Cordoue, son pont romain et sa mezquita

En général, nous préférons utiliser le nom des villes dans leur langue originale, surtout si elle est latine, mais comme nous avons déjà un article intitulé Cordoba, sur la ville du même nom en Argentine, nous voulions éviter toute confusion.

Voilà, ces considérations linguistiques étant réglées, nous pouvons entrer dans le vif du sujet : la visite de la belle ville de Cordoue (ou Cordoba si vous préférez).

Vue sur la Mezquita et le pont romain depuis le Rio Guadalquivir

Cordoba, c’est la carte postale typique de l’Andalousie : des maisons de type andalou blanchies à la chaux, de l’architecture mudéjare à chaque coin de rue, un climat semi-désertique, des patios fleuris et un centre historique de ouf.

Cette fois, nous inversons les rôles par rapport à Grenade, c’est Van qui avait visité la ville en coup de vent, toujours en 2006 (on ne rajeunit pas!) tandis que Fab avait pris plus de temps sur place et eut un véritable coup de cœur pour Cordoba.

Le Centre historique

Le centre historique, un des plus grands d’Europe, est un véritable musée à ciel ouvert! Il a d’ailleurs été inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Il suffit juste de déambuler à travers les petites ruelles bordées de maisons blanchies à la chaux pour découvrir des milliers de trésors architecturaux ou décoratifs. Par contre, beaucoup d’édifices sont fermés à cause de la Covid-19 ou ouverts seulement sur rendez-vous.

Plaza de la Corredera

Et non, ce n’est pas la Plaza Mayor de Madrid même si la ressemblance est troublante! C’est une énorme place de 113 mètres de long et de 55 mètres de large qui date du XVIIe siècle. C’est un architecte de Salamanca (Castille-et-Léon, nord de l’Espagne) Antonio Ramos Valdés qui conçut les dessins de la place. Voilà pourquoi, elle ressemble beaucoup à certaines grandes places de villes du nord de la péninsule ibérique. Aujourd’hui, elle est principalement utilisée pour des manifestations festives (hors Covid, évidemment!)

Le temple romain

Déjà à l’époque romaine, Cordoba était une ville importante puisqu’elle était la capitale de la province d’Hispanie Ultérieure qui couvrait grosso modo l’actuelle Andalousie ainsi que l’Algarve. (sud du Portugal) A la place de ces superbes colonnes corinthiennes en marbre devait se trouver la mairie. Mais lors de sa construction dans les années 1950, les vestiges d’un temple romain apparurent faisant stopper les travaux. Le temple date de l’époque des empereurs Claude et Domitien. Cordoba regorgerait de ruines romaines mais elles n’ont pas encore fait l’objet de fouilles archéologiques.

Le pont romain
Le pont romain qui permet d’accéder à la Mezquita

Le pont d’origine date, comme son nom l’indique de l’époque romaine, plus ou moins de l’an 45 avant J-C. Mais il fut détruit au Xe siècle. Les califes maures (les musulmans donc) le reconstruisirent quasiment à l’identique. Le pont eut droit à plusieurs rénovations à travers les siècles depuis la Reconquista (la conquête catholique du sud de l’Espagne dès le XIIIe siècle) jusqu’en 2008. Il traverse le Guadalquivir, le cinquième fleuve de la péninsule ibérique et le plus important d’Andalousie. Sur la rive gauche, on accède au pont par la Torre Calahorra, une superbe tour fortifiée datant du XII. Lors d’une rénovation au XVIIIe siècle, les catholiques y ajoutèrent une statue de l’archange Raphael. En plus d’être vraiment beau, cet ouvrage offre un superbe point de vue sur la Mezquita, le centre historique et la Sierra Morena en arrière-plan.

Les moulins du Guadalquivir
Moulin de la Albolafia datant de l’époque romaine

Le long du Rio Guadalquivir, dans toute la province de Cordoba, se trouvent les vestiges de quelques moulins datant de l’époque romaine jusqu’au XVe siècle. Vu le climat aride de la région, la farine était considérée comme l’or blanc à l’époque. Certains moulins ont été restaurés mais la plupart ont volontairement été privés de rénovations car diverses espèces d’oiseaux en ont fait leur lieu de villégiature et les autorités ont décidé de reconvertir ces lieux en réserves naturelles.

Côté Arabe
La Casa Arabe et son patio

Pendant la période musulmane, Cordoba prit encore de l’importance en devenant la capitale du califat de Cordoue qui, du temps de sa splendeur, comprenait les territoires actuels du sud de la Catalogne, l’Aragon, la Castille-la-Manche, la Communauté Valencienne, la région de Murcia, l’Andalousie, l’Extrémadure, les Baléares, la partie sud du Portugal depuis Porto, toute la pointe de Tanger et Melilla. De quoi bien se la péter! Les califes de Cordoue appartenaient à une branche des Omeyyades, des gars de Damas qui ont régné sur tout le monde arabe pendant des siècles! Rien que ça!

Aujourd’hui, une bonne partie du centre historique garde des témoignages architecturaux de cette époque bénie.

La mezquita

C’est le bâtiment emblématique de Cordoba! Mezquita signifie mosquée en espagnol. Donc c’est encore une cathédrale construite sur une mosquée. Mais pas seulement! A la base, c’était un temple romain dédié au dieu Janus qui était le dieu des commencement, des fins, des choix et des portes. (Oui, les Romains avaient un rapport particulier avec les portes!). A la chute de l’empire, les Wisigoths (des espèces de barbares germaniques venus conquérir la péninsule ibérique) en ont fait une cathédrale catholique dédiée à St-Vincent vers 584. Ce n’est que 714 que l’église fut transformée en mosquée et de manière plutôt pacifique puisque les musulmans signèrent un accord avec les Wisigoths leur permettant d’exproprier la cathédrale. La première mosquée fut achevée en 786 mais fut agrandie trois fois jusqu’en 987. Elle devint alors la deuxième plus grande mosquée du monde après la Mecque! Lors de la Reconquista, en 1236, le roi Ferdinand III de Castille en refit une cathédrale de culte catholique qui est encore en vigueur aujourd’hui même si des commissions islamiques revendiquent le droit aux musulmans d’y prier, ce qui est, pour l’instant, formellement interdit.

Ce qui est vraiment fou avec ce bâtiment, c’est que l’architecture arabe n’a pas été détruite ou cachée durant la Reconquista, les catholiques y ajoutèrent juste quelques détails baroques typiques de l’époque. On peut y observer le mélange de ces deux styles totalement différents comme, par exemple, une porte de forme islamique ornée d’une fresque de la Renaissance racontant un passage de la Bible.

Le patio des orangers

C’est la cour intérieure de la mezquita et on y trouve, comme son nom l’indique des orangers, mais aussi des cyprès. L’entrée au patio est libre mais pénétrer dans le bâtiment vous coûtera 11€. Nous y avons renoncé trouvant le prix vraiment excessif pour visiter une église (ou une mosquée) qui plus est en travaux, surtout que nous nous en sommes déjà pris plein les yeux à l’extérieur. Là aussi, le mélange art musulman / art catholique est impressionnant.

N’oublions pas les juifs!

Nous pourrions presque comparer Cordoba à Jérusalem tant les trois religions monothéistes ont joué un rôle dans la culture de la ville. Les juifs séfarades (ceux originaires de la péninsule ibérique) étaient installés à Cordoba depuis l’époque romaine déjà. Ils ont vécu en plus ou moins bonne entente avec les musulmans mais c’était chacun son quartier! Les juifs étaient alors repoussés à l’extérieur du centre-ville. Ils ont pu regagner leurs anciens quartiers du centre-historique, appelés la Juderia, avec l’arrivée de Ferdinand III de Castille et la Reconquista. Mais le couperet tombe en 1492 avec le décret de l’Alhambra où les rois catholiques signent le bannissement de toutes les communautés juives (et toutes les autres non catholiques) de leur royaume. Décret qui ne fut abrogé qu’en 1967! Aujourd’hui, il ne reste juste quelques vestiges de la communauté juives dont la synagogue.

La synagogue date du XIVe siècle et a été construite dans le style mudéjar. D’ailleurs, si ce n’était pas indiqué, jamais nous n’aurions deviné que c’était une synagogue! Après l’expulsion des juifs, le bâtiment fut utilisé comme hôpital pour les patients atteints de la rage. C’est une des trois seules synagogues d’avant le décret de l’Alhambra encore existante en Espagne, les deux autres se trouvant à Toledo.

L’Alcazar des rois chrétiens

Il y avait une ancienne forteresse mauresque à cet emplacement mais il n’en reste pratiquement plus rien. L’alcazar actuelle date complètement de l’époque catholique (1328 environ) et a été renforcée pendant les diverses guerres qu’a connu le royaume d’Espagne. Sous le règne d’Isabelle la Catholique, le palais sert de tribunal à l’Inquisition et des salles d’interrogatoire et de torture y sont aménagées. C’est également dans ce bâtiment que Christophe Colomb s’est entretenu, à la même époque, avec le couple royal au sujet de l’expédition qui devait l’emmener en Amérique. (Et dire qu’à ce moment, il pensait rejoindre les Indes!) Au XIXe siècle, l’édifice devint une prison avant de devenir un bien historique sous la dictature franquiste.

Les patios

S’il y a bien quelque-chose dont Cordoba est fière, en plus de tout ce que nous venons de parler, ce sont ses patios! Un patio, c’est une petite cour intérieure, souvent avec une fontaine dans son centre, ornée d’arcades, de mosaïques et de fleurs. C’est typique de l’architecture de Cordoue et c’est un vrai havre de fraîcheur lors des températures caniculaires qui sont fréquentes dans la région. Il y a même, chaque année, le concours du plus beau patio de la ville! S’il y a une activité à faire à Cordoba (mais avec discrétion!), c’est de jeter un coup d’œil furtivement dans chaque ouverture de porte ou de fenêtre car il y a souvent un magnifique patio même si la maison paraît modeste au premier abord.

Voilà comment nous avons dépensé une partie du budget de la mezquita!
Un bon verre de rouge local , un salmorejo, et un artichaut à la Romaine (mais ce dernier n’est pas typique de Cordoba)

Cordoba a un centre historique de ouf et une histoire richissime mais ça ne lui suffit pas. Il faut en plus qu’elle ait sa propre gastronomie! Il a bien fallu que nous aillions voir ça de plus près surtout qu’elle a l’air plus créative que la cuisine espagnole. Nous avons testé pour vous :

– Le salmorejo : c’est une variante du gazpacho andalou (oui, Cordoba doit avoir son propre gazpacho). C’est une soupe de tomate froide à l’ail et à l’huile d’olive épaissie par de la mie de pain qui lui donne une texture crémeuse. On la sert en général avec des miettes d’oeufs durs et des petits carrés de jamon ibérico. (le jambon cru espagnol). C’est super bon et super frais pour les chaudes journées d’été qui dure presque toute l’année à Cordoba.

– Le pastel de Cordoba : une pâtisserie qui nous rappelle les saveurs du Moyen-Orient avec sa farce de fruits confits et sa cannelle. En général, elle se mange le 17 novembre lors de la fête patronale de la ville. C’est un régal pour nos papilles gustatives mais, pour notre indice glycémique, euh… mieux vaut ne pas savoir!

Nous n’avons pas tout goûté mais à Cordoba, on peut trouver des aubergines du calife (caramélisées au miel), du flamenquin (une sorte de cordon bleu) et, quelque-chose qui ne nous attire pas trop, de la queue de taureau.

Waw! Nous en avons vraiment pris plein les yeux et les papilles pendant notre visite! D’ailleurs, nous mettons officiellement Cordoba en tête des villes les plus belles d’Espagne! Et vous, quelle ville d’Espagne trouvez-vous la plus belle? N’hésitez pas à nous répondre car ça nous intéresse, ça pourrait même nous donner des idées!

Même s’il sera difficile de rivaliser avec Cordoba, nous sommes sûrs que l’Andalousie a encore quelques trésors visuels à nous offrir. Nous allons bien sûr vérifier que ce soit le cas!

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