Granada, l’Albayzin et autres merveilles mudéjars

Lorsque nous avons fait nos sacs pour notre petit trip vers Alicante , nous n’avions pas du tout prévu de nous retrouver aussi loin. Mais puisque nous étions déjà à Murcia, autant continuer plus au sud. Surtout qu’octobre est la meilleure saison pour visiter l’Andalousie, que Fab est super fan de l’architecture mudéjare, que cette année, dû aux circonstances actuelles, ce n’est pas blindé de touristes et que la région a été la deuxième communauté autonome d’Espagne (après la Communauté Valencienne, youhou nous sommes les meilleurs!) à sortir de la zone rouge pour les cas de Covid-19. Nous ne pouvions décemment pas ignorer tous ces signes du destin! Nous avons atterri à Granada (ou Grenade en français) car il y avait la meilleure offre de transports. Avec les paysages grandioses de la région de Murcia et de l’est de l’Andalousie, nous n’avons rien vu passer des cinq heures de bus qui séparent les deux villes.

Vue de la ville basse et de la Sierra Nevada depuis le sommet de l’Albayzin

Le nom de la ville provient bien de la grenade (le fruit, pas la bombe!) qui se plait bien dans cet environnement semi-aride où les journées restent bien chaudes mais où les nuits sont froides. D’ailleurs, actuellement, c’est le début de la saison des grenades et nous nous en donnons à cœur joie à savourer ce joli et délicieux fruit rouge. Oui, avec Van & Fab, on commence avec de l’étymologie avant de finir immanquablement par parler de bouffe! Nous sommes irrécupérables!

Une grenade en train de mûrir au soleil dans les jardins de la Grande Mosquée

Granada est une ville que nous avons déjà visitée auparavant, mais il y a longtemps. Fab y est passé en coup de vent il y a bien 15 ans mais la météo était exécrable et la ville ne lui a pas laissé un souvenir impérissable. Quant à Van, elle y a passé quelques jours en 2006 et mis à part un superbe centre historique, elle en garde un souvenir de ville infernale à la circulation anarchique, genre Saigon. Heureusement, les deniers de l’Union Européenne et des urbanistes au top sont passé par là et ont rendu la ville bien plus agréables avec un tram en site propre, des pistes cyclables, une circulation automobile limitée, etc…

L’Alhambra, vu de l’Albayzin
Avec la Covid 19, il faut tout prévoir à l’avance.

Et comme nous ne prévoyons rien, nous n’avons pas pu visiter l’Alhambra. Ce magnifique palais hispano-arabe du XIVe siècle est le plus prestigieux témoin de la période musulmane en Espagne. Déjà en temps normal, les visites sont limitées dans un souci de conservation de l’édifice. Avec la Covid-19, c’est encore plus restrictif : il faut se munir du pass d’entrée bien en avance sur internet. Ce que nous n’avons évidemment pas fait puisque, jusqu’au dernier moment, nous n’avions aucune idée de l’endroit où nous allions atterrir. Et comme notre séjour à Grenade coïncidait avec un week-end, c’était plus que mort pour obtenir des billets. Petite consolation, ça nous aura permis d’éviter d’exploser le budget car l’entrée coûte quand même 14€ par personne! Pour l’intérieur de la cathédrale, c’est exactement le même topo!

Pour une fois, nous allons vous donner un conseil que nous ne donnons en général JAMAIS! (Au contraire!) Si vous pensez visiter Grenade en ces temps de « nouvelle normalité », prévoyez toutes vos visites de monuments à l’avance! Ce n’est pas très rock and roll mais ça vous évitera de mauvaises surprises.

Quant à nous, nous avons profité pour visiter le reste de la ville de Grenade qui n’a de loin pas que l’Alhambra à offrir.

Vue de l’Alhambra et de la Sierra Nevada depuis le haut de l’Albayzin

La ville basse

Monastère de la Cartuja, du XVIe siècle

La ville basse a été construite après la conquête espagnole sur les musulmans même s’il y existe quand même, quelques édifices de l’époque arabe. Les façades sont colorées et les églises bien catholiques. Le quartier a été construit à la Renaissance et nous rappelle quelques villes sud-américaines comme Salta, Cuzco ou encore Quito, fondées à la même époque par les conquistadores espagnols et qui ont également un environnement montagnard.

Cathédrale de l’Incarnation

Elle n’est pas aussi grande que celle de Murcia, (quoique…) mais elle est tout aussi impressionnante. Dans tous les cas, les deux peuvent concourir pour le titre de plus belle cathédrale d’Espagne! Elle date du XVIe siècle et serait la première église du pays à être construite dans un style Renaissance même si des détails baroques et gothiques sont visibles. Une fois n’est pas coutume, elle n’a PAS été construite sur le site d’une ancienne mosquée.

Corral del Carbon

C’est un ancien caravansérail nazari (pas nazi!!) construit au XIVe siècle. Il se situe dans la basse ville car les caravanes ne pouvaient pas vraiment emprunter les petites ruelles bien étroites et en pente de l’Albayzin. Avec l’arrivée des catholiques, le lieu fut transformé en cour à charbon, d’où son nom mais l’architecture arabe n’a pas été dénaturée. C’est le seul caravansérail encore conservé d’Espagne.

Marché Alcaiceria

Encore un vestige de la période arabe dans la Basse Ville. A l’origine c’était la foire de la soie et aux épices. Le marché, ou Grand Bazar, a été construit au XVe siècle mais a été détruit dans un incendie au XIXe siècle. Une réplique a été reconstruite mais à la moitié de la taille originale. Aujourd’hui, il abrite des magasins de souvenirs.

L’Albayzin

Voici le quartier antique de Grenade qui n’aurait pratiquement pas changé depuis l’époque musulmane. Il se caractérise par ses maisons typiques andalouses blanchies à la chaux. Pour en profiter, il suffit de déambuler au hasard dans les petites ruelles du quartier. Mais munissez vous de bonnes chaussures! Le quartier est mal plat et les petites rues sont pavées de pierres inégales. C’est très esthétique mais c’est un enfer pour marcher. Donc laissez vos talons aiguilles ou vos tongs dans l’armoire et chaussez de bonnes baskets!

Le quartier est, avec l’Alhambra, inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et possède, comme on peut s’y attendre, quelques exemples d’architecture mudéjar.

La cerise sur le gâteau est le Mirador San Nicolas au sommet du quartier de l’Albayzin d’où il y a une vue incroyable sur l’Alhambra, la Sierra Nevada même si elle porte mal son nom en cette saison (nevada signifie enneigée) et sur la basse ville de Grenade.

Casa del Chapiz

Voilà à quoi ressemble une maison typique de l’Albayzin du XVIe siècle avec son patio et son jardin. Elle est idéalement située juste en face de l’Alhambra. Depuis 1932, la maison abrite le siège des études arabes.

Bañuelo

C’étaient les bains arabes de l’Albaycin. Ils datent du XIe siècle mais ont été construits sur les restes de thermes romains.

La mezquita mayor

Malgré son emplacement de choix dans l’Albayzin, en plein quartier musulman donc, cette mosquée ne date que de 2003! C’est la première mosquée construite depuis la conquête catholique de la ville en 1492. Elle a été construite selon le style blanc andalou du quartier mais reste très modeste. Après avoir vu les mosquées de ouf de Mascate et d’Abou Dabi, nous trouvons toutes les autres mosquées modestes. Par contre, la vue sur l’Alhambra n’a rien à envier à son voisin le Mirador de San Nicolas.

Le truc vraiment sympa de la mosquée c’est le mec qui tient son stand de thé à la menthe marocain et qui le sert dans des verres traditionnels. Santé!

Nous ne nous attendions pas à une mauvaise surprise en venant à Granada puisque nous y sommes déjà venu auparavant. Van qui avait déjà visité l’Alhambra à l’époque n’a pas été trop déçue de ne pas pouvoir y retourner et Fab a finalement trouvé son compte dans l’Albaycin. Donc, nous livrons un bilan plus que positif de notre week-end à Grenade.

Cette première incursion en Andalousie nous a motivé à pousser le vice plus loin et à aller (re)découvrir cette belle région. Nous allons redescendre en plaine, même si Grenade avec ses 800 mètres d’altitude ne se trouve pas vraiment en montagne. Un de nos buts (à Van surtout!) est de retrouver des températures estivales. A Granada les températures sont agréables en journée au soleil (24 degrés) mais les nuits et les matins sont très frais (8 petits degrés). Mais des pics à 32 degrés sont attendus au milieu de semaine et nous ne voudrions pas manquer ça!

Jérica et sa tour mudéjare

Après notre coup de cœur pour Segorbe, nous avions vraiment envie d’explorer un peu plus cette magnifique vallée de la Palancia. Mais nous avons attendu que les grosses chaleurs de cette fin août cessent un peu car, oui nous aimons le chaud, mais marcher à 40 degrés sous un soleil de plomb, ce n’est pas idéal. Comme les températures ont fini par bien se rafraîchir, nous avons rechaussé nos baskets et sommes partis à l’aventure! Par « températures fraîches », nous entendons un bon 28 degrés. Nous sommes en Méditerranée, il ne faut pas trop pousser dans la fraîcheur quand même!

Paysage de la Sierra de Espadan

Nous avons repris la pittoresque ligne de train qui relie Valence à Teruel puis Zaragoza et nous avons été un peu plus loin de notre périple tout en restant dans les limites de la Communauté Valencienne. Nous nous sommes arrêtés dans la petite localité de Jérica, située au pied de la Sierra de Espadan, plus très loin de la frontière avec l’Aragon.

Vue de Jérica depuis le château

Jérica

Jérica nous séduit par ses petites ruelles et son caractère qui est resté très médiéval grâce à quelques maisons en pierre bien conservées. Mais le village a d’abord été musulman, comme c’est souvent le cas dans la région. D’ailleurs, le nom « Jérica » nous vient directement de l’arabe et signifie « flanc oriental d’une montagne ». Par contre, la conquête catholique s’est faite un peu plus tôt qu’ailleurs dans la région, au XIe siècle déjà. Nous devons la conquête de Jérica à Rodrigo Diaz de Vivar, un célébre leader militaire de Castille plus connu sous son surnom de « Cid ». Pour la petite histoire, Cid est également un nom arabe qui signifie « seigneur ». Malgré cette prise de pouvoir chrétienne, les musulmans ne furent pas expulsés jusqu’au XVIIe siècle. Le fameux Jaime I est également passé par là pour conquérir la ville afin de l’offrir à son fils Jaime II pour en faire un petit royaume indépendant et une zone franche. Une situation qui perdura jusqu’au XVe siècle quand Jérica fut finalement rattachée à la couronne espagnole.

Santa Agueda la Nueva

Enfin un bâtiment religieux qui n’est pas coincé au milieu de minuscules ruelles! Cette église a même droit à sa propre place : la « Plaza de la Iglesia » et se laisse observer des passants. Elle a été construite en 1385 sous le règne des rois d’Aragon et est de style typique gothique valencien. Pendant la Guerre Civile Espagnole (1936-1939), elle a été très abîmée et a dû être détruite pour être reconstruite intégralement à l’identique quelques années plus tard grâce à la Direction générale des régions dévastées mise en place par le général Franco à la fin de la guerre. C’est un peu difficile à avaler qu’on doit cette superbe reconstruction au pire dictateur que l’Espagne ait connu mais au moins, le patrimoine historique a pu revivre.

Torre mudéjar de las Campanas

Difficile de louper cet édifice qui domine totalement le village! Cette superbe tour octogonale a été construite en 1616 sur la base d’une autre tour antérieure qui date de l’époque romaine. La petite forteresse à son pied date du XIXe siècle et a été construite comme muraille défensive pendant les guerres carlistes. Elle est de style mudéjar (ou maure) qui est le terme qui détermine les musulmans qui sont restés en Espagne après la conquête catholique dont l’art est unique en son genre. Cette tour est le seul édifice de ce style qui nous reste dans toute la Communauté Valencienne.

Le château

Jérica ne déroge pas à la règle du château sur la colline. Ce sera donc notre grimpette du jour! Mais l’effort en vaut la peine. Nous traversons une superbe pinède qui domine les petites gorges du rio Palancia et la Sierra de Espadan nous toise avec son relief incroyable!

Au sommet, il ne reste qu’une petite tour appelée judicieusement « la Torreta » (petite tour, tiens donc!). Jérica était un endroit stratégique dans le couloir qui relie Valence à Teruel, il était donc logique qu’une forteresse y trouve sa place. La construction du château date du XVe siècle et a vu défiler les divers rois d’Aragon. Il a été détruit pendant les guerres carlistes du XIXe siècles mais la destruction du château a permis de mettre à jour des vestiges archéologiques remontant jusqu’à l’Epoque Romaine. Au pied du château, se trouvent les ruines de l’ermitage de San Roque datant de la même époque et connaissant le même destin.

La Vuelta de la Hoz

La colline du château. Quand nous vous disions qu’il y avait une belle grimpette!

C’est une petite réserve naturelle toute proche du centre du village. Elle fait partie du parc naturel de la Sierra de Espadan qui couvre toute la région. C’est idéal pour observer les immenses paroi de roche calcaire façonnée par l’érosion. C’est le meilleur endroit de toute la Communauté Valencienne pour observer la faune et la flore de montagne méditerranéenne. Nous avons d’ailleurs pu apercevoir quelques beaux spécimens de rapaces ainsi qu’une maman chamois avec son petit.

Le Rio Palancia

La réserve naturelle de la Vuelta de Hoz est en plein cœur de la Vallée du Rio Palancia. Ce petit fleuve, long de 85 kilomètres prend sa source dans la Sierra del Toro, un peu plus à l’est pour se jeter dans la mer Mediterranée entre Sagunto et Canet, même si, en cette saison, il s’assèche lors de son arrivée en plaine. A Jérica, il forme une petite gorge dans la Sierra de Espadan avant de retrouver un aspect totalement sauvage.

Notre petite randonnée du jour

La petite balade de la Vuelta de la Hoz nous ayant mis en appétit, nous décidons d’aller explorer, avec nos jambes, encore un peu plus cette vallée vraiment sympa. Nous commençons notre tour à travers des oliviers centenaires dont les champs sont arrosés grâce à un système d’irrigation qui ne sont pas sans rappeler les fameux bisses valaisans.

Le paysage se fait ensuite plus sec : une vraie garrigue méditerranéenne! Mais l’érosion a fait un superbe travail sur les roches calcaires de la région!

Quelques petites grottes viennent égayer un peu le paysage à l’instar des « Cuevas de Gallur ». Ce sont juste des particularités géographiques, elles n’ont pas été creusées par l’homme pour un usage particulier.

Enfin, ayant plus ou moins résisté à l’assaut du temps et des divers conflits, se dresse, au milieu de nulle part, une petite tour arabe datant du XIIe siècle et sobrement appelée « La Torre » (la tour).

Viver

Vue de Viver depuis la Sierra de Espadan

Notre balade nous emmène au petit village voisin de Viver. Il est moins pittoresque que Jérica mais ses petites ruelles bordées de façades blanches immaculées nous donne déjà un avant-goût d’Andalousie. Sinon l’histoire reste la même : les arabes, Jaime I puis la couronne espagnole. Le village a presque entièrement été détruit lors de la Guerre Civile (1936-1939) car c’était un haut lieu de combats entre les Franquistes et les Républicains.

Viver ne possédant pas de gare, nous avons dû retourner à pied à Jérica pour pouvoir prendre notre train du retour. Mais dans un panorama pareil, ça ne nous a pas gêné le moins du monde! Le timing ne nous a juste pas permis d’explorer plus en profondeur le village. Mais comme ce ne sera sûrement pas notre dernier passage dans le coin, nous y reviendrons sûrement…

Nous sommes bien contents d’avoir suivi notre instinct pour aller découvrir cette belle vallée plus en profondeur! Le mois de septembre s’annonce propice à ce genre de petites escapades. Nous avons d’ailleurs des tonnes d’idées en réserve et comptons bien profiter des trésors que nous offre cette magnifique région dans les jours à venir.

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