Une fois n’est pas coutume, nous n’avons pas passé la frontière sans encombre. Il fut un temps, pas si lointain, où une ligne de train régulière reliait la Bulgarie à la Turquie. Mais voilà, un méchant coronavirus a passé par là et le service ferroviaire a été interrompu pour les voyageurs. A la gare de Plovdiv, on nous a renseigné que le train allait seulement jusqu’à la ville de Svilengrad, à une vingtaine de kilomètres de la Turquie, et qu’ensuite, un minibus desservait le dernier village bulgare et ça s’est avéré être la vérité.
Donc, de bon matin, nous embarquons à bord dudit train et parcourons une plaine très monotone et interminable, surtout que le convoi s’arrête à tous les bleds improbables. Ceux qui connaissent la ligne de la Broye savent parfaitement de quoi nous parlons! Une fois débarqués à la gare de Svilengrad, un gros bâtiment de béton très moche datant de l’ère soviétique, nous devons encore attendre une bonne heure, au milieu de nulle part, qu’un bus urbain veuille bien nous emmener au centre-ville. Là, ça ne s’arrange pas : Svilengrad est sûrement la ville la plus déprimante qu’il nous ait été donné de voir. Le sud-est de la Bulgarie est vraiment le coin oublié du pays et de l’Union européenne. Seul l’autoroute qui constitue le principal axe entre l’Europe et le Proche-Orient est flambant neuve et très fréquentée. Heureusement, nous ne tardons pas à trouver le fameux minibus qui va nous emmener au point frontière qui s’appelle Kapitan Andreevo et qui est constitué d’une petite église entourée d’une dizaine de maisons. Les villageois sont tellement hallucinés de voir des étrangers dans leur mini bourgade qu’ils sortent sur le pas de leur porte pour nous saluer!
Nous récupérons nos backpacks et entreprenons de traverser la frontière. Côté bulgare, ça ne pose pas de problème même si nous nous sommes fait contrôler notre passeport trois fois! Côté turc, ça se corse! On nous refuse l’entrée! Au début, nous ne comprenons absolument pas pourquoi, le douanier ne parlant pas un traitre mot d’anglais. Finalement, il s’avère qu’il est strictement interdit de traverser la frontière à pied! Ah, la tuile! Surtout que nous ne sommes pas du tout motivés à refaire le chemin inverse dans le no man’s land bulgare. Heureusement, la gentillesse des Turcs n’est plus à prouver. Les douaniers nous ont aidé à négocier avec un chauffeur de bus de voyage pour nous inscrire sur la liste des passagers et en attendant, ils nous ont offert le thé. Et dans le bus dans lequel nous nous sommes incrustés, l’accompagnatrice nous a offert à boire et des gâteaux. Si tous les problèmes se résolvent ainsi en Turquie, notre séjour dans ce pays promet d’être vraiment cool!
Nous en avons traversé des frontières et dans des contrées bien plus lointaines mais cette traversée là restera sans doute la plus mémorable et la plus surréaliste. Surtout que ce n’est pas n’importe quelle frontière! Grâce à sa position stratégique entre Orient et Occident, c’est la deuxième frontière la plus fréquentée au monde, la première étant Tijuana – San Diego. Donc c’est un point frontalier de ouf! Et nous qui étions tranquillement en train de boire le thé et de causer avec les douaniers du côté turc en attendant qu’un bus veuille bien nous embarquer!

Avec toutes ces péripéties, nous sommes arrivés à Edirne, la première ville de Turquie bien plus tard que prévu! Edirne est une ville frontière typique dans le bon sens du terme. Elle est dynamique, ouverte et internationale. Elle ne se situe non seulement à proximité de la Bulgarie, mais également de la Grèce! D’ailleurs tout est écrit en trois langues, ce qui nous fait une belle jambe vu que nous n’en maîtrisons aucune et que l’anglais se fait très rare. Mais ce n’est pas si grave, les Turcs sont tellement avenants que nous trouvons toujours un moyen de communiquer. Ce premier contact avec le pays nous rend très optimistes sur la suite de nos aventures!




Istanbul

Comme Fabien tenait à voyager en train, il n’y avait pas d’autres choix de destination qu’Istanbul depuis Edirne. Mais ça nous convient très bien de visiter cet endroit en premier. Van était déjà venue à Istanbul il y a environ 8 ans et avait eu, à l’époque, un véritable coup de cœur pour la ville! C’était une destination qui n’était pas prévue car elle avait changé de plan à la dernière minute pour cause de météo! Comme quoi même avant le voyage en backpack, les plans B étaient déjà de bonnes surprises!
Istanbul est la plus grande ville de Turquie mais ce n’est PAS la capitale. Elle a la particularité de se situer sur deux continents différents, l’Europe et l’Asie juste séparés par le Bosphore, un fleuve qui pourrait ressembler à n’importe quel fleuve de n’importe quelle ville! Istanbul a surtout une histoire incroyable : c’était la capitale de l’empire romain d’Orient sous le nom de Byzance puis du gigantesque et puissant empire ottoman sous le nom de Constantinople. Donc, il y a de quoi bien passer quelques jours à déambuler parmi les divers quartiers historiques de la ville.
Sultanhamet

C’est le noyau historique d’Istanbul et c’est dans ce quartier que sont disséminés les différents monuments emblématiques de la vieille ville ainsi que les maisons typiquement ottomanes en bois. C’est un endroit idéal pour flâner et pour s’arrêter dans un petit salon de thé pour commander un « çay » servi dans de jolis petits verres tulipes en dégustant quelques baklavas, une pâtisserie typique turque faite de pâte feuilletée, de pistache, de miel, de pâte de noix et de sirop de rose. Spoiler alert : les baklavas sont une tuerie pour le palais! Au centre du quartier, se trouve la fameuse esplanade des mosquées, cœur névralgique de l’ancienne cité. Pas de bol, une grande campagne de restauration est en cours et une bonne partie des monuments sont cachés par des échafaudages.





Le grand bazar

En Turquie, le bazar est l’équivalent du souk pour les Arabes. Celui d’Istanbul est un des plus grand du monde. Il occupe 65 rues intérieures auxquelles on y accède par 21 portes différentes. De quoi bien s’y perdre! La partie la plus ancienne a été construite en 1455 mais c’est au XVIe siècle qu’il fut agrandi sous le règne de Soliman le Magnifique, un des sultans les plus éminents de l’empire ottoman. Après, l’histoire est moins cool, le bazar a souffert des tremblements de terre et des incendies mais il a été reconstruit à chaque fois! Aujourd’hui, le but du bazar est de refourguer de la camelote aux touristes de passage mais il vaut quand même la peine d’y faire un tour pour l’architecture et les fresques.




Bazar égyptien

C’est le deuxième marché couvert d’Istanbul après le grand bazar. On l’appelle également le marché aux épices car on y vend des épices (Sans blague!). On peut aussi y trouver du thé, dont le fameux thé à la pomme turc (une autre tuerie gustative!) et les fameux verres tulipes dans lesquels on y sert ce fameux thé. Il est encore plus aseptisé et touristique que le grand bazar mais les différentes odeurs d’épices nous transportent, avec un peu d’imagination, dans un caravansérail des Mille Et Une Nuits.




La Mosquée Bleue

Son nom officiel est « Mosquée de Sultanhamet » mais on la surnomme la mosquée bleue en raison de la couleur de ses céramiques, qui sont…bleues. (Logique!) Elle a été construite au XVIIe siècle sous le règne du Sultan Ahmet (d’où le nom!). Elle se visite gratuitement hors heures de prière et avec une tenue adéquate. Malheureusement, la mosquée est en plein travaux et couverte d’échafaudage, nous n’avons pas pu en apercevoir grand chose. C’est dommage car c’est un édifice vraiment magnifique!



Sainte-Sophie

Voilà le monument le plus connu d’Istanbul et même de Turquie, la basilique Sainte-Sophie ou Ayasofia. Elle a été construite à l’époque byzantine au IVe siècle et était donc chrétienne. Elle a été modifiée et agrandie à diverses époques avant de devenir une mosquée en 1453 sous le règne de Mehmet II surnommé le conquérant. (C’est un peu le Jaime Ier de l’empire ottoman!) En 1934, Mustafa Kemal Atatürk, le premier président de la République de Turquie (c’est à dire la Turquie actuelle) décide de supprimer son statut de lieu de culte afin d’en faire un musée et d’y rendre l’accès possible à tout le monde, toutes religions confondues. En 2020, elle retrouve son statut de mosquée. L’histoire de Sainte-Sophie ressemble à celle de la Mezquita de Cordoba mais à l’envers! D’ailleurs, on peut observer à la fois des fresques byzantines et des décorations islamiques. Bien qu’elle ait retrouvé son statut religieux, la mosquée se visite facilement. Il faut juste se déchausser et d’avoir une tenue adéquate mais ça vaut vraiment la peine de faire ces petits efforts. Des foulards en papier sont distribués à l’entrée mais il faut être vêtu en long. Comme ce n’est plus un musée, l’édifice a retrouvé sa gratuité. Par hasard, nous sommes arrivés à l’heure de la prière mais on nous (avec les autres touristes présents) a laissé y assister depuis notre coin réservé aux non-musulmans of course! Malgré nos nombreuses visites dans des mosquées, ce moment particulier était une vraie première pour nous!






Galata

Sur l’autre rive de la Corne d’Or, la rivière qui traverse le côté européen d’Istanbul, se trouve le quartier de Galata. C’était une colonie gênoise entre le XIIIe et le XVe siècle et ça se ressent encore aujourd’hui dans l’architecture. Le monument le plus emblématique du quartier est la tour de Galata, haute de 67 mètres, qui était une des tours de garde des remparts. Dans le coin, on trouve la fameuse Istiklal Caddesi, énorme artère piétonne bordée de grands magasins et de quelques ambassades prestigieuses. L’ancien quartier médiéval est lui plus bohème, c’est un repaire d’artistes. Depuis Sultanhamet, on rejoint Galata par le pont de Galata (facile!) d’où il y a une superbe vue sur les deux rives de la Corne d’Or.






Le Bosphore

Il faut quand même que nous vous parlons du fleuve qui traverse Istanbul surtout que ce n’est pas n’importe quel fleuve! C’est celui qui relie la mer de Marmara à la mer Noire dont c’est le seul point d’accès. C’est aussi celui qui sépare le continent européen du continent asiatique. C’est un passage très dangereux car très fréquenté entre les ferries urbains, les grands cargos et les bateaux de plaisance. En plus, les courants sont traitres. (Nous confirmons, nous avons subi le vent glacial et insupportable d’Istanbul!). Malgré toutes ces particularités, il n’est long que de 32 kilomètres.
Le grand bâtiment entouré d’échafaudages (décidément, nous n’avons pas de bol avec les monuments!) est la gare de Haydarpasa. Elle se trouve sur la rive asiatique du Bosphore. C’était le terminus ouest du chemin de fer de Bagdad (Istanbul – Adana – Alep – Bagdad) et du chemin de fer du Hedjaz ( Istanbul – Adana – Damas – Médine) qui devaient traverser des paysages incroyables! Mais vu la situation en Syrie et en Irak, le trafic ferroviaire a été interrompu vers ces destinations et la gare de Haydarpasa n’est plus qu’un monument historique de plus.
Comme si ça ne suffisait pas de voir des travaux partout, nous subissons en plus les affres de la météo et une pluie battante s’est mise à tomber pendant notre traversée du Bosphore, d’où ces photos toutes sombres et tristounettes. (Sorry!)





Il y a plein d’autres incontournables à Istanbul que nous n’avons pas visités pour différentes raisons. De toute façon, une vie ne suffirait pas pour tout voir. Nous avons délibérément renoncé au palais de Topkapi pour des raisons de budget (150 TL soit 14,60€ ou 15,75 CHF auxquels il faut rajouter 100 TL soit 9,75€ ou 10,50 CHF pour accéder au harem). Nous préférons visiter quelques sites archéologiques plus au sud, surtout qu’une partie du palais est inaccessible pour cause de travaux. Mais si vous aimez l’ambiance des Mille Et Une Nuits une visite peut valoir la peine.
Nous avons également renoncé à la citerne-basilique pour cause de claustrophobie. Van n’est vraiment pas à l’aise dans les lieux clos. De toute façon, d’après nos infos, elle serait fermée temporairement pour cause de travaux.
Les îles Adalar (ou îles des Princes) n’ont pas eu l’honneur de notre visite pour des raisons météorologiques. C’est dommage car elles valent le coup et ça coûte le prix d’une simple traversée en ferry. Ce sont quatre petites îles dans la mer de Marmara qui appartiennent à la municipalité d’Istanbul mais dont l’ambiance n’a rien à voir. C’est dolce vita méditerranéenne à l’ombre des pinèdes ou dans des petites criques protégées. Donc si vous êtes de passage à Istanbul, qu’il fait beau et que vous avez une journée, foncez-y! A l’époque, Van y avait aperçu une colonie de dauphins.
Nous aurions évidemment pu rester plus longtemps à Istanbul mais le temps pluvieux et frais a fini par nous en dissuader. Nous allons essayer d’aller plus au sud chercher un peu de soleil. Notre bonne étoile météo s’est mise en grève sur ce coup-là! Espérons qu’elle se rattrapera plus tard…
11 réflexions sur « Istanbul, entre Orient et Occident »