Carmona et ses clochers

Les trésors de la province de Séville ont tendance à être éclipsés par la beauté de leur capitale (Séville donc) et par leur éloignement des spots plus touristiques des côtes andalouses. Pourtant, beaucoup d’entre eux valent la peine qu’on s’y attarde un petit peu. Nous vous l’avions démontré la dernière fois avec Osuna, nous allons vous le démontrer à nouveau cette fois avec la petite ville de Carmona.

Carmona est une petite ville sévillane située à une trentaine de kilomètres de la capitale régionale en direction de Cordoba dans la plaine du Guadalquivir. Il y a des bus de la Junta de Andalucia qui partent toutes les heures des gares sévillanes de San Bernardo ou Santa Justa et le trajet dure entre 45 minutes et une heure. Aucune excuse pour zapper le coin lors de votre prochain séjour à Séville!

Il est vrai que ces derniers temps nous nous attardons pas mal dans les environs de la capitale andalouse! La première raison est tout simplement météorologique : il devient de moins en moins agréable à l’approche de l’hiver de se prendre les vents glaciaux de l’Atlantique et accessoirement, l’intérieur de l’Andalousie est presque impossible à visiter pendant les chaleurs estivales. La deuxième raison est que nous profitons des largesses gouvernementales qui nous offrent un abonnement de train gratuit jusqu’à la fin de l’année pour compenser l’inflation. Nous avons choisi le trajet JerezSéville, déjà parce-que nous adorons cette dernière et aussi parce-que ça nous permet d’explorer d’autres coins de notre si belle région.

C’est vrai qu’il manque le soleil en hiver!

Casco antiguo

La Puerta de Sevilla, la porte d’accès au centre historique

Pour accéder au centre historique, il faut passer par la Puerta de Sevilla. Impossible de la louper, elle est tellement imposante, que c’est la première chose qu’on aperçoit à la sortie du bus! En fait, la porte fait partie de tout un système défensif et d’un alcazar. D’après certaines archives découvertes, les toutes premières fortifications de Carmona dateraient du XIVe AVANT Jésus-Christ et celles qu’on peut encore voir aujourd’hui ont été construites par les Carthaginois (IIIe siècle avant J.-C.!) Imaginez donc toute l’histoire dont est imprégnée la ville! La porte en elle-même date de l’époque romaine mais elle a été transformée par les Omeyyades puis les Almohades (les musulmans andalous entre les IXe et XIIe siècles). On peut d’ailleurs apercevoir la fameuse forme en serrure typiquement arabe. Bref, la porte et ce qu’il reste de l’alcazar sont super impressionnants et c’est un très beau point de départ pour commencer la visite.

Intra-muros, il ne reste plus beaucoup de vestiges de la période musulmane à part quelques petits détails architecturaux. C’est un vrai labyrinthe de petites ruelles qui correspondent à l’ancienne Juderia (le quartier juif). Les maisons, quant à elles, sont typiquement andalouses et datent du XVIIIe siècle et sont blanchies à la chaux comme dans pratiquement toutes les villes de la région. La ville de Carmona est candidate pour une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO pour son ensemble historique et franchement, elle le mérite amplement, c’est vraiment superbe!

La ville aux mille églises
Convento de la Trinidad

L’Espagne est un pays catholique, nous ne sommes donc pas surpris de rencontrer des églises mais dans le centre historique de Carmona, il y en a vraiment partout. Nous avons d’ailleurs demandé aux habitants combien il y en a, personne n’a été en mesure de nous répondre, à part un laconique « mucho » (beaucoup!) tellement elles sont nombreuses! C’est sûrement parce qu’ il fallait bien convertir les mosquées lors de la Reconquista et utiliser le budget provenant de l’or pillé en Amérique du Sud lors de la colonisation. Bon, nous parlons du terme générique d’église mais en fait il y a deux couvents, un monastère, des églises paroissiales, des basiliques,… Chaque édifice a une fonction précise au sein du catholicisme mais nous ne sommes pas assez calés, ni assez intéressés par les bondieuseries pour vous en faire un exposé détaillé.

Avec tous ces édifices religieux, la skyline de Carmona est composée essentiellement de clochers et c’est plutôt sympa de les apercevoir au bout d’une petite ruelle. Il y en a pour tous les goûts : des gothiques dans un style bien médiéval ou, nos préférés, des baroques plus colorés qui nous donnent un avant-goût de l’Amérique latine.

Alcazar de Arriba

Son vrai nom est Alcazar del Rey Don Pedro mais on l’appelle plus communément Alcazar de Arriba (Alcazar d’en haut) par analogie à la Puerta de Sevilla qui est « l’Alcazar du bas » à cause de sa situation plus bas dans la ville. L’Alcazar de Arriba se situe effectivement en haut de la ville mais rassurez-vous, nous sommes ici en plein dans la plaine du Guadalquivir le relief est vraiment peu marqué et c’est plus un faux plat constant qu’une vraie grimpette qui vous mènera à la forteresse. Il date évidemment de l’époque musulmane et a été réformé par les Rois Catholiques après la Reconquista dont Don Pedro qui donna son nom à l’édifice. L’extérieur des murailles ont été endommagées par deux tremblements de terre successifs et ça se voit encore aujourd’hui, La cour intérieure est, par contre, bien restaurée et abrite un parador, c’est-à-dire un hôtel de luxe dans un cadre historique.

Pour les passionnés de vexillologie (on se la pète avec des termes savants mais en fait nous avons appris ce mot grâce à Sheldon dans Big Bang Theory!), l’étude des drapeaux, l’emblème dans la galerie ci-dessous avec les lions est celui de la région Castille et Leon qui se situe au nord-ouest de Madrid. Nous n’avons pas trouvé d’explication sur le fait qu’il se retrouve sur un édifice en plein cœur de l’Andalousie mais, à notre avis, vu que la Reconquista s’est faite par les rois castillans, ils ont sûrement voulu poser leur emblème bien en vue après la conquête de la ville.

Iglesia de San Pedro

Encore une église! Celle-ci se trouve extra-muros en face de la puerta de Sevilla et c’est également une des premières choses qu’on remarque à la descente du bus, surtout le campanile qui est bien imposant. L’édifice, de pur style baroque, date du XVe siècle, donc après la Reconquista. Ils ont dû penser à l’époque qu’il n’y avait pas assez d’églises à Carmona et qu’il fallait en rajouter une! Même s’il nous fait penser à un ancien minaret, le clocher date du XVIIIe siècle en pleine époque catholique. On l’appelle la Giraldilla car il a été bâti sur le modèle de la Giralda de Séville qui elle, est effectivement le vestige du minaret de l’ancienne grande mosquée de la ville. Avec la construction de la ville moderne, il est un peu compliqué d’admirer l’église dans toute sa splendeur. C’est dommage car les détails baroques comme la jolie coupole ont vraiment l’air dignes d’intérêt.

La nécropole romaine

A l’ouest de la ville, à environ 10 minutes de marche de la Puerta de Sevilla, se trouve une grande nécropole romaine datant des Ier et IIe siècles de notre ère. Ce serait le plus grand monument funéraire romain de la péninsule ibérique, et effectivement, c’est énorme et tout n’a pas encore été découvert. On ne parle pas ici de simples tombes mais de véritables mausolées où on ne se contentait pas seulement d’y enterrer les morts. En effet, les funérailles se célébraient à l’intérieur même du tombeau. Nous parlons de l’époque romaine donc il ne s’agissait pas de simples agapes mais de véritables banquets pour célébrer la mémoire du défunt. Tout était prévu : des salles à manger, des latrines, des cuisines, des salles pour les domestiques, etc…

A noter que le site se trouve dans un joli parc bien arboré et, qu’outre l’intérêt historique, c’est sympa de s’y promener et d’y observer la végétation et les perruches qui s’y abritent. L’entrée au site est gratuit pour les citoyens de l’Union Européenne.

Il y a un bâtiment qui abrite un petite musée exposant les objets trouvés dans la nécropole ainsi que quelques explications intéressantes, notamment sur les banquets. Sur le toit, il y a un mirador qui donne sur un ancien amphithéâtre romain, le premier découvert en Espagne. On ne peut pas y accéder de près et son état de conservation n’est pas top. On peut également avoir un bon aperçu de la ville de Carmona avec ses clochers et ses murailles mais la météo n’était pas vraiment avec nous. On est loin de l’image de carte postale mais il y a quand même certains jours, surtout en hiver, où le soleil ne brille pas en Andalousie!

Nous sommes super contents d’avoir accès à cet abonnement de train gratuit! La province de Séville, bien que très différente que celle de Cadiz où nous vivons, a l’air de regorger de coins sympas! En plus décembre approche à grand pas et les villes andalouses vont s’illuminer pour Noël! Nous avons hâte d’aller découvrir ces symphonies de lumières, même si ce sera un peu limité cette année, sobriété énergétique oblige.

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