville d’Assouan, se trouve ce petit paradis égyptien. Ici, le temps s’est arrêté : il n’y a aucun véhicule à moteur et la vie s’écoule paisiblement dans les petites ruelles en terre battue entre les enfants qui jouent et les chèvres qui se promènent. Nous avons été conquis par les façades colorées des maisons typiques nubiennes. Des maisons quoi? Non, cette fois ce n’est pas un mot grec. Nubien vient de Nubie, une région antique qui va d’Assouan jusqu’à Khartoum, au Soudan dont la civilisation nous a laissé quelques sites archéologiques, une culture encore vivante aujourd’hui et un des meilleurs cafés du monde.
Malgré ce que son nom pourrait laisser penser, il n’y a aucun pachyderme sur l’île. Le substantif Elephantine proviendrait des énormes rochers gris qui forment la première cataracte et font penser à des éléphants.
L’île Elephantine est facilement accessible avec des petits bateaux qui font la navette depuis les quais du Nil. Il y a trois différents débarcadères, suivant l’endroit où on veut se rendre. Certains rabatteurs essaient de nous convaincre qu’il faut impérativement contracter un tour en felouque, les bateaux traditionnels avec leur voile à l’avant, pour y accéder. Ce qui est évidemment faux. Et pour vous dire la vérité, les felouques sont beaucoup plus stylées à Zanzibar!
Pour vous donner un point de repère : que ce soit à Louxor ou à Assouan, chaque traversée du Nil coûte 5 livres (0.28€ ou 0.30CHF) ni plus, ni moins. Si on vous demande plus, c’est qu’on essaie de vous entuber.









A l’extrémité sud de l’île, il y a quelques ruines d’un ancien temple dédié à Khnoum, le dieu des cataractes. Dans la mythologie égyptienne, c’est lui qui contrôlait les différentes crues du Nil.



Pour les fans d’Agatha Christie

Ce majestueux bâtiment situé sur la corniche est le Old Cataract Hotel, un palace construit en 1902 et inauguré en présence de Winston Churchill himself. Mais que vient faire la romancière anglaise là-dedans? Ben écrire pardi! Le deuxième mari d’Agatha Christie était archéologue et l’écrivaine l’a suivi dans plusieurs de ses missions, dont une se trouvait à Assouan. Elle a écrit son célèbre « Mort sur le Nil » sur la terrasse de l’hôtel et une suite porte encore son nom.
Van, en tant que grande fan de la reine du crime, aurait bien voulu s’asseoir sur la terrasse et siroter un café en observant le paysage mais, juste pour avoir le droit d’accéder dans l’enceinte de l’hôtel, il faut débourser 300 livres (17,10€ ou 17,75CHF) par personne. Supposant que dans ce genre d’endroit le café doit déjà coûter un bras, nous trouvons cette pratique vraiment exagérée!
Barrage d’Assouan

A la base, nous étions motivés à aller à Abou Simbel, plus au sud. Les conditions d’accès sont compliquées mais aurait été jouables, par contre, les prix pratiqués sur place sont prohibitifs. Et en étudiant bien, nous avons découvert que les temples sont creusés dans la roche. Même si les façades extérieures ont l’air incroyables, Van et sa claustrophobie ne sont toujours pas motivées à aller s’y enfermer à l’intérieur. Nous ne pensons pas, dans ces conditions, que le jeu en vaut la chandelle, et il si il la vaut, tant pis pour nous!
Malgré ce renoncement, nous sommes bien motivés à aller découvrir le lac Nasser. C’est pourquoi nous nous rendons au barrage d’Assouan, un peu plus au sud de la ville. Pour y accéder, c’est super facile, il y a un système de minibus sur le même principe que les dallas-dallas tanzaniens. Le barrage que nous avons vu est en fait le vieux barrage, érigé en 1902 afin de réguler les crues du Nil. Il mesure 36 mètres de haut pour 1950 mètres de longueur. Il n’est pas possible de se promener dessus à pieds mais nous avons grimpé sur la colline pour avoir une vue sur le barrage et sur le lac Nasser.


Vous devez vous douter que s’il y a un vieux barrage, il doit y avoir un nouveau barrage! Et c’est le cas! Nous aurions bien voulu nous y rendre mais les militaires présents nous ont un peu dissuadés. Il faut dire que le barrage est un point stratégique pour l’Egpyte, notamment parce-qu’il fournit la majorité de l’électricité égyptienne et est sûrement l’endroit le plus surveillé du pays. Nous l’avons juste aperçu au sommet des collines surplombant le lac Nasser.
Le haut-barrage d’Assouan (111 mètres de hauteur) a fait couler beaucoup d’encre depuis sa construction et en fait couler encore beaucoup aujourd’hui. A la base, ce sont les Américains et les Britanniques qui devaient financer le barrage mais, pour des raisons encore obscures aujourd’hui, ça ne s’est pas fait. Le président Nasser décide donc de nationaliser le canal de Suez pour financer les travaux, ce qui a pour conséquence de déclencher une guerre entre l’Egypte, Israël, la Grande-Bretagne et la France. Finalement, ce sera l’URSS qui financera l’ouvrage. Ceci se passe dans les années 1960 donc en pleine Guerre Froide, nous imaginons sans peine le bordel diplomatique que ça a dû engendrer.
La construction du barrage a engendré pas mal de problèmes autres que géopolitiques. Les temples d’Abou Simbel et de Philae ont été déplacés pierre par pierre afin d’échapper aux inondations mais beaucoup d’autres sites archéologiques ont été perdus à jamais. Ecologiquement, le barrage a également été une catastrophe : à cause de l’eau stagnante, des parasites se sont développés dans le lac Nasser, la sècheresse de l’air fait évaporer 14% du débit du Nil, il y eut de forts impacts sur la faune locale, etc… Sans compter un déplacement massif des populations. Mais voilà, à l’époque, ces conséquences n’ont pas été étudiées au préalable, la construction du barrage a surtout servi à la propagande soviétique et à renforcer la popularité du président Nasser.
Le lac Nasser (oui, du nom du président de l’époque!) est le lac de retenue qui s’est formé après l’inondation de la plaine du Nil à la construction du barrage. A voir ce paysage magnifique du lac et de ses collines arides, difficile d’imaginer que nous sommes face à une des plus grandes catastrophes écologiques du XXe siècle.
West Bank

Comme nous avons renoncé à Abou Simbel, il nous reste du temps! Sur les conseils d’un autre voyageur de notre guesthouse venu d’Alexandrie, nous nous rendons sur la rive ouest du Nil. Là aussi, traverser n’est qu’une simple formalité, il faut juste se rendre à l’embarcadère qui se trouve en face de la gare et la traversée coûte toujours 5 livres.
Le temps ne s’est pas autant arrêté que sur l’île Elephantine mais l’ambiance est déjà totalement différente que dans le centre d’Assouan, la culture nubienne est beaucoup plus présente. C’est aussi un bon point pour observer les paysages du désert libyque.





Qubbet el-Hawa

Qubbet el-Hawa est le nom de la magnifique colline rocheuse couverte de sable que nous voyons depuis Assouan. Elle abrite une superbe nécropole datant de l’Ancien Empire (troisième millénaire avant notre ère) avec des tombes de différents dignitaires locaux. Le site n’est pas dans un état de conservation irréprochable mais est quand même incroyable, un petit Pétra local mais hors des sentiers touristiques.






A l’époque gréco-romaine, une église copte y a été ajoutée. Il en reste quelques vestiges aujourd’hui dont une partie de fresque.



Il vaut la peine de grimper au sommet de la colline à environ 130 mètres d’altitude. Ce n’est pas le chemin le plus facile entre le sable et la caillasse mais ce n’est pas très long. Une ancienne petite chapelle copte nous attend en haut.



Evidemment, toute grimpette mérite une récompense mais ici, elle est de taille! Une vue à 360 degrés à couper le souffle sur Assouan, le Nil, l’île Elephantine et la première cataracte!
Qubbet el-Hawa est sûrement le secret le mieux gardé d’Assouan. Pour nous, Il aura été un véritable coup de cœur! C’est un site que nous vous recommandons à 100% si vous êtes de passage dans la région.

Assouan possède probablement un des environnements les plus fous d’Egypte. Par contre, nous n’avons pas du tout aimé l’ambiance de la ville et c’est la première fois que nous avons l’impression de n’être que des porte-monnaie sur pattes. Toute la journée on nous bassine avec des taxis, des tours en felouques, des balades en calèche, etc… et il n’y a même pas de petits cafés ou de restos sympas. Il faut reconnaître que Louxor nous avait particulièrement gâtés avec ses petites terrasses sur le Nil et son nombre réduit de rabatteurs d’où notre déception pour Assouan. Nous garderons en souvenir la beauté des paysages.