Fethiye et la côte lycienne

Pour une raison qui nous échappe, parcourir la côte lycienne en transports publics se fait plus facilement dans le sens ouest-est. Pas de bol, nous sommes du côté est. Depuis Antalya, nous prenons donc un bus qui nous emmène directement à Fethiye, du côté ouest donc. Par directement, nous entendons un bus qui passe « tout droit » dans les terres au lieu de suivre la côte qui s’avance sur plusieurs kilomètres en mer Méditerranée. Mais ce n’est pas si direct que ça, l’arrière-pays est très montagneux, nous roulons sur de petites routes de montagne et il nous faut franchir un col à plus de 1500 mètres d’altitude. Mais le paysage est pittoresque et nous ne voyons presque pas passer les 4 heures de trajet que nous avons mis pour parcourir les 192 kilomètres qui séparent les deux villes.

chemin de randonnée de la voie lycienne
La côte lycienne, c’est quoi au juste?

C’est une côte de près de 500 km située en mer Méditerranée et en mer Egée. On doit son nom à la Lycie, une région antique de l’Anatolie. Les Lyciens étaient des pirates originaires de Crète qui se sont installés dans la région et se sont rarement assimilés aux grands empires qui dominaient le bassin méditerranéen dans l’Antiquité. Elle a ensuite été une province romaine de la Grèce Antique, puis byzantine avant de passer sous domination ottomane. Malgré les différentes dominations de l’histoire, les villages côtiers sont restés grecs orthodoxes jusqu’en 1923, date du Traité de Lausanne qui définit les frontières de la Turquie actuelle après la chute de l’empire ottoman suite à la Première Guerre Mondiale. Aujourd’hui, il reste pas mal de sites archéologiques de la Lycie et surtout, la voie lycienne, qui est un chemin de grande randonnée de plus de 400 kilomètres entre Antalya et Fethiye. Nous n’allons pas parcourir toute la voie à pied, nous ne sommes pas équipés pour de si grandes randonnées, mais nous allons quand même en découvrir quelques tronçons.

Le mont Babadag en dessus d’Ölüdeniz

Fethiye

Fethiye sera donc notre point de départ de la côte lycienne. Elle se situe au bord de la mer Egée mais dans une baie bien profonde et montagneuse fermée par une île, nous avons plus l’impression d’être au bord d’un lac car nous n’apercevons pas du tout la ligne d’horizon typique des bords de mer. Le paysage nous rappelle d’ailleurs le Bouveret à l’extrémité est du lac Léman. La ville en elle-même n’est pas ouf, le bord de mer est rempli de yachts comme à St-Tropez. C’est la première fois depuis notre arrivée en Turquie qu’un lieu nous laisse un peu sur notre faim. Mais nous avons tellement vu des choses extraordinaires que quand c’est un peu moins bien, ça se remarque tout de suite.

Les tombeaux

Une fois n’est pas coutume, notre grimpette du jour ne nous emmène pas à un château mais à des tombeaux. Ces tombes lyciennes creusées dans la roche datent du IVe siècle et il y a même quelques lieutenants d’Alexandre le Grand qui y reposent.

Au sommet, il y a quand même une forteresse ou ce qu’il en reste. Elle date de l’époque des croisades et appartenait à l’Ordre des Chevaliers de St-Jean. Le site n’est pas sécurisé et il est strictement interdit de grimper sur le promontoire rocheux pour aller voir ça de plus près.

Ölüdeniz

Blue Lagoon

Ölüdeniz se divise en deux parties : mer et montagne. Côté montagne, c’est un petit village perché à 300 mètres d’altitude. Venant des Alpes, perché et 300 mètres ça ne veut absolument rien dire mais dans le sud de la Turquie, ces 300 petits mètres font la différence par rapport au littoral surtout que le relief est très escarpé. Le village en lui-même n’est pas fou et il est complètement dédié aux touristes anglais. Les prix sont affichés en pounds, les pubs anglais sont disséminés un peu partout dans la localité et, le pire du pire, la plupart des restaurants proposent de la gastronomie anglaise! WTF? C’est un énorme gâchis surtout que la cuisine turque est vraiment excellente! Malgré tout ses défauts, Ölüdeniz village est un point de départ idéal pour randonner sur la voie lycienne.

Côté mer, c’est tout autant touristique mais il y a le lagon bleu, appelé ainsi pour ses eaux calmes et cristallines, qui vaut le coup d’œil.

Nous avons préféré chausser nos baskets et parcourir une partie de la voie lycienne en dessus d’Ölüdeniz. Nous traversons une superbe forêt de pins dans une réserve naturelle à laquelle appartient également le lagon bleu. Nous avons vu une quantité incroyable d’oiseaux dont la plupart des espèces nous est inconnue. Ce sont sûrement des espèces endémiques de l’est méditerranéen. Le clou du spectacle est la vue incroyable depuis le chemin sur la mer Egée et ses côtes très découpées.

Kayaköy

La voie lycienne est plus qu’un chemin de grande randonnée. C’est une région chargée d’histoire de l’Antiquité à nos jours. Kayaköy en est un bel exemple. C’était un village grec appelé Livissi jusqu’à la chute de l’empire ottoman quand tous les grecs chrétiens furent expulsés d’Anatolie dans les années 1920. Le village a été ensuite partiellement repeuplé par les Turcs jusqu’en 1957 quand un séisme en détruisit une bonne partie impliquant l’abandon complet du village. Nous pensions juste trouver quelques ruines disséminées mais c’est un grand village qui s’offre à nous occupant deux flancs de montagnes. Il possédait même un petit château et une jolie église orthodoxe datant du XIXe siècle mais dont l’accès est interdit pour des raisons de sécurité. C’est un peu surréaliste de déambuler dans les anciennes ruelles de cette ville fantôme, nous avons un peu l’impression de débarquer après l’apocalypse.

Kaş

Nous continuons notre exploration de la côte par une superbe route surplombant la Méditerranée et ses îles pour enfin arriver à la petite ville de Kaş (à prononcer comme Cash). Le coin est dédié au tourisme mais à petite échelle, ce n’est pas trop gênant. A cause du relief très escarpé, il n’y a pas de longue plage de sable, ça élimine déjà le tourisme de masse balnéaire. Ici, les visiteurs viennent principalement pour la plongée et pour la randonnée. Il faut dire que le paysage de cette côte très montagneuse et très découpée est juste superbe. Cerise sur le gâteau, toute la zone autour de Kaş est classée réserve marine : la pêche y est interdite, les gros bateaux y sont interdits et la plongée y est autorisée mais à des conditions très strictes.

Théâtre Antiphellos

Il est même possible de trouver un peu de culture à Kaş, à juste 500 mètres en dehors de la ville. Cet amphithéâtre daterait du Ier siècle avant Jésus-Christ en pleine période grecque. Il a été restauré afin de pouvoir accueillir diverses représentations théâtrales. Le plus impressionnant est sa situation entre forêt de pins et une des baies de Kaş.

Big Pebble Beach

Il faut creuser un peu pour trouver cette petite merveille car elle se situe à un bon kilomètre du centre-ville de Kaş. Ce n’est pas la plage en elle-même qui est impressionnante car ce sont des galets, comme souvent dans la région, mais les falaises de calcaires qui se jettent dans une eau cristalline que ne renierait pas la mer des Caraïbes. Grâce à sa situation bien protégée dans la baie, la mer est très calme ce qui en fait un lieu idéal pour la pratique du paddle.

Nous profitons de notre passage à Kaş pour tester un autre tronçon de la voie lycienne. Le chemin est un peu scabreux par endroits, il faut escalader des rochers ou s’agripper à une corde (nous on adore ça mais ce n’est pas donné à tout le monde) mais l’environnement est assez sympa. En chemin, nous pouvons observer quelques tombeaux lyciens dont certains sont creusés dans la roche.

Pour changer, nous sommes toujours autant fascinés par la vue qui s’offre à nous! Ce qui rend le chemin encore plus dangereux car comment se concentrer sur nos pas avec un panorama pareil!

Bilal’s Beach

Notre randonnée nous mène à Bilal’s Beach, perdue au fond d’une baie accessible seulement à pied ou par bateau. Une vraie ambiance paisible de bout du monde nous y attend même s’il y a quelques bungalows aménagés pour touristes en quête de calme. L’eau y est tellement claire que nous avons pu distinguer une riche faune marine juste en observant l’eau depuis un des pontons.

Demre

La ville de Demre est beaucoup moins pittoresque que Kaş et elle n’est pas du tout tournée sur la mer, pourtant toute proche. Elle est entourée d’un véritable océan de plastique, l’agriculture sous serre étant la principale ressource économique du coin. Et ça se ressent, la ville est un peu figée dans le temps, un peu conservatrice et il y a très peu de jeunes qui préfèrent émigrer dans la dynamique Antalya. Demre vaut quand même le détour pour ses sites aux alentours.

Demre Kuş Cenneti

Lors de notre arrivée sur Demre par la route, nous avons surplombé une belle zone humide typique de Méditerranée. Il nous fallait absolument aller voir ça de plus près. Le Kuş Cenneti (paradis des oiseaux en turc) se trouve à 3 petits kilomètres du centre de Demre et y accéder est très facile, c’est tout plat (pour une fois!) et sur des routes peu fréquentées.

Dans cet Albufera turc, on y compte jusqu’à 149 espèces d’oiseaux. Nous en avons aperçus plusieurs dont des flamands roses, des ibis, des grues et des martins-pêcheurs. Le paysage côtier est complètement différent du reste de la côte lycienne. Le relief y est tout autant découpé mais les montagnes ne se jettent pas directement dans la mer. Il y a une belle zone de lagunes et d’étangs entre les deux.

Andriake

Dans cette superbe zone humide se trouvent les ruines de la cité d’Andriake qui était le port de la ville antique de Myra (Demre à l’époque de la civilisation lycienne) On peut y reconnaître l’agora (l’équivalent grec du forum romain), deux églises et des bains thermaux. Le site n’est pas d’une conservation remarquable mais l’environnement compense totalement cet état de fait.

Myra
Le théâtre romain et les tombes lyciennes en arrière-plan

Un peu en dehors au nord de Demre, se trouve le site de l’ancienne cité de Myra dont il reste principalement le théâtre et la nécropole. C’était une ville importante autant à l’ère lycienne qu’à l’époque romaine. Le théâtre a été construit par les Grecs, il reste d’ailleurs encore des inscriptions en grec ainsi que des masques de tragédie grecque gravés dans le marbre, mais il a été détruit par un tremblement de terre en l’an 141. Les Romains en construisirent un plus grand sur les ruines de l’ancien. Lors de notre visite, deux femmes ont entamé des chants lyriques afin de tester l’acoustique du lieu et nous avons été impressionnés par la qualité du son qui se répand dans chaque coin de l’édifice.

La nécropole

On date cette magnifique nécropole au Ve siècle avant Jésus-Christ. La plupart des tombes sont directement creusées dans la roche, une vraie prouesse pour l’époque! Les tombeaux étaient décorés par une représentation du défunt, de ses parents et de ses amis. Avec le relief méga accidenté, nous sommes assez scotché par la beauté et la finesse de cette architecture datant de plusieurs millénaires!

C’est avec Demre que se termine notre superbe boucle sur la côte lycienne qui nous a vraiment impressionnés par son paysage et son histoire. Notre coup de cœur a été pour la région de Kaş mais toute la côte mérite une visite. Et nous n’en avons vu qu’une petite partie!

Notre séjour en Turquie touchant gentiment à sa fin, nous retournerons ensuite sur Antalya puis sur Istanbul d’où nous nous envolerons vers de nouvelles aventures. Si tout se déroule comme prévu, ce sera le 3 novembre. Nous profiterons des quelques jours qui nous restent pour préparer la suite et notamment nous soumettre à un test PCR dont le résultat décidera si nous pourrons vraiment nous envoler vers d’autres cieux. Et évidemment, nous vous préparerons notre traditionnel bilan sur notre séjour dans ce magnifique pays.

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