Almería et le Cabo de Gata

Malgré tous ces mois passés en Andalousie, il nous restait une province dans laquelle nous n’avions encore jamais mis les pieds. Cette province, c’est Almería, située à l’extrême sud-est de la région. Nous avons profité de prendre quelques jours dans la douceur du mois de juin pour aller réparer cet « oubli » et découvrir ce nouvel endroit.

Si nous n’y avons pas été plus tôt, c’est parce-que le coin est un peu isolé et assez loin. Entre Séville et Almería, il y a 415 kilomètres! C’est presque l’équivalent d’un Paris-Lyon! Autant vous dire qu’on n’y fait pas un petit aller-retour vite fait! On ne s’en rend pas forcément compte du premier coup mais l’Andalousie est énorme, très montagneuse et les distances très longues. Ce n’est qu’une région espagnole mais elle est plus étendue que certains pays comme l’Autriche ou la Tchéquie!

Le point faible de la province d’Almería, c’est son isolement. C’est un peu un cul de sac et elle ne se trouve pas du tout sur les voies de communication principales de l’Espagne. Les deux villes qui desservent le mieux Almería avec le bus sont Málaga par la côte ou Granada par l’autoroute qui traverse le désert de Tabernas. Depuis Séville, c’est la deuxième option la plus directe. Nous avons donc traversé Tabernas qui peut se targuer d’être le seul désert d’Europe. Les paysages sont superbes et ont été le lieu de nombreux tournages, notamment de westerns spaghettis, dans les années 1960-1970. Parmi les grands films qui y ont été tournés, on peut citer Lawrence d’Arabie, Cléopâtre ou encore Indiana Jones. Aujourd’hui, l’âge d’or de Tabernas a un peu passé mais quelques films récents y ont quand même été tournés comme Assassin’s Creed ou encore le dernier Terminator. Les studios de cinéma se visitent évidemment mais ce sera pour une autre fois en ce qui nous concerne. Le climat de l’Andalousie étant presque infernal à la belle saison, nous gardons cette virée pour un prochain hiver.

Après avoir traversé le désert de Tabernas, nous avons pris la résolution de ne plus jamais nous plaindre que Séville est un désert! Oui, ça nous arrive les mauvais jours! Certes, avec son air sec, ses étés torrides et ses nuits d’hivers glaciales, la plaine du Guadalquivir est officiellement classée en climat semi-désertique. Pourtant, nous avons quand même quelques précipitations en hiver, même si pas assez, de la végétation, des prairies verdoyantes au printemps et parfois un air atlantique plus humide! Rien à voir avec les paysages désolés et les cactus des environs d’Almería.

Almería

Nous allons être francs, Almería n’est pas vraiment ce qu’on pourrait qualifier de jolie ville. Bon, il faut reconnaître qu’en Andalousie on place la barre très haut sur ce sujet. D’ailleurs, nous n’avons pas trouvé Almería très andalouse, elle ressemble plutôt à Alicante avec ses alentours arides, sa forteresse dominant la ville et son ouverture sur la Méditerranée. Elle a juste, à notre avis, un petit air nord-africain en plus.

Almería a été fondée par les Arabes à la fin du Xe siècle et devint même le port le plus important de tout le califat de Cordoue. Elle connut bien entendu la Reconquista et fut incorporée à la couronne de Castille en 1489. Et là, tout est parti en vrille! Entre les tremblements de terre, la peste et les attaques incessantes des pirates, Almería connut une vraie descente aux enfers. Cette disgrâce prit fin à la toute fin du XIXe siècle avec l’essor de l’industrie de l’extraction minière ainsi qu’avec les exportation du raisin de Ohanes, une variété locale. Aujourd’hui, Almería est tristement connue pour ses « océans de plastique », des kilomètres carrés de serres où sont cultivés intensivement fruits et légumes pour être exportés, hors saison, en Europe du Nord.

Ce qui reste du centre historique ce sont plutôt les constructions dues au regain économique du XIXe siècle avec de grands bâtiments d’architecture néoclassique.

Plaza Vieja

Cette place ne se trouve pas facilement. Comme à Guadix, on y accède par un petit passage un peu dérobé entre deux bâtiments. Cette place date du XIXe siècle et a été fondée sur l’emplacement de l’ancien souk de la période musulmane. Malgré sa construction tardive, la place possède de jolis cabildos, ces fameux bâtiments à arcades typiquement andalous qu’on retrouve beaucoup dans les villes coloniales d’Amérique Latine. On y trouve notamment l’Ayuntamiento (la mairie) ou encore le monument aux martyrs de la liberté. Ce dernier est une superbe colonne de marbre de dix-sept mètres de haut. Elle a été érigée en 1868 en l’honneur de quelques combattants qui ont lutté contre le pouvoir despotique du roi Fernando VII avant d’être fusillés. Ce monument a été détruit par le dictateur Franco avant d’être reconstruit en 1988 sous la pression populaire.

Catedral de la Encarnación

Ce n’est pas une cathédrale mais plutôt un gros bloc de pierre posé au milieu de la ville! C’était une d’ailleurs une cathédrale-forteresse, la seule d’Espagne, construite au XVIe siècle dans un style gothique tardif très épuré. A part quelques fioritures baroques rajoutées par après, le tout est très sobre et surtout très massif. Nous ne la trouvons pas très jolie en fait mais depuis que nous habitons dans une ville qui possède une des plus belles cathédrales du monde, nous sommes devenus très pénibles en la matière. Ce que nous trouvons sympa par contre, ce sont les palmiers sur la place qui donnent un côté très « sud profond » au lieu.

Cable Inglés

Encore un héritage de l’âge d’or de l’industrie minière d’Almería! C’est un ancien pont ferroviaire datant de 1904 qui reliait la gare d’Almería au port afin de transporter le fer extrait des mines des montagnes alentours pour le charger facilement sur des bateaux afin de l’exporter dans toute l’Europe. Mais pourquoi l’appeler Ingles (anglais)? Tout simplement parce que les concessions minières de la région appartenaient aux Britanniques. C’est presque le même qu’à Huelva sauf qu’ici on ne peut pas s’y promener dessus et encore moins l’utiliser comme plongeoir!

L’Alcazaba

Ah il nous reste quand même quelque-chose de la période arabe! Cette superbe alcazaba surplombe la ville d’Almería juste de quelques mètres, la grimpette n’est pas trop pénible. Malheureusement pour nous, Madame s’offre une grosse cure de jouvence et est à moitié couverte d’échafaudages. Le chantier bat son plein, beaucoup d’ouvriers s’activent et de grosses grues travaillent à la restauration de cette gigantesque forteresse. Rassurez-vous, on peut quand même accéder à l’intérieur des murailles. C’est même gratuit si vous êtes ressortissants de l’Union Européenne.

Cette alcazaba est une des plus importantes de la péninsule ibérique et comptabilise plus de 1430 mètres de remparts. Elle n’est surpassée que par Badajoz qui, elle, possède la plus grande alcazaba d’Europe. Elle a été construite au IXe siècle avant la fondation de la ville afin de défendre le califat de Cordoue contre les attaques normandes.

La première cour intérieure

Aucun doute, l’ambiance arabe transpire par tous les pores de cette première cour. On y trouve des aljibes (un système de citernes typiquement arabe afin d’assurer l’alimentation du complexe en eau), une reconstitution d’une maison arabe, des portes en forme de serrures, des bains ainsi que des jardins, sortes de mini Generalife, en moins pittoresques bien sûr! Il y a des parcelles de jardins qui paraissent plus proprettes, plus modernes un peu à la française. C’est normal, ça a été aménagé récemment afin de camoufler le bordel engendré par les différentes fouilles archéologiques. C’est plutôt bien fait et ça ne dénature encore pas trop l’endroit.

La cour supérieure

Là, pas de doute, nous sommes passé du côté catholique de la force! Après la prise d’Almería, les rois catholiques commencèrent la construction du château sur l’alcazaba déjà existante afin de répondre au mieux aux besoins de l’époque en matière d’artillerie. Adieu les jolis jardins, ici, tout est fonctionnel : tour de garde, salle des canons, meurtrières, etc. On est dans un vrai château-fort médiéval comme on en trouve beaucoup en Europe Occidentale et dans les films de capes et d’épées. C’est la première partie de la forteresse à avoir été restaurée, nous ne sommes donc pas « dérangés » par le chantier.

Evidemment, la cour supérieure de l’alcazaba nous offre une superbe vue sur Almería. Les montagnes en arrière plan dans la brume appartiennent au Cabo de Gata. Les alentours arides nous rappellent le Maroc et renforcent l’ambiance africaine de la ville.

D’ailleurs en parlant d’Afrique, vous voulez une anecdote? Saviez-vous qu’officiellement Almería est à cheval sur deux continents? Certes, ce n’est pas aussi évident et fou qu’à Istanbul mais ça n’en reste pas moins vrai. Il y a, au large des côtes marocaines près de la ville de Nador, un petit îlot volcanique appelé « Isla de Alborán » qui appartient à la ville d’Almería. Quand nous pensions avoir déjà débarqué en Afrique, nous n’avions pas si tort finalement.

Cerro San Cristóbal

C’est un petit promontoire rocheux en face de celui de l’alcazaba ou on peut encore observer les remparts entourant la ville à l’époque musulmane. La grimpette n’est pas très difficile mais tout est également en chantier par ici, il y a beaucoup de caillasse et de poussière. De là, il y a une superbe vue sur l’alcazaba.

Sur notre première photo ci-dessus, il y a, à droite de la muraille, un monument du « Sacré-Cœur de Jésus » construite en marbre en 1928. Ce qui nous a hallucinés, c’est la ressemblance troublante avec l’ancienne chapelle copte sur la colline de West Bank à Assouan, sans la statue de Jésus dessus.

A gauche, le monument d’Almería, à droite celui d’Assouan.Troublant n’est-ce pas? Nous n’avons juste pas pu nous approcher plus près du monument à Almería pour cause de travaux.

Cabo de Gata

C’était le principal but de notre virée en Andalousie Orientale. Le cap se situe à une trentaine de kilomètres à l’est d’Almería. Depuis la station de bus de la ville, il suffit de prendre le bus pour le Cabo de Gata. Il faut juste bien faire attention aux horaires, surtout pour le retour car il n’y en a pas souvent. Le trajet dure une petite heure et longe la mer, c’est assez joli. Le terminus se trouve à l’entrée du petit hameau de la Fabriquilla où se trouve une jolie petite plage au sable un peu grossier mais aux eaux cristallines. Le paysage désertique, les eaux turquoises et les petites maisons aux couleurs pastels nous ont rappelé la mer Rouge en Egypte. Par contre, avec les courants venant du détroit de Gibraltar tout proche, l’eau reste très froide!

De là, il reste trois kilomètres pour arriver à la pointe du Cabo de Gata. Si vous êtes véhiculés, c’est facile, la route va jusqu’au bout. Sinon, il vous faudra faire travailler vos mollets! Il y a un petit chemin de l’autre côté de la glissière qui suit la route. Si vous ne voulez pas marcher dans la caillasse ou si vous avez peur du vide, vous pouvez aisément marcher sur la route, c’est assez large et il n’y a pas beaucoup de trafic.

Plus nous avançons, plus nous avons l’impression d’être de retour à Tenerife! Il y a d’impressionnantes montagnes arides d’origine volcanique qui se jettent directement dans la mer avec une pointe au bout sur lequel se dresse un phare. C’est un peu la Punta de Teno n’est-ce-pas? La seule différence c’est la mer! A Tenerife c’est un Atlantique généralement déchaîné qui vient s’éclater contre les falaises, tandis qu’ici, c’est une Méditerranée toute calme, mais presque aussi froide, que nous pouvons observer.

A gauche, le Cabo de Gata, à droite la Punta de Teno, là aussi la ressemblance est troublante!

Toute la zone fait partie du parc naturel du Cabo de Gata – Níjar qui couvre, sur presque 50’000 hectares, l’extrémité est de la côte méditerranéenne andalouse. Le parc compte le massif volcanique, quelques salines et une importante réserve marine. Sachant qu’une bonne partie de la province est couverte de ce qu’on appelle « l’océan de plastique », des hectares de serres où on y exploite des personnes précarisées pour envoyer toutes sortes de fruits et légumes au reste de l’Europe et hors saison en plus, ça fait du bien de trouver cet espace naturel protégé et encore sauvage.

Le phare du Cabo de Gata

A l’époque romaine, le Cabo de Gata était appelé Cap de Vénus en hommage à leur déesse de l’amour. C’est mignon n’est-ce-pas? Le nom actuel provient de l’arabe « Al-Qabta » qui signifie tout simplement « le cap ». Il est dominé par le Cerro de la Testa culminant à 343 mètres d’altitude. Venant des Alpes, c’est une hauteur dérisoire, ça correspond grosso modo à l’altitude de Genève, mais quand ça se jette directement dans la mer, c’est déjà beaucoup plus impressionnant! La pointe du cap culmine, elle, déjà à cinquante mètres d’altitude et est surmontée d’un phare haut de dix-huit mètres qui a été mis en service en 1863.

Petit fun fact géographique : le Cabo de Gata est le point le plus au sud-est de toute la péninsule ibérique et sépare la mer d’Alborán (le petit nom donné à la mer entre le Cabo de Gata, le cap Fegalo près de la ville d’Oran, en Algérie et le détroit de Gibraltar) du reste de la Méditerranée. Nous qui sommes des férus de points géographiques nous étions évidemment aux anges

Nous avons beaucoup aimé notre petit séjour à Almería malgré une tempête de vent qui nous a un peu tapé sur le système. Nous avons été impressionnés par l’aridité des environs. Certes, nous connaissions l’existence du désert de Tabernas mais nous pensions que l’office du tourisme exagérait un peu pour se la péter et pour attirer les touristes. Mais non, c’est bien un vrai désert de roches sans aucune végétation! Du coup, il semblerait que le seul environnement naturel qui manque en Andalousie, c’est la jungle!

Même si la ville d’Almería en elle-même n’a rien de vraiment pittoresque les alentours sont assez intéressants, pas trop touristiques et les plages sont mille fois plus belles que sur la Costa del Sol!

Guadix, la petite Cappadoce andalouse

Quand nous avons décidé de nous installer en Andalousie, nous avons dû, à plusieurs reprises, effectuer le trajet en bus depuis Valence. A chaque fois, nous avons été subjugué par le paysage de formations rocheuses digne de l’Arizona que nous apercevions à une cinquantaine de kilomètres avant d’arriver à Granada. Nous nous sommes promis de nous y arrêter à une fois pour aller voir ça de plus près. L’occasion s’est finalement présentée par une belle journée printanière. Est-ce-que ça en a valu la peine? C’est ce que nous allons vous dévoiler dans cet article.

Depuis Granada, il y a deux façons de se rendre à Guadix, en train ou en bus. Nous vous conseillons fortement la deuxième option car c’est meilleur marché, il y en a beaucoup plus souvent et le bus s’arrête au centre-ville contrairement au train dont la gare se situe à une bonne vingtaine de minutes à pieds. A Granada, autant la gare ferroviaire que la station de bus sont excentrées mais elles sont toutes les deux bien desservies par le tram. Dans les deux cas, le trajet dure environ une heure mais le bus reste, à nos yeux, une bien meilleure option.

Centre historique

Le bus nous arrête en plein centre de la ville juste à côté de ruines archéologiques. Il s’agit du théâtre romain d’Acci (nom latin de Guadix) qui a été découvert fortuitement en 2007 lors de travaux de construction d’un parking qui, suite à ces découvertes, ne vit jamais le jour. Le théâtre daterait de l’an 25 de notre ère et aurait été construit sur le site d’un ancien oppidum ibère. Le site n’est pas dans un état de conservation terrible, ce n’est pas Italica, mais une partie du site aurait déjà été détruit dès le IIIe siècle et des matériaux auraient été utilisés pour la constructions d’édifices postérieurs. En plus, il resterait des mètres carrés d’excavations à faire pour en découvrir un peu plus mais avec l’imposante cathédrale qui trône juste en-dessus site, ça ne va pas trop le faire.

Après la chute de l’empire romain, la ville fut abandonnée à son triste sort jusqu’à l’arrivée des Omeyyades. Durant l’époque musulmane Guadix connut des moments de splendeur mais aussi de décadence à cause de diverses épidémies, des guerres civiles ainsi que de la sècheresse. Les premiers conquistadors catholiques arrivèrent en 1362 mais les Arabes résistèrent jusqu’en 1490 faisant de Guadix, et du royaume nazari de Granada, le tout dernier bastion musulman sur la péninsule ibérique. Malgré la Reconquista catholique, les populations de différentes confessions (juive et musulmane notamment) purent rester sur place malgré le décret de l’Alhambra signé en 1492 qui ne tolérait que le catholicisme comme religion. Mais, suite aux divers conflits religieux qui durèrent près d’un siècle, les non catholiques furent soit expulsés, soit convertis de force en 1570 par le roi Felipe II. Guadix souffrit ensuite des différents conflits qui eurent lieu sur la péninsule dont la Guerre de Succession d’Espagne et l’occupation napoléonienne. Elle connut un regain économique à la deuxième moitié du XIXe siècle grâce à l’industrie sucrière ainsi qu’à l’arrivée du chemin de fer.

Aujourd’hui, Guadix est une petite ville endormie au pied de la Sierra Nevada qui a un peu de peine à sortir de l’ombre de sa grande voisine Granada. Le centre historique est très bigarré et montre bien les différents styles architecturaux qui ont évolué à travers les siècles.

L’alcazaba

La ville de Guadix est dominée par une superbe alcazaba (forteresse arabe) datant du XIe siècle. Elle a été construite sur les restes d’une ancienne muraille romaine et servait à défendre la ville des différentes invasions notamment chrétiennes. Et ça a plutôt bien fonctionné puisque les Rois Catholiques ne réussirent à conquérir la ville qu’à la fin du XVe siècle! Elle a été légèrement modifiée par les troupes napoléoniennes au XIXe siècle mais conserve tout de même son style très arabisant. Nous n’avons pas pu y accéder car elle est en cours de restauration. C’est dommage car elle est superbe!

Catedral de la Encarnación

Malgré la riche et longue histoire musulmane de Guadix, la cathédrale ne fut pas érigée sur une ancienne mosquée car l’histoire catholique y est encore plus emblématique. En effet, Acci, la cité romaine de Guadix, serait la première ville d’Hispanie (la péninsule ibérique) à avoir été convertie au christianisme. Les rois catholiques avaient donc une bonne excuse tout trouvée pour construire un édifice digne de ce nom pour marquer le coup! Les travaux débutèrent en 1489 en pleine Renaissance espagnole et ça se voit au style architectural. Il fallut plus de deux siècles pour terminer les travaux mais les efforts n’ont pas été vains, cette cathédrale est magnifique et domine presque toute la ville.

La façade orientale de la cathédrale qui est également la façade principale est une magnifique œuvre d’art baroque datant du XVIIIe siècle et contraste avec le reste de l’édifice sans pour autant le dénaturer. Elle bénéficia d’une superbe restauration en 1992 car elle a souffert de dommages durant la Guerre Civile.

Plaza de la Constitución

C’est la place principale de Guadix et malgré son immensité, elle ne se trouve pas facilement. On y accède par un petit portique juste en face de la superbe façade baroque de la cathédrale d’où il est difficile d’imaginer la grandeur de la place qui s’y cache. A l’époque médiévale, les musulmans s’en servaient comme place du marché mais les bâtiments à arcades que nous voyons aujourd’hui datent du XVIe siècle en pleine Renaissance espagnole. On y trouve aujourd’hui l’ancienne prison, le palais de justice, l’office du tourisme ainsi que quelques petits bistrots avec des terrasses bien sympas.

Barrio de las cuevas

Il faut grimper en dessus du centre historique pour accéder à ce « quartier des grottes » mais pas de panique c’est super bien indiqué, c’est sur le trottoir ou des petites routes asphaltées et ça ne grimpe pas tant que ça! Il y a plus de deux mille maisons troglodytiques construites dans la roche constituée en partie d’argile qui fait office d’isolant naturel et qui maintient une température intérieure d’environ vingt degrés toute l’année. Avec le prix de l’électricité qui atteint des sommets en Espagne, c’est le bon plan! Pas besoin de chauffage pendant les froids mordants de l’hiver et pas besoin d’air conditionné pendant les grosses vagues de chaleurs estivales! Par contre, il ne faut pas aimer les grandes baies vitrées, c’est plutôt claustrophobique comme ambiance à l’intérieur!

Ces maisons sont habitées depuis l’époque mauresque même si la plupart d’entre elles datent des XVe et XVIe siècles. Elles sont encore habitées aujourd’hui même si elles servent souvent d’appartements touristiques via la plateforme Airbnb. Nous en avons même trouvé en vente sur « Idealista », le site espagnol d’annonces immobilières. Il vous faudra débourser entre 12’000 et 13’000€ pour en acquérir une.

Les miradors

Le clou du spectacle reste les trois miradors du Barrio de las Cuevas. Il sont super accessibles, il n’y a pas trop de grimpette et ils sont également bien indiqués! De là, nous pouvons profiter de la superbe vue sur les maisons troglodytiques, le centre historique ainsi que de toutes les formations rocheuses qui donnent à la région un paysage incroyable!

Nous avons même pu apercevoir de la neige! En effet, Guadix se situe juste au pied de la Sierra Nevada, le deuxième plus haut massif montagneux d’Europe Occidentale après les Alpes. Grâce aux précipitations qui nous ont bien arrosés durant la Semana Santa, les sommets se sont parés d’un magnifique manteau blanc.

Si vous regardez bien nos photos ci-dessus, il y a un pic qui dépasse un peu tous les autres. C’est le Mulhacén qui, avec ses 3479 mètres d’altitude, est le plus haut sommet de la péninsule ibérique et le deuxième de toute l’Espagne. Le premier n’est autre que sa majesté le Teide, le volcan qui trône fièrement sur l’île de Tenerife.

Nous aurions vu un peu de neige cette année, même si, paradoxalement, nous avons dû attendre le printemps à cause d’un hiver bien trop sec. De toute façon, nous sommes plutôt tournés vers l’été et avons déjà subi les hivers rigoureux des Alpes suisses qui ne nous manquent absolument pas. Donc apercevoir une couche neigeuse de loin nous suffit amplement!

Si vous êtes du côté de Granada pour quelques jours, nous vous recommandons chaudement une petite excursion à Guadix. Ça vaut vraiment le détour et une journée de visite suffit amplement! Si vous avez votre propre véhicule, sachez qu’il y a des maisons troglodytiques et des formations rocheuses dans toute la région, pas seulement dans le village.

Nous avons adoré Guadix même si nous devons mettre un petit bémol. Nous n’avons pas du tout trouvé la chaleur andalouse dans les gens. Ils sont aussi froids et fermés que leurs grottes. Mais l’Andalousie est grande et des gens chaleureux, il y en a partout ailleurs. Il faudra juste se contenter du paysage et des monuments pour Guadix.

Jaén, un avant-goût d’Amérique du Sud

Quand on parle d’Andalousie, ce n’est pas Jaén qui nous vient en premier à l’esprit. Et à raison! Ce n’est pas dans les habituels circuits touristiques, c’est loin de la mer, l’offre hôtelière n’est pas ouf et ça ne se trouve pas en bonne position sur les différentes voies de communication de la région. Ce sont justement tous ces petits défauts qui nous ont donné envie d’en découvrir un peu plus.

Afin de mener à bien notre projet, nous avons posé nos sacs à Granada, une ville que nous adorons et qui ne se trouve qu’à une petite heure de bus au sud de Jaén. Nous aurions pu prendre un train « media distancia » directement depuis Séville mais c’est long, c’est cher et nous avons trouvé de meilleures offres hôtelières à Granada.

Grâce au cerro Santa Catalina qui domine la ville, Jaén fut habitée très tôt dans la préhistoire. Les Ibères en firent un important oppidum qui fut, plus tard, largement disputé entre les Carthaginois et les Romains. A la chute de l’empire romain, la ville fut complètement boudée par les Visigoths. Ce sont les Arabes qui firent de Jaén une ville renommée grâce à la fabrication de tapisseries qui furent exportées dans tout le royaume d’Al-Andalus et même jusqu’au Maghreb! En 1225, la ville fut attaquée par les troupes du roi Fernando III mais les musulmans se défendirent férocement jusqu’en 1246 où Jaén fut finalement reconquise par les rois catholiques. La cour royale espagnole s’y installa même pendant la conquête du Nouveau Monde. Mais les différentes guerres qu’à connu la péninsule ibérique les siècles suivants laissèrent la ville exsangue et sans aucune ressource.

Aujourd’hui, Jaén est une petite capitale provinciale qui vit principalement de la production de l’huile d’olive, véritable or vert pour la région. Le centre historique a souffert des différentes mises à sac de la ville notamment par les troupes napoléoniennes mais il reste quelques petites ruelles toutes mignonnes qui correspondent grosso modo à l’ancienne Juderia (quartier juif). L’architecture est plutôt du style de la Mancha (centre-sud de l’Espagne) C’est normal car nous sommes ici tout au nord de l’Andalousie et la frontière avec la région Castilla-la-Mancha se trouve à quelques encablures dans la Sierra de Andújar.

Catedral de la Asunción

C’est le clou du spectacle du centre historique de Jaén! Il y avait, comme souvent en Espagne du sud, une mosquée à cet emplacement mais elle fut totalement détruite par les rois catholiques. La construction de la cathédrale commença en 1249 et dura plus de cinq siècles. L’édifice mélange d’ailleurs les styles architecturaux des différentes époques. Ce que nous voyons aujourd’hui date des XVe et XVIe siècles et est un pur exemple du baroque espagnol. Nous la trouvons juste majestueuse, magnifique et très « latino-américaine ». Elle nous rappelle d’ailleurs un peu Cuzco.

En parlant d’Amérique Latine, la cathédrale est candidate pour être inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO sous prétexte qu’elle servit de modèle à plusieurs cathédrales du Nouveau Monde dont celles de Mérida (au Mexique pas en Estrémadure!), Lima, Cuzco et Antigua Guatemala que nous avons eu l’occasion de voir.

Ci-dessous, voici des images de la cathédrale de la Virgen de la Asunción de Cuzco, de la cathédrale San Idelfonso de Mérida (Mexique) ainsi que de la cathédrale métropolitaine de Lima que nous avons prises lors de nos différents voyages. Il faut reconnaître qu’il y a effectivement un air de famille avec la cathédrale de Jaén!

La grimpette du jour

Jaén se situe au cœur de la cordillère Subbétique, celle qui se situe au milieu des trois cordillères bétiques qui traversent toute l’Andalousie. Ce qui renforce la ressemblance avec des villes andines comme Cuzco. Le relief est donc tout indiqué pour nous permettre d’effectuer notre traditionnelle grimpette. Nous montons donc sur le cerro Santa Catalina qui domine la ville de Jaén du haut de ses 820 mètres d’altitude. Il y a une route qui rejoint le sommet et nous avons même vu un minibus à la station de bus qui dessert le château. Mais nous avons choisi de faire travailler nos gambettes. Le chemin est un peu scabreux dans la caillasse, c’est raide, un peu vertigineux et il y a plein d’herbes piquantes qui nous ont offert une séance d’acupuncture gratuite. Mais le jeu en vaut la chandelle : la paroi est impressionnante et nous avons eu la chance d’apercevoir deux chamois se promenant dans le coin et que nous avons même pu immortaliser en vidéo sur nos stories instagram.

Castillo de Santa Catarina

Au sommet du cerro Santa Catalina se dresse le château du même nom. Ce que nous voyons aujourd’hui date de l’époque castillane donc après 1246 même si ce sont les Arabes qui ont, en premier, érigé une forteresse à cet endroit. Ce qui restait de l’époque musulmane a été complètement détruit au XIXe siècle par les troupes napoléoniennes. Aujourd’hui, l’édifice abrite un parador, c’est-à-dire un hôtel de charme dans un bâtiment historique.

Le 25 novembre, jour de Santa Catalina (ou Sainte-Catherine en français), la tradition est de monter à pied jusqu’au château et d’y griller des sardines. Nous ne comprenons pas trop le pourquoi des sardines car Jaén n’a pas d’accès à la mer mais nous trouvons la tradition des grillades plutôt sympa.

Après une grimpette pareille, nous pouvons nous attendre à une jolie vue n’est-ce-pas? En effet, nous n’avons pas été déçus. La cordillère nous offre un paysage incroyable et avec les pluies de la Semana Santa, tout est bien vert et c’est magnifique! Il y a également une belle vue sur la ville de Jaén dans la cuvette avec la cathédrale qui se détache tellement elle est énorme! Le climat frais du printemps vient renforcer l’ambiance très andine du lieu. Il y a juste les champs d’oliviers qui nous rappellent que nous sommes bien en Andalousie.

Pour redescendre en ville, nous empruntons le chemin qui longe la muraille nord. C’est tout aussi raide mais c’est beaucoup moins scabreux et vertigineux qu’à l’aller. Ces remparts, en cours de restauration, sont les derniers vestiges de l’époque califale de toute la forteresse de Jaén.

On nous avait conseillé d’aller visiter les bains arabes et effectivement ils ont vraiment l’air de valoir le coup mais nous n’avons malheureusement pas eu le temps d’aller les voir.

Jaén n’est effectivement pas la ville la plus pittoresque d’Andalousie mais nous avons adoré sa douceur de vivre, son ambiance un peu montagnarde, ses champs d’oliviers à perte de vue et sa cathédrale de ouf qui nous a rappelé de très bon souvenirs d’Amérique latine.

Les trésors historiques peu connus de la province de Córdoba

Quand on voyage à travers l’Andalousie, un des gros highlights est, à juste titre, la ville de Córdoba avec sa mezquita, son pont romain et son magnifique centre historique. Malheureusement, on a tendance à oublier que toute la province, à l’instar de l’Andalousie toute entière, regorge de trésors qu’il vaut la peine d’aller découvrir. Nous avons été voir deux d’entre eux situés à quelques encablures du centre-ville.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous allons juste faire une petite mise en garde météorologique! Toute la région de Córdoba est surnommée « la olla de España », c’est-à-dire la casserole de l’Espagne. Et ce n’est pas usurpé! En été, il fait des chaleurs torrides, l’air est très sec, le soleil brûle et les températures atteignent souvent les 45 degrés. Ce n’est pas du tout idéal pour les activités que nous allons vous proposer ci-dessous! Nous y avons été début février et avons eu la chance d’avoir des journées quasi printanières mais les meilleures périodes restent quand même le printemps ou l’automne.

Almodovar del Rio

Si vous êtes dans le train entre Sevilla et Córdoba, vous remarquerez à une vingtaine de kilomètres avant d’arriver à Cordoue, sur la gauche dans le sens de marche, un magnifique château sur un énorme promontoire rocheux. C’est le château d’Almodovar del Rio qui surplombe le village du même nom. Bien que la ligne de chemin de fer passe littéralement sous le château, il ne s’y arrête pas. Il faut prendre le bus depuis Córdoba pour accéder au lieu. Le village en lui même n’a rien de ouf. Il est blanc comme n’importe quel village andalou mais sans rien de pittoresque. Il est un peu endormi au milieu de la campagne mais les habitants sont habitués et ravis d’accueillir les touristes venant visiter le château, surtout en hiver où tout est très calme.

Le château

Vous vous doutez sûrement que si nous sommes venus jusqu’ici, c’est pour effectuer la grimpette jusqu’au château! Il faut compter un bon quart d’heure de marche depuis l’arrêt de bus. Certes, ça grimpe un peu mais c’est en pente douce et tout est goudronné, il n’y a rien de difficile. La visite du château en elle-même est plus difficile avec toutes les marches qu’il y a à monter et à descendre mais ça vaut le coup! Le prix d’entrée est de 10 euros.

L’histoire du château est assez similaire à celle du reste de l’Andalousie. Sur le promontoire rocheux qu’on appelle « El Redondo », c’est-à-dire le rond à cause de sa forme circulaire, il y avait déjà un oppidum fortifié du temps des Ibères et des Tartessos, des civilisations antiques du sud de la péninsule ibérique. Le lieu devint vite prospère grâce à la culture des céréales, de l’élaboration de l’huile d’olive et de l’exploitation des mines d’argent. Les Omeyyades (les fondateurs musulmans d’Al-Andalus, l’Andalousie musulmane, originaires de Damas) développèrent encore plus la région depuis l’an 740 même si plusieurs guéguerres internes firent passer Al Mudawar (le nom arabe d’Almodovar à l’époque) du califat de Cordoue à la taïfa de Carmona avant de la faire passer sous contrôle de la cour almohade de Séville.

En 1240, en pleine Reconquista, le château passa sous contrôle du Royaume de Castille et fut la propriété de divers comtes, seigneurs ou marquis locaux avant d’être peu à peu abandonné. En 1901, le propriétaire de l’époque décida de le restaurer avec l’aide d’un architecte local. Malheureusement, ni l’un ni l’autre n’eurent la possibilité de voir l’œuvre achevée pour cause de décès. Mais les travaux continuèrent à titre posthume jusqu’en 1936, date de l’éclatement de la Guerre Civile. Aujourd’hui, le château appartient à un marquis local mais est mis à la disposition de la municipalité pour permettre les visites à des touristes lambdas comme nous, certains tournages de films ou encore l’organisation de joutes médiévales.

Il faut compter une bonne grosse demi-journée de visite pour pouvoir profiter pleinement du château. Il est possible de monter sur toutes les tours et la promenade sur les remparts prend du temps. Nous n’avons pas compté les marches que nous avons montées respectivement descendues mais il y en avait beaucoup! Les salles intérieures sont très intéressantes et contiennent quelques objets archéologiques de différentes époques trouvés sur le site. Nous sommes bien évidemment descendus dans les cachots où Van a même essayé d’y oublier Fab mais celui-ci, malin, a réussi à s’échapper!

Avec une grimpette pareille et la promenade sur les remparts, vous imaginez bien la vue que nous avons pu avoir! En effet, il y a un superbe panorama sur la plaine agricole, le village d’Almodovar del Rio et les montagnes de la Sierra Morena. Le promontoire sur lequel se dresse le château se trouve dans un méandre du Rio Guadalquivir, oui le même qui traverse Córdoba, Séville et qui va se jeter dans l’Atlantique à Sanlúcar de Barrameda. Mais malgré cette météo splendide, nous sommes quand même en hiver et le fleuve se drape d’un magnifique nuage de brume.

Si vous êtes fans de châteaux et de tout ce qui touche au Moyen-Age, Almodovar del Rio peut être un but de visite vraiment sympa. Si en voyant nos photos, vous avez eu l’impression de reconnaître un lieu familier, c’est normal surtout si vous avez suivi assidument la série Game of Thrones. En effet, une partie de la septième saison y a été tournée et le château a donné vie au décor de Highgarden, le siège de la maison des Tyrell.

Madinat az-Zahra

Madinat az-Zahra se situe encore plus près de Córdoba qu’Almodovar del Rio. Le site ne se situe qu’à huit petits kilomètres du centre ville. Il y a deux moyens de s’y rendre par les transports publics. Il y a un bus spécial pour le site qui part devant l’Alcazar et qui coûte neuf euros l’aller-retour. Pour les horaires et les billets, il faut se rendre à l’office du tourisme qui se trouve devant la Mezquita. Nous avons choisi l’option plus locale et plus économique avec le bus urbain qui part de la Avenida de America. Chaque trajet nous a coûté quarante centimes mais nous sommes titulaires de la carte des transports d’Andalousie. Mais même sans la carte, ça reste très avantageux.

Le bus touristique vous déposera dans le parking du centre des visiteurs tandis que le bus urbain vous déposera quelques centaines de mètres plus bas sur la grande route à l’intersection de la petite route de campagne qui mène au site. Il vaut la peine de s’arrêter au centre des visiteurs où les explications sur l’histoire de Madinat az-Zahra sont très intéressantes. Le site archéologique en lui-même se situe à deux kilomètres de là juste au pied de la Sierra Morena. Des bus font la navette pour trois euros l’aller-retour mais il est tout à fait possible de s’y rendre à pieds. Quant à l’entrée du site, elle est gratuite si vous êtes citoyens de l’Union Européenne. Elle vous coûtera 1,50€ le cas échéant.

La particularité de Madinat az-Zahra est que son histoire est à cent pour cent arabe. Elle n’existait pas avant l’arrivée des Omeyyades et a été abandonnée avant la Reconquista. La construction de la ville date des années 936-940. Mais l’histoire commence presque deux siècles plus tôt à plus de cinq mille kilomètres plus à l’est. A Damas, les Omeyyades se font vaincre par les Abassides qui prirent le contrôle de tout l’empire musulman depuis leur nouvelle capitale Bagdad. Suite à cela, le sultan Abderraman Ier, un Omeyyade, proclama l’indépendance de l’émirat de Cordoue faisant de sa capitale la ville la plus prospère et la plus avancée d’Europe à l’époque. Au même moment à Ifriqiya (la Tunisie et le nord-ouest de la Lybie), les Fatimides, grands ennemis des Omeyyades d’Andalousie, fondèrent leur propre califat tout aussi prospère. Afin de montrer leur supériorité, les califes de Córdoba décidèrent de fonder une nouvelle ville avec des palais, des jardins, une grande mosquée et des bains. Voilà comment est née Madinat az-Zahra.

Ce projet a tellement bien fonctionné et la ville devint si prospère qu’elle commença a faire de l’ombre à sa grande sœur Córdoba. Tous ces petits conflits interne mena à une terrible guerre civile entre 1010 et 1013 avec comme conséquence la dislocation de l’émirat de Cordoue en petites taïfas régionales ainsi que la destruction de la ville de Madinat az-Zahra. Le site a été laissé à l’abandon jusqu’en 1911 où on y commença une campagne de fouilles archéologiques. Depuis 2018, le complexe archéologique est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le grand portique

On accède au site par le nord mais la vraie porte d’entrée de la ville se trouve à l’est avec ce grand portique qui donnait accès à l’alcazar. A la base, il y avait quinze arches sur deux niveaux qui s’élevaient à près de dix mètres de haut. Aujourd’hui, il n’en reste plus que quatre et le deuxième étage à complètement disparu mais nous pouvons déjà imaginer la grandeur de l’édifice! Le but de Madinat az-Zahra était d’en mettre plein la vue et il semblerait que l’objectif ait été atteint avant même de franchir l’entrée de la ville!

La maison de Yafar

Vu que la ville a été détruite, le site n’est pas dans un très bon état de conservation et il est rare d’y voir des façades encore debout. Il y a une exception avec la maison de Yafar et ses superbes arches mauresques même si on doit, en partie, sa beauté à une minutieuse restauration dans les années 2000. La maison appartenait à Yafar al-Siqlabi, d’où son nom, qui était premier ministre de la ville. Elle possédait trois patios, un espace officiel et un espace privé avec plusieurs chambres et salles de bains ainsi que des espaces pour les domestiques. C’était le plus grand édifice d’habitation de la ville même si aujourd’hui, il est difficile de s’en faire une idée de la grandeur avec juste ce tas de ruines qui reste.

Ce n’est évidemment pas la seule maison de Madinat az-Zahra mais c’est la plus reconnaissable de toutes avec sa façades. Les autres sont soit dans un état déplorable ou soit inaccessibles pour cause de danger, de travaux de restaurations ou de fouilles archéologiques.

La basilique supérieure

Eh non, ce n’est PAS une basilique malgré son nom. On l’appelle ainsi parce qu’elle a été construite en croix, comme une basilique et parce que les archéologues n’ont pas encore trouvé quelle était la fonction exacte de cet édifice. Pour l’instant, les théories penchent pour une fonction plutôt militaire ou alors pour un palais de vizirs. Quoi qu’il en soit, c’est le bâtiment le plus beau et le mieux conservé de tout le site. Il surplombe le reste de la ville en étant presque accroché aux premières pentes de la Sierra Morena. Mention spéciale pour les superbes arches typiquement mudéjars qui se tiennent encore fièrement debout après toutes ces années.

Madinat az-Zahra est une visite qu’il vaut la peine de faire depuis Córdoba et c’est, à notre connaissance, le seul site uniquement d’influence arabe de toute l’Europe. Evidemment, si notre affirmation est fausse et que nous trouvons un autre endroit de ce genre, nous nous empresserons d’aller le découvrir!

Si vous aimez randonner, la Sierra Morena est très accessible est propose plusieurs itinéraires de balades. Nous y avons été dégourdir nos gambettes mais nous retournerons explorer tout ça ultérieurement.

Evidemment, la province de Córdoba ne s’arrête pas à sa capitale et aux deux sites que nous venons de vous faire découvrir mais c’est déjà une belle première approche. En ce qui nous concerne, nous avons été conquis et ça nous donne une belle alternative aux provinces plus touristiques tournées vers la mer comme Cádiz ou Málaga.

Santiponce et la cité romaine d’Italica

La première fois que nous avons entendu parler de Santiponce et du site archéologique d’Italica, c’était en 2020 lors de notre petit trip en Andalousie en pleine période de Covid-19. Nous avions pris un Bla-Bla Car entre Málaga et Séville et notre conductrice, en bonne andalouse fière de sa terre natale, nous avait conseillé de nous y rendre. Conseil que nous avons évidemment suivi surtout que le village se trouve dans la banlieue proche de Séville et qu’il est super facile de s’y rendre en bus local depuis la station de Plaza de Armas.

Depuis notre installation à Séville, il nous arrive parfois encore de nous y rendre de temps en temps pour profiter des ruines romaines et d’un peu de calme sans trop nous éloigner de la ville.

Santiponce est un petit village typique andalou un peu endormi avec ses maisons blanchies à la chaux. Il est entouré de champs d’orangers, d’oliviers et de tournesols et il y règne un calme absolu. Difficile à croire que le cœur de la trépidante Séville n’est distante que de sept petits kilomètres!

Monastère San Isidoro del Campo

La première chose que nous apercevons en arrivant à Santiponce par la route, c’est le monastère de San Isidoro del Campo qui domine le village. Ici, contrairement à beaucoup d’endroits en Andalousie, pas de trace d’art mudéjar en vue. L’architecture est plutôt gothique et les peintures nous proviennent à cent pour cent de la Renaissance. Le monastère a été fondé au début du XIVe siècle par Alonzo Pérez de Guzman, un seigneur de Medina Sidonia dont la famille est également la fondatrice du comté de Niebla près de Huelva. Il servait de mausolée familial. Au XVe siècle, il a été cédé aux cisterciens, des moines qui observent une discipline ascétique et très stricte de la religion. Ils occupent encore le site aujourd’hui faisant du site le monastère cistercien le plus méridional du monde.

Ayant visité le monastère en pleine crise du Covid, nous y avons trouvé un calme absolu! Nous avons été impressionnés par le décorum et par les magnifiques peintures qui ornent les murs et les plafonds.

Italica

Pour se rendre a Italica il suffit de prendre le bus pour Santiponce qui continue jusqu’au site archéologique. Impossible de se tromper, l’arrêt de bus se trouve devant l’entrée! Pour les citoyens de l’Union Européenne, l’entrée est gratuite sinon, le prix d’entrée est de 1,50€.

Le site est à découvert, nous vous déconseillons fortement de vous y rendre pendant les grosses chaleurs de l’été. A notre avis, il est idéal de visiter Italica pendant les belles journées ensoleillées d’hiver. Il y a peu de monde, la végétation est bien verte et la lumière est très belle.

Italica n’est PAS la ville romaine de Séville. Cette dernière existait déjà à l’époque romaine et même depuis l’ère des Phéniciens sous le nom d’Hispalis.

Italica a été fondée en 206 avant notre ère sur un site déjà occupé par une civilisation locale appelée Tartessos. C’était la première cité romaine fondée en Hispanie (la péninsule ibérique) et hors de l’actuelle Italie. La ville atteignit son apogée dans les deux premiers siècles de notre ère sous les règnes de Trajan et d’Hadrien car les deux empereurs étaient natifs d’Italica et furent particulièrement bien disposés envers leur ville natale. Après la chute de l’empire romain, les Visigoths s’y installèrent puis plus tard les Arabes qui rebaptisèrent la ville Taliqa avant de l’abandonner à son triste sort au XIIe siècle lors de leur défaite face aux rois catholique pendant la Reconquista.

Le site archéologique en lui-même n’est pas le plus pittoresque au monde mais il est quand même intéressant avec quelques vestiges de voies romaines dont la fameuse « Via de la Plata » (route de l’argent) qui reliait Hispalis (Sevilla) à Asturica Augusta (Astorga, province de León dans le nord de l’Espagne) et qui fait aujourd’hui partie des chemins de Compostelle. Comme toute ville romaine qui se respecte, Italica possédait divers temples, des termes et des villas. Les ruines que nous pouvons voir aujourd’hui ne correspondent qu’à une toute partie de la cité antique, les fouilles archéologiques étant loin d’être terminées sur le site.

En 2024, Italica est officiellement devenue candidate pour être inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Nous espérons que sa candidature sera retenue car ça permettra de bien préserver le site et peut-être de reprendre les fouilles.

Les mosaïques

Italica vaut le déplacement rien que pour ses mosaïques! Ce sont les plus belles et les mieux conservées de toutes celles que nous avons vues jusqu’à présent. Encore mieux qu’à Pompéi qui est pourtant un site archéologique de ouf! Chaque maison possède sa propre mosaïque voire plusieurs. Les plus anciennes datent du Ier siècle avant notre ère mais l’âge d’or des mosaïques correspond à celui de la ville, c’est-à-dire les deux premiers siècles de notre ère sous les règnes des empereurs Trajan et Hadrien.

L’Amphithéâtre

C’est grâce aux deniers envoyés par l’empereur Hadrien directement depuis Rome qu’Italica possède ce superbe amphithéâtre. Avec ses trois étages de gradins et sa capacité à accueillir plus de 35’000 personnes, c’était, à l’époque de sa construction (IIe siècle) le deuxième plus grand amphithéâtre de l’empire après le Colisée de Rome. En plus des traditionnels spectacles de gladiateurs, le théâtre était également utilisé pour des rituels dédiés à Némesis, la déesse de la justice, de la solidarité, de la vengeance, de l’équilibre et de la chance.

La lagune

Le site archéologique se trouve à proximité d’un cours d’eau appelé Arroyo de San Nicolas et qui a une fâcheuse tendance à déborder pendant les pluies de l’hiver. Afin de protéger les vestiges des crues, les autorités ont décidé de créer ce lac artificiel juste en dessous de l’amphithéâtre. Quelle bonne idée! Non seulement les ruines romaines sont préservées mais le lac est devenu un sanctuaire pour des centaines d’oiseaux!

Italica est un site où nous aimons bien nous rendre de temps en temps car c’est tout près de Séville et ça nous permet aussi de comprendre un petit peu l’histoire de notre région.

Petit fun fact

L’empire romain étant énorme, ce n’est pas la première fois que nous rencontrons des vestiges en rapport avec les empereurs Hadrien et Trajan lors de nos voyages. Hadrien possède sa propre porte dans la ville turque d’Antalya construite en son honneur lors d’une visite en grande pompe. Quant à Trajan, nous avons vu le site de Sélinus, le lieu de son décès. Il se trouve également en Turquie, sur la côte méditerranéenne dans l’actuelle Gazipasa, au sud d’Alanya.

Image de gauche : la porte d’Hadrien à Antalya, image de droite : Sélinus

L’époque romaine étant une période qui nous fascine, nous allons prospecter si nous trouvons d’autres sites archéologiques, que ce soit en Espagne ou ailleurs sur le pourtour méditerranéen. Nous avons, évidemment, déjà une liste pleine d’idées!

Cordoue, la petite Jérusalem andalouse

Avant d’attaquer cet article, nous allons juste faire une petite mise au point linguistique sur notre titre. En effet, nous préférons généralement utiliser le nom des villes dans leur langue originale, surtout si elle est latine, mais comme nous avons déjà un article intitulé Córdoba, sur la ville du même nom en Argentine, nous voulions éviter toute confusion.

Voilà, ces considérations linguistiques étant réglées, nous pouvons entrer dans le vif du sujet : la visite de la belle ville de Cordoue (ou Córdoba si vous préférez).

Córdoba, c’est la carte postale typique de l’Andalousie : des maisons de type andalou blanchies à la chaux, de l’architecture mudéjare à chaque coin de rue, une juderia (quartier juif), un climat semi-désertique, des patios fleuris et un centre historique de ouf.

Cette fois, nous inversons les rôles par rapport à Grenade, c’est Van qui avait visité la ville en coup de vent, toujours en 2006 (on ne rajeunit pas!) tandis que Fab avait pris plus de temps sur place et eut un véritable coup de cœur pour Córdoba.

Le Centre historique

Le centre historique, un des plus grands d’Europe et le deuxième d’Espagne après Séville, est un véritable musée à ciel ouvert! Pour cause, Córdoba a été la capitale d’Al-Andalus, le royaume arabe de la péninsule ibérique, au temps de sa splendeur. La vieille ville a d’ailleurs été inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Il suffit juste de déambuler à travers les petites ruelles bordées de maisons blanchies à la chaux pour découvrir des milliers de trésors architecturaux ou décoratifs. Par contre, ayant visité la ville en temps de Covid-19, beaucoup d’édifices sont fermés ou ouvert sur rendez-vous avec des horaires très restreints.

Plaza de la Corredera

Et non, ce n’est pas la Plaza Mayor de Madrid même si la ressemblance est troublante! C’est une énorme place de 113 mètres de long et de 55 mètres de large qui date du XVIIe siècle. C’est un architecte de Salamanca (Castille-et-León, nord de l’Espagne) Antonio Ramos Valdés qui conçut les dessins de la place. Voilà pourquoi, elle ressemble beaucoup à certaines grandes places de villes du nord de la péninsule ibérique. Aujourd’hui, elle est principalement utilisée pour des manifestations festives (hors Covid, évidemment!)

Le temple romain

Déjà à l’époque romaine, Córdoba était une ville importante puisqu’elle était la capitale de la province d’Hispanie Ultérieure qui couvrait grosso modo l’actuelle Andalousie ainsi que l’Algarve. (sud du Portugal) A la place de ces superbes colonnes corinthiennes en marbre devait se trouver la mairie. Mais lors de sa construction dans les années 1950, les vestiges d’un temple romain apparurent faisant stopper les travaux. Le temple date de l’époque des empereurs Claude et Domitien. Córdoba regorgerait de ruines romaines mais elles n’ont pas encore fait l’objet de fouilles archéologiques.

Le musée archéologique

En plein cœur du centre historique, à l’emplacement même de l’ancien théâtre romain, se trouve le musée archéologique complètement rénové entre 2020 et 2021. On y trouve de superbes pièces datant de la préhistoire (les Ibères), de l’époque romaine, de l’époque d’Al-Andalus ainsi que des premières années de la Reconquista. C’est super intéressant et ça retrace une bonne partie de l’histoire de la province de Córdoba. En plus, l’entrée est gratuite pour les ressortissants de l’Union Européenne!

Petit fun fact : une partie des pièces ont été récupérées à la suite d’un coup de filet de la police locale qui a démantelé un grand réseau de recel de pièces historiques dans toute la région!

Le pont romain

Le pont d’origine date, comme son nom l’indique de l’époque romaine, plus ou moins de l’an 45 avant notre ère. Mais il fut détruit au Xe siècle. Les califes maures (les musulmans donc) le reconstruisirent quasiment à l’identique. Le pont eut droit à plusieurs rénovations à travers les siècles depuis la Reconquista (la conquête catholique du sud de l’Espagne dès le XIIIe siècle) jusqu’en 2008. Il traverse le Guadalquivir, le cinquième fleuve de la péninsule ibérique et le plus important d’Andalousie. Sur la rive gauche, on accède au pont par la Torre Calahorra, une superbe tour fortifiée datant du XII. Lors d’une rénovation au XVIIIe siècle, les catholiques y ajoutèrent une statue de l’archange Raphael. En plus d’être vraiment beau, cet ouvrage offre un superbe point de vue sur la Mezquita, le centre historique et la Sierra Morena en arrière-plan.

Les moulins du Guadalquivir

Le long du Rio Guadalquivir, dans toute la province de Córdoba, se trouvent les vestiges de quelques moulins datant de l’époque romaine jusqu’au XVe siècle. Vu le climat aride de la région, la farine était considérée comme l’or blanc à l’époque. Certains moulins ont été restaurés mais la plupart ont volontairement été privés de rénovations car diverses espèces d’oiseaux en ont fait leur lieu de villégiature et les autorités ont décidé de reconvertir ces lieux en réserves naturelles.

Côté Arabe

Pendant la période musulmane, Córdoba prit encore de l’importance en devenant la capitale du califat de Cordoue qui, du temps de sa splendeur, comprenait les territoires actuels du sud de la Catalogne, l’Aragon, la Castille-la-Manche, la Communauté Valencienne, la région de Murcia, l’Andalousie, l’Estrémadure, les Baléares, la partie sud du Portugal depuis Porto, toute la pointe de Tanger ainsi que Melilla. De quoi bien se la péter! Les califes de Cordoue appartenaient à une branche des Omeyyades, des gars de Damas qui ont régné sur tout le monde arabe pendant des siècles! Rien que ça!

Aujourd’hui, une bonne partie du centre historique garde des témoignages architecturaux de cette époque faste.

La mezquita

C’est le bâtiment emblématique de Córdoba! Mezquita signifie mosquée en espagnol. Donc c’est encore une cathédrale construite sur une mosquée. Mais pas seulement! A la base, c’était un temple romain dédié au dieu Janus qui était le dieu des commencement, des fins, des choix et des portes. (Oui, les Romains avaient un rapport particulier avec les portes!). A la chute de l’empire, les Wisigoths (des espèces de barbares germaniques venus conquérir la péninsule ibérique) en ont fait une cathédrale catholique dédiée à St-Vincent vers 584. Ce n’est qu’en 714 que l’église fut transformée en mosquée et de manière plutôt pacifique puisque les musulmans signèrent un accord avec les Wisigoths leur permettant d’exproprier la cathédrale. La première mosquée fut achevée en 786 mais fut agrandie trois fois jusqu’en 987. Elle devint alors la deuxième plus grande mosquée du monde après celle de la Mecque! Lors de la Reconquista, en 1236, le roi Ferdinand III de Castille en refit une cathédrale de culte catholique qui est encore en vigueur aujourd’hui même si des commissions islamiques revendiquent le droit aux musulmans d’y prier, ce qui est, pour l’instant, formellement interdit.

Ce qui est vraiment fou avec ce bâtiment, c’est que l’architecture arabe n’a pas été détruite ou cachée durant la Reconquista, les catholiques y ajoutèrent juste quelques détails baroques typiques de l’époque. On peut y observer le mélange de ces deux styles totalement différents comme, par exemple, une porte de forme islamique ornée d’une fresque de la Renaissance racontant un passage de la Bible.

Le patio des orangers

C’est la cour intérieure de la mezquita et on y trouve, comme son nom l’indique des orangers, mais aussi des cyprès. A l’époque musulmane, c’était la salle des ablutions mais elle était également utilisée comme medersa (sorte d’école coranique) pour les enseignements islamiques ainsi que pour les jugements de la charia. C’est du patio qu’on a la plus belle perspective sur le clocher haut de cinquante quatre mètres. Oui, c’est l’ancien minaret de la mosquée mais comme il a été en partie détruit au XVIIe siècle lors de la transformation de l’édifice en cathédrale, ça ne se voit plus trop contrairement à la Giralda de Séville.

L’accès au patio se fait librement, il n’y a pas besoin d’acheter les tickets d’entrée pour la mosquée.

L’intérieur

Malgré plusieurs séjours à Córdoba, nous n’avions pas eu l’occasion de visiter l’intérieur de la mezquita avant cet hiver 2024. Soit c’était fermé pour cause de feria, soit c’était en pleine rénovation, soit c’était limité pour cause de Covid-19. Nous sommes toujours les spécialistes des mauvais timings!

Bref nous avons finalement découvert ce joyau architectural de l’intérieur pour un prix d’entrée de 13 euros.

L’intérieur est une grande salle hypostyle (salle couverte soutenue par des colonnes) comme une grande partie des temples égyptiens. A Cordoba, rien ne nous rappelle les pharaons mais plutôt les émirs, les souks, les épices et les appels à la prière. Toutes ces colonnes et arcades en forme typique de serrure sont impressionnantes et donnent une perspective incroyable. La salle est énorme et doit être bien fraîche durant les grosses chaleurs estivales. Lors de notre visite hivernale, nous avons eu froid malgré des températures très douces à l’extérieur. Si vous venez en hiver, pensez à prendre une couche supplémentaire!

L’ensemble possèderait plus de 850 colonnes qui formeraient pas moins de onze nefs. Nous n’avons pas compté mais nous confirmons que c’est immense!

Malgré cet héritage musulman bien présent vous devez quand même vous douter que les catholiques n’ont pas laissé cette mosquée telle quelle lors de la Reconquista! Effectivement, au XVIIe siècle, la mezquita a subi quelques transformations, et pas des moindres! Le baroque était à la mode et les architectes de l’époque en ont, à notre avis, un peu abusé! Pourtant, nous adorons le baroque! Certes, un peu partout en Europe, la Renaissance a un peu exagéré avec les fioritures et les peintures mais là c’est vraiment abusé! Le contraste est vraiment saisissant et nous n’étions pas prêts!

Objectivement, c’est quand même superbe et certains détails sont dignes de travail d’orfèvre. Nous avons juste eu l’impression de visiter deux édifices complètement différents. Sachant que plusieurs rois de Castille ont leur sépulture à l’intérieur des chapelles, nous imaginons que les artistes aient dû mettre le paquet pour la déco!

N’oublions pas les juifs!

Nous pourrions presque comparer Córdoba à Jérusalem tant les trois religions monothéistes ont joué un rôle important dans la culture de la ville. Les juifs séfarades (ceux originaires de la péninsule ibérique) étaient installés à Cordoue depuis l’époque romaine déjà. Ils ont vécu en plus ou moins bonne entente avec les musulmans mais c’était chacun son quartier! Les juifs étaient alors repoussés à l’extérieur du centre-ville. Ils ont pu regagner leurs anciens quartiers du centre-historique, appelés la Juderia, avec l’arrivée de Ferdinand III de Castille et la Reconquista. Mais le couperet tombe en 1492 avec le décret de l’Alhambra où les rois catholiques signent le bannissement de toutes les communautés juives (et toutes les autres non catholiques) de leur royaume. Décret qui ne fut abrogé qu’en 1967! Aujourd’hui, il ne reste juste quelques vestiges de la communauté juive dont la synagogue.

La synagogue date du XIVe siècle et a été construite dans le style mudéjar. D’ailleurs, si ce n’était pas indiqué, jamais nous n’aurions deviné que c’était une synagogue! Après l’expulsion des juifs, le bâtiment fut utilisé comme hôpital pour les patients atteints de la rage. C’est une des trois seules synagogues d’avant le décret de l’Alhambra encore existante en Espagne, les deux autres se trouvant à Toledo.

L’Alcazar des rois chrétiens

Il y avait une ancienne forteresse mauresque à cet emplacement mais il n’en reste pratiquement plus rien. L’alcazar actuelle date complètement de l’époque catholique (1328 environ) et a été renforcée pendant les diverses guerres qu’a connu le royaume d’Espagne. Sous le règne d’Isabelle la Catholique, le palais sert de tribunal à l’Inquisition et des salles d’interrogatoire et de torture y sont aménagées. C’est également dans ce bâtiment que Christophe Colomb s’est entretenu, à la même époque, avec le couple royal au sujet de l’expédition qui devait l’emmener en Amérique. (Et dire qu’à ce moment, il pensait rejoindre les Indes!) Au XIXe siècle, l’édifice devint une prison avant de devenir un bien historique sous la dictature franquiste.

Les patios

S’il y a bien quelque-chose dont Córdoba est fière, en plus de tout ce que nous venons de parler, ce sont ses patios! Un patio, c’est une petite cour intérieure, souvent avec une fontaine dans son centre, ornée d’arcades, de mosaïques et de fleurs. C’est typique de l’architecture de Cordoue et c’est un vrai havre de fraîcheur lors des températures caniculaires qui sont fréquentes dans la région.

S’il y a une activité à faire à Córdoba (mais avec discrétion!), c’est de jeter un coup d’œil furtivement dans chaque ouverture de porte ou de fenêtre car il y a souvent un magnifique patio à l’intérieur même si la maison paraît modeste au premier abord.

La fiesta de los patios

Chaque année pendant la deuxième semaine du mois de mai, se déroule la fête des patios. Plus d’une cinquantaine de maisons du centre historique ouvrent leurs patios au public pour cette occasion. Il y a même un concours du patio le mieux décoré et le mieux fleuri de Córdoba. Nous ne savons pas sur quels critères se base le jury pour l’attribution des prix car, à nos yeux, ils sont tous plus beaux les uns des autres. La plante star est le géranium planté dans des petits pots traditionnels accrochés à la paroi mais il y a également un grande variété de fleurs qui y est représentée.

Cette fête attire beaucoup de monde. L’UNESCO l’a d’ailleurs inscrite sur le site de son patrimoine culturel immatériel. Nous vous conseillons d’y aller pendant les jours de semaine et pendant l’ouverture du matin soit entre onze et quatorze heures. La visite des patios est gratuite mais vous pouvez laisser quelques pièces de monnaie si ça vous a particulièrement plu.

Gastronomie locale

Córdoba a un centre historique de ouf et une histoire richissime mais ça ne lui suffit pas. Il faut en plus qu’elle ait sa propre gastronomie! Il a bien fallu que nous aillions voir ça de plus près surtout qu’elle a l’air plus créative que la cuisine espagnole. Nous avons testé pour vous :

– Le salmorejo córdobes : c’est une variante du gazpacho andalou (oui, Córdoba doit avoir son propre gazpacho). C’est une soupe de tomate froide à l’ail et à l’huile d’olive épaissie par de la mie de pain qui lui donne une texture crémeuse. On la sert en général avec des miettes d’oeufs durs et des petits carrés de jamon ibérico. (le jambon cru espagnol). C’est super bon et super frais pour les chaudes journées d’été qui dure presque toute l’année à Córdoba.

– La mazamorra cordobés : le houmous local sauf que les pois chiches sont remplacés par des amandes. C’est servi avec de l’huile d’olive et des raisins secs. Ça se marie parfaitement bien avec les « picos » andalou qu’on vous sert avec le pain dans chaque restaurant d’Andalousie.

– Le pastel de Córdoba : une pâtisserie qui nous rappelle les saveurs du Moyen-Orient avec sa farce de fruits confits et sa cannelle. En général, elle se mange le 17 novembre lors de la fête patronale de la ville. C’est un régal pour nos papilles gustatives mais, pour notre indice glycémique, euh… mieux vaut ne pas savoir!

Nous n’avons pas tout goûté mais à Córdoba, on peut trouver des aubergines du calife (caramélisées au miel), du flamenquin (une sorte de cordon bleu) et, quelque-chose qui ne nous attire pas trop, du rabo de toro (oui, c’est bien de la queue de taureau!)

Waw! Nous en avons pris plein les yeux et les papilles durant nos différentes visites de Córdoba! Ce n’est pas aussi grandiose que Séville ou pittoresque que Granada (quoique!) mais la ville mérite amplement qu’on s’y arrête quelques jours. Voire plus pour découvrir les alentours, mais ça, nous vous en parlerons plus tard.

Córdoba est une visite à faire lors d’un séjour en Andalousie. Elle se visite parfaitement à la journée depuis Séville ou Málaga grâce aux trains à grande vitesse qui la relient à ces deux villes en moins d’une heure. Elle a un caractère plus de l’arrière pays et plus villageois comparé à ses deux grandes sœurs mais elle ne manque pas de charme et d’histoire.

Aracena et sa Sierra

Vivre dans une grande ville bouillonnante comme Séville c’est génial, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer, nous avons une vie sociale de ouf et notre grande soif de culture y est étanchée mais, parfois, nous aimons la quitter quelques temps pour aller voir un joli coin de nature et une ambiance un peu plus rurale, plus tranquille. C’est ce que nous avons fait un dimanche. Nous avons embarqué deux amis assez fous pour être sur le pied de guerre à neuf heures du matin à la station de bus de Plaza de Armas et nous sommes partis tous les quatre à l’aventure.

L’Andalousie, ce n’est pas que la mer et des palais mudéjars, c’est également très montagneux! Pour cause, elle est traversée par trois cordillères! Nous n’avons pas été en montagne depuis notre retour d’Amérique Centrale à cause, entre autres, des gros risques d’incendie de l’été. En vrai, l’automne n’est pas vraiment arrivé dans notre région mais il y a quand même eu quelques pluies au mois de septembre qui ont été bienvenues et qui ont un peu atténué les risques. Même si dans les faits, il nous faudrait des mois de pluie continue pour atténuer la sécheresse.

Aracena

Il faut compter environ une heure et demie de bus depuis Séville pour arriver à Aracena. Nous sommes ici dans le nord de la province de Huelva, à quelques kilomètres de l’Estrémadure dans une région naturelle appelée Sierra de Aracena mais que, dans la culture populaire, on appelle, à tort, Sierra de Huelva (qui signifie les montagnes de Huelva) car ce sont les seules montagnes de toute la province qui est composée principalement de plaines et de lagunes. Le village d’Aracena est « perché » à 682 mètres d’altitude. Ça peut paraître modeste pour des natifs des Alpes comme nous mais nous vivons dans la plaine du Guadalquivir à sept petits mètres d’altitude. Nous avons donc quand même pris un peu de hauteur.

Aracena n’a pas l’importance historique qu’ont d’autres localités andalouses même si elle a vu passer les différents peuples qui ont conquis le sud de la péninsule ibérique allant des Phéniciens aux Visigoths. Elle prit un peu d’essor au VIIIe siècle lors de la conquête arabe et l’âge d’or de la taïfa de Niebla de laquelle elle dépendait directement. La Reconquista catholique ne s’est pas faite par les rois d’Aragon mais par Sancho II du Portugal en 1231. Il est vrai que nous sommes bien plus proches de nos voisins lusitaniens que de Zaragoza! Les siècles qui ont suivi l’ont vu passer alternativement sous les règnes des couronnes de Castille et du Portugal jusqu’au XVIe siècle où Aracena fut rattachée définitivement au Royaume de Séville. En 1831, lors de la nouvelle administration territoriale qui perdure encore aujourd’hui, Aracena fut rattachée à Huelva car il fallait bien donner quelques montagnes à cette pauvre petite province lagunaire! Nan, en vrai ce n’est pas tout à fait pour ça mais nous on la trouve cool comme raison!

Même s’il n’est pas sur la liste officielle, Aracena pourrait prétendre sans vergogne au titre de Pueblo Blanco avec ses petites ruelles bucoliques et ses façades blanchies à la chaux.

Gruta de las Maravillas

Si nous avons pris des photos promotionnelles de la ville d’Aracena ou de l’office du tourisme d’Andalousie pour illustrer cet article, ce n’est pas par flemme mais parce qu’il est strictement interdit de prendre la moindre photo ou vidéo à l’intérieur de la grotte pour des motifs de conservation. Et c’est THE grosse frustration de notre journée car la grotte elle est juste WOW et n’a pas volé son nom! (Maravillas signifie merveilles en espagnol) Mais nous comprenons aisément les raisons de cette interdiction et n’avons même pas essayé de voler quelques clichés en cachette.

L’accès se fait par une petite maison médiévale juste derrière l’Ayutamiento (la mairie) en plein centre historique. Le dernier endroit où on imagine trouver une grotte! Et pourtant il y a plus de deux kilomètres de galeries souterraines réparties sur trois étages. La partie ouverte au public fait environ 1,2 kilomètre. A l’intérieur, c’est un enchantement de stalagmites, de stalactites et de pierres superbement façonnées par l’érosion. Les lacs contiennent une eau cristalline, riche en minéraux et propre à la consommation qui alimentaient le village en eau potable jusque dans les années 1970. Nous sommes restés tous les quatre bouche bée devant une telle merveille de la nature.

La température intérieure est de 19 degrés environ toute l’année. C’est une parfaite climatisation naturelle pour les étés torrides d’Andalousie. Même au début octobre, nous y avons apprécié la fraîcheur (oui, même Van la frileuse!) car nous vivons un veranillo de San Miguel (l’équivalent de l’été indien) particulièrement chaud.

Aussi fou que ça puisse paraître, il ne faut pas souffrir de vertige pour visiter la grotte. Non, nous n’avons pas abusé de la manzanilla (le vin blanc local de la région de Séville) et avons bien écrit le mot vertige en toute conscience! En général, grotte rime plutôt avec claustrophobie. Mais celle-ci est super haute et bien large à part à quelques petits passages, mais c’est vraiment minime. Van, qui n’aime pas du tout les espaces clos, n’a pas du tout été incommodée durant sa visite. Par contre, il y a des escaliers et des passerelles qui surplombent les lacs et ça peut effectivement être vertigineux et très impressionnant pour les personnes qui ont peur du vide.

L’entrée de la grotte se trouve derrière l’Ayutamiento, il suffit de traverser les arcades. Il y a des panneaux indicatifs dans tout le village. Nous avons pris le billet qui inclut également les entrées au château et au musée du jambon. (15€ soit 14,45CHF le week-end ou 12,50€ soit 12,05CHF en semaine). Etant tributaires des transports publics, nous n’avons pas eu le temps de visiter ce dernier. En vrai c’est parce-que nous avons préférer aller le manger le jambon dans un bistrot! La Sierra de Aracena produit un délicieux jambon sous l’appellation d’origine contrôlée Jabugo, qui est un des villages de la Sierra.

A l’achat de vos entrées, on vous indiquera une heure de visite. Vous serez accompagnés obligatoirement d’un guide et dans un petit groupe d’une vingtaine de personnes, souci de conservation oblige. Pas de panique si vous ne maîtrisez pas le castillan : il y a des visites en anglais et même dans notre belle langue de Molière grâce à des audioguides.

Fuente del Concejo

La structure actuelle de cet ancien lavoir date de 1923 mais des vestiges trouvés sur les lieux nous laissent penser qu’on y lavait déjà ses vêtements au Moyen-Age. Si l’eau paraît si claire c’est parce qu’elle provient directement de la Gruta de las Maravillas. Donc oui, elle est potable! Mais nous n’avons pas osé la boire car nous y avons vu des gens y tremper leurs pieds juste avant (Beurk!). De toute façon, il est déconseillé de trop en consommer car elle est hyper calcaire et risque donc de nous donner de jolis calculs rénaux.

Iglesia de Nuestra Señora del Mayor Dolor

Vous ne pensiez quand même pas que nous allions échapper à notre traditionnelle grimpette du jour? Ce à quoi nous pensions échapper, c’est aux températures du mois de juillet! Loupé! Mais nous commençons à nous habituer aux étés interminables que finalement nous aimons bien et nous nous sommes équipés en conséquence.

La colline sur laquelle nous montons est celle qui abrite la Gruta de las Maravillas. Toute cette hauteur qui nous a impressionnés à l’intérieur, il faut la grimper maintenant! Après avoir passé la porte surplombée d’un clocher-mur typique du XVIe ou XVIIe siècle nous tombons sur cet immense mastodonte de style gothique tardif du XVe siècle. Comme presque toute église qui se respecte en Andalousie, elle a été construite sur une ancienne mosquée datant du XIIe siècle dont on peut encore observer aujourd’hui la tour mudéjar dont les détails ne sont pas sans nous rappeler notre merveilleuse Giralda. Malheureusement, le minaret est mal orienté et se trouve à l’ombre une bonne partie de la journée. Difficile d’y faire ressortir les détails architecturaux.

Château de Aracena

Nous sommes en Espagne donc même s’il y a des grottes et des églises gotico-mudéjars, il y a toujours un château sur la colline! Ou au moins, les restes d’un château! Celui d’Aracena conserve une belle muraille d’enceinte mais pour le reste, c’est bien en ruines même si on peut quand même deviner le donjon grâce à une paroi qui est vaillament restée debout. Nous devons cette fortification du XIIIe siècle aux musulmans. Après la Reconquista, elle fut brièvement cédée à l’ordre des Templiers. Aracena n’a jamais été un endroit stratégique à défendre, le château à donc été laissé gentiment à l’abandon, d’où un état de conservation pas terrible.

Nous avons particulièrement apprécié la promenade sur les remparts car elle donne une vue magnifique sur le village d’Aracena.

Il y a également une superbe vue sur la Sierra de Aracena qui fait partie de la réserve de biosphère de Dehesa de la Sierra Morena, un espace protégé qui s’étend sur plus de 424’000 hectares sur trois provinces andalouses. Nous avons été étonnés de voir un paysage si vert qui contraste avec la sécheresse de la plaine du Guadalquivir. Aussi fou que ça puisse paraître, la Sierra reçoit des précipitations parmi les plus importantes de la péninsule ibérique, ce qui permet à de magnifiques forêts de s’épanouir. Ce climat méditerranéen tempéré par les pluies permet l’élevage des porcs pour le fameux « jamon de Jabugo », la culture des oliviers et celle des chênes-lièges car il faut bien des bouchons pour les bouteilles de manzanilla! Ce ne sont pas les montagnes les plus impressionnantes que nous ayons vues et les sommets y dépassent rarement les 1000 mètres d’altitude mais ce relief doux et vallonné ainsi que toute cette verdure nous ont quand même enchantés.

Ce qui, à la base, ne devait être qu’une petite promenade dominicale s’est avéré être une véritable découverte! Il y a encore trois mois, nous ne connaissions rien de la province de Huelva! Cette pauvre petite région coincée entre l’Algarve super touristique et les coins hyper connus et tout autant touristiques de Séville et de Cádiz a été un peu oubliée, y compris par nous qui, pourtant, aimons sortir des sentiers battus. Certes, elle n’a pas le pittoresque de ses voisins mais possède quand même quelques trésors dignes d’être découverts. Nous allons évidemment essayer de réparer ce lamentable oubli lors de prochaines aventures.

Niebla et le règne des Guzman

Lors de nos trajets en train pour Huelva, nous avons aperçu par la fenêtre une superbe forteresse dans la localité de Niebla, à environ vingt-six kilomètres de la capitale provinciale. Evidemment, ça a titillé notre curiosité et nous n’avons pas pu nous empêcher de nous y arrêter pour aller voir ça de plus près!

Si aujourd’hui, Niebla est un petit village andalou de peu d’importance, ça n’a pas toujours été le cas dans le passé. La localité fut fondée à l’Age de Bronze par les Tartessos, une civilisation du Ier millénaire avant Jésus-Christ qui occupait l’ouest de l’Andalousie actuelle. Les Romains développèrent la ville qui passa sous l’influence directe d’Italica, dans l’actuelle Santiponce en banlieue de Séville. Ensuite, l’histoire est exactement la même que dans tout le sud de la péninsule ibérique : les Wisigoths chassèrent les Romains et furent eux-mêmes chassés par les musulmans. Niebla devint alors un taïfa indépendant avant d’être englobé dans celui de Séville. La ville fut reconquise par les catholiques sous l’égide d’Alphonse X de Castille en 1262 après neuf longs mois de siège. A cette époque, Niebla devint un comté riche et important. Mais tout se gâta en 1508 quand le roi d’Espagne, Fernando II réclama le duché voisin de Medina Sidonia. Niebla, en tant qu’allié de ce dernier, refusa et se mis à le défendre. En représailles, le roi y envoya 1500 hommes et ordonna l’assaut de la ville. Mais heureusement, le massacre attendu n’eut finalement pas lieu car le duc a fini par abdiquer et céder son duché à la couronne de Castille. Mais cet épisode marqua le début du déclin pour Niebla qui fut aggravé par le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755 qui fit beaucoup de dégâts dans toute l’Andalousie.

Niebla ne redevint jamais prospère. Aujourd’hui, c’est un village andalou endormi, qui sert de cité-dortoir pour la population qui va travailler à Huelva ou même à Séville. Seuls quelques monuments historiques d’envergure rappellent ce passé glorieux dans une des provinces les plus oubliées d’Espagne et qui porte le titre peu enviable de parent pauvre de l’Andalousie.

Les remparts de Niebla

Niebla peut se targuer d’avoir une muraille d’une conservation remarquable. Ce que nous voyons aujourd’hui nous vient tout droit de l’époque almohade, c’est-à-dire musulmane, mais la base avait déjà été construite par les Tartessos, à l’Age de Bronze. Il en reste six portes dont certaines ont la fameuse forme en serrure des portes islamiques. C’est la muraille la plus ancienne la mieux conservée d’Europe.

Le château des Guzman

Bien qu’on y ait trouvé des restes wisigoths, romains et mudéjars, ce château en question est un pur produit de la Reconquista. Il fut construit en 1368 lors de la création du comté de Niebla qui allait grosso modo de Sanlúcar de Barrameda jusqu’à la frontière portugaise mais en passant par l’arrière-pays. Le château appartenait à la noble famille Guzman, qui malgré la consonnance un peu germanique, est un nom typiquement castillan. La famille appartenait à la maison de Medina Sidonia et donna même une reine du Portugal (Luisa de Guzman, femme de Jean IV du Portugal) ainsi qu’une impératrice (Eugenia de Montijo, femme de Napoléon III). Elle reçut ses titres de noblesse directement du roi pour services rendus à la couronne de Castille. C’est grâce aux Guzman qui maîtrisaient l’art des alliances et du commerce que Niebla connut une époque très prospère pendant la Renaissance. Le lignage de la famille existe toujours et il y a encore aujourd’hui un comte de Niebla même si son rôle se limite à parrainer des fondation et à donner des conférences dans diverses universités du pays.

Le château se visite pour quatre euros. L’avantage des petites structures telles que celles-ci, c’est que le personnel, super sympa, a le temps de vous accueillir, de vous faire un brin de causette et de répondre à toutes vos questions concernant la région ou le patrimoine historique. C’est le château-fort typique avec sa ceinture extérieure, son donjon, ses tours, son chemin de ronde, ses mâchicoulis, ses cachots, etc… Malgré son côté calme et un peu oublié, le château de Niebla grouille d’activités. Il y a déjà les archéologues qui cherchent des vestiges antérieurs à la construction de l’édifice. Ensuite, il y a les restaurateurs qui font un boulot de dingue depuis des années car avec le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, la mise à sac par les troupes napoléoniennes lors de la Guerre d’Indépendance (1808-1814) et l’abandon qui en découla, l’édifice a bien morflé! Enfin, outre la mise à disposition des touristes pour les visites, l’enceinte du château accueille un festival de théâtre renommé dans la région. Ça nous fait plaisir de voir qu’on bichonne ces bijoux historiques et qu’on les fasse vivre à travers diverses activités culturelles.

Iglesia San Martin

Même si l’intérêt principal de Niebla reste son château, il vaut la peine de faire quelques pas dans le village pour accéder aux ruines de l’église de San Martin. On y voit clairement l’ancienne mosquée avec sa porte en forme de serrure (à gauche) sur laquelle a été construite, au XVe siècle, une énorme cathédrale gothique dont il nous reste l’abside ainsi que le clocher. Mélange des cultures oblige, la mosquée a été transformée en chapelle dont la déco est on ne peut plus catholique.

Niebla n’est pas un incontournable en Andalousie mais elle a le mérite de nous offrir une petite halte culturelle hors des grands circuits touristiques. En plus, elle est facilement accessible depuis les stations balnéaires de la côte atlantique pour ceux qui en auraient marre de se dorer la pilule à la playa.

Ayamonte

Dans notre conquête de l’ouest, nous avons décidé de pousser le bouchon encore plus loin et de nous rendre au bout du bout, à l’extrême sud-ouest de l’Espagne péninsulaire, à la frontière portugaise : Ayamonte. Ce petit village de pêcheurs fondé par les Phéniciens connut une histoire similaire à toute la région avec les Romains, les Wisigoths et les Arabes tout en ayant une forte influence portugaise qui ne se ressent plus trop aujourd’hui. Elle eut de grandes relations économiques et commerciales avec l’empire colonial espagnol en Amérique qui lui assura assez de ressources pour connaître la prospérité. Aujourd’hui, c’est une petite ville andalouse agréable et néanmoins assez animée grâce au tourisme des plages atlantiques proches comme la Isla Canela ou la station balnéaire portugaise de Vila Real de Santo Antonio qu’on peut rejoindre en ferry.

En transports publics, Ayamonte est accessible en bus depuis Huelva, et parfois, directement depuis Séville.

Plaza de la Laguna

Difficile de faire plus andalou avec cette magnifique place au centre d’Ayamonte. Tout y est : les maisons blanchies à la chaux, les palmiers, une pergola pour faire un peu d’ombre, une statue en marbre (dans ce cas la statue de l’Immaculée Conception datant de 1954) ainsi que les bancs ornés de mosaïques. Seuls quelques azulejos bleus nous rappellent que nous ne sommes qu’à deux pas du Portugal. La place date du XVIIIe siècle mais a été remaniée au moins une fois par siècle depuis sa construction. Elle est bordée par l’Ayuntamiento (la mairie) et par de jolies terrasses à l’ombre bienvenue dans cette chaleur estivale.

Bom dia Portugal!

Ayamonte se trouve sur la rive gauche du Rio Guadiana pratiquement à son embouchure dans l’océan Atlantique. Si le nom de ce fleuve vous dit quelque-chose, c’est normal, nous vous en avons déjà parlé puisqu’il traverse également la ville de Badajoz avant de tracer la frontière entre l’Espagne et le Portugal jusqu’à la mer. Vous l’aurez compris, sur la rive droite, ce sont nos voisins et amis portugais. Pour aller leur dire bonjour, il y a deux solutions. La première consiste, si vous avez une voiture, de prendre l’autoroute A22 et d’emprunter le magnifique pont international du Guadiana qui traverse la rivière. Cet impressionnant pont suspendu de 666 mètres de long, le troisième plus long du Portugal après les deux ponts qui traversent le Tage à Lisbonne, fut inauguré en 1991 après vingt-huit ans de travaux. Si ça a pris si longtemps, ce n’est pas parce que les ouvriers ont trop fait la sieste comme le disent souvent les préjugés venus du nord, mais à cause du Rio Guadiana trop large (plus de cinq cents mètres) et trop profond (une bonne dizaine de mètres) ce qui posa de grands défis techniques aux constructeurs.

La deuxième solution pour rejoindre la localité portugaise de Vila Real de Santo Antonio est d’emprunter le ferry. Il part sur le quai du Guadiana tout proche du centre-ville, la traversée coûte 2,30€ et il y en a toutes les trente minutes. Par contre, nous ne l’avons pas testé pour vous. Etant tributaires des transports publics, nous étions pris par le timing. Mais ce n’est pas l’envie qui nous a manqué!

Malgré ces jolies petites découvertes, nous n’avons pas renouvelé notre abonnement gratuit pour Huelva pour ce dernier quadrimestre de 2023. Nous avons préféré prendre celui pour Cádiz que nous adorons et dont la province nous coupe le souffle à chaque fois. Mais ce n’est pas pour autant que nous allons abandonner la province onubense (oui, c’est comme ça qu’on appelle les gens de Huelva!) à son triste sort. Il y a toute la Sierra de Huelva, mieux accessible depuis Séville et idéale pour des balades automnales sans risque d’incendie, que nous mourrons d’envie d’aller découvrir!

Huelva et la découverte de l’Amérique

Le gouvernement espagnol a renouvelé ses mesures anti inflation en nous offrant des abonnements pour les trains régionaux et moyenne distance. Comme nous sommes basés à Séville même, nous avons choisi la destination d’Huelva pour l’été car c’est un coin que nous ne connaissons absolument pas. L’autre raison de ce choix, c’est la proximité avec l’océan Atlantique, ce qui nous permet de perdre quelques degrés par rapport à la capitale andalouse pendant les grosses vagues de chaleurs qui sont monnaie courante dans la plaine du Guadalquivir. Ça nous permettra également de profiter un peu de la playa.

Nous allons être honnêtes, Huelva, ce n’est pas Cádiz! Néanmoins, la région possède quelques petits lieux dignes d’intérêts ainsi qu’une riche histoire conjointe au reste de l’Andalousie.

Nous n’avons pas du tout accroché avec la ville de Huelva. Elle fait un peu pâle figure si on compare avec les autres capitales provinciales d’Andalousie qui sont vraiment pittoresques et, manque de bol, la place centrale qui a l’air assez jolie et qui possède une statue de Christophe Colomb est en travaux. C’est assez difficile de s’en faire une idée. Par contre, nous avons adoré son environnement dans les marismas del Odiel, une réserve de biosphère de marais et de lagunes composée par les deltas des rivières Odiel et Tinto. Un truc sympa à faire, si le soleil ne tape pas trop fort, c’est de se balader dans la ria (un terme portugais mais également utilisé à Huelva ou en Galice pour désigner un delta) sur l’ancien pont de chargement des minerais qui a été reconverti en promenade et, pour les plus téméraires, en plongeoir. Ce pont qui date de la fin du XIXe siècle et qui représente parfaitement l’architecture industrielle de cette époque était en fait un pont ferroviaire. Le port de Huelva se trouvait à cet emplacement jusqu’au milieu du XXe siècle et ce quai de chargement permettait de faire passer les marchandises directement du train au bateau.

Palos de la Frontera

Palos de la Frontera se situe à quatorze kilomètres à l’est de Huelva et est facilement accessible en bus depuis cette dernière. Le hic c’est que la gare de Huelva se situe de l’autre côté de la ville par rapport à la station de bus. Il faut compter bien vingt minutes de marche entre les deux, à prendre en compte lorsque vous regardez les horaires des transports. Ancien village de pêcheurs, la ville est aujourd’hui tristement célèbre pour sa culture intensive de fraises qui assèche les lagunes protégées du parc national de la Doñana. Malgré ce gros bémol, Palos est typiquement andalouse avec ses maisons blanchies à la chaux, ses mosaïques, ses petites places, ses anciens remparts arabes et sa douceur de vivre dans la torpeur estivale.

Iglesia de San Jorge

Ce n’est de loin pas la cathédrale la plus pittoresque d’Andalousie mais elle est très intéressante d’un point de vue architectural. Elle est construite sur une acropole (nom grec qui signifie le point le plus haut d’un ville) qui domine les lagunes de la ria de Huelva. Elle est du plus pur style gothique-mudéjar et pourtant, il n’y a jamais eu de mosquée à cet emplacement. Au XIVe siècle, lors du début de sa construction, il était courant de construire des édifices en prenant comme modèle le style musulman déjà présent, même après la Reconquista. Puis le XVe siècle arriva et on continua les travaux en gothique cette fois-ci. Le clocher, quant à lui, est du plus pur style Renaissance avec son corps baroque et son toit de mosaïque typiquement andalou sans oublier l’indispensable nid à cigognes!

Cette église a également une importance historique puisque c’est à l’intérieur de celle-ci que se sont déroulés les préparatifs et les discussions autour de la première expédition de Christophe Colomb qui devait le mener en Amérique.

Palos de la Frontera a le privilège, ou le fardeau selon comment on voit l’histoire, d’avoir été le point de départ du premier voyage de Christophe Colomb qui le conduira, sans qu’il le sache, à la découverte de l’Amérique. Aujourd’hui, la configuration des lieux est un peu différente avec le retrait de l’océan mais au XVe siècle, la ville se trouvait en bord de mer et possédait un port. Il y a plein de panneaux explicatifs, en mosaïques of course, qui retrace cette histoire fascinante.

La Rábida

Pour se rendre à la Rábida depuis Huelva, il faut également prendre le bus pour Palos (ou Mazagon) et s’arrêter avant, à l’université puis traverser la grande route.

Le monastère qu’on trouve sur la place a la même histoire architecturale que sa copine l’Iglesia de San Jorge au centre de Palos de la Frontera. Christophe Colomb himself y a logé quelques années au XVe siècle et c’est là qu’il eut l’idée saugrenue (ou pas) de mettre le cap à l’ouest pour tenter de rejoindre l’Inde.

Avenida de las Americas

Bien que le monastère soit magnifique, ce n’est pas lui qui nous a attiré dans ce coin de pays par une chaude journée d’été. Nous voulions comprendre l’histoire autour de la découverte de l’Amérique. Pour cela, rien de tel que de parcourir la bien nommée Avenida de las Americas! Pour la trouver, c’est facile, il suffit de repérer l’immense monument érigé en l’honneur des explorateurs. Cette colonne haute de presque 55 mètres à été inaugurée le 12 octobre 1892, le jour du quatre centième anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb, en Amérique, sur une île des Bahamas. Quant à l’avenue en elle-même, il n’y a rien d’inoubliable mais l’ombre des palmiers est bienvenue par cette chaleur et les mosaïques des différents emblèmes des pays américains sont très belles. Le calendrier aztèque, cadeau du Mexique à l’Espagne, est également très sympa. Nous qui venions de rentrer de notre trip en Amérique Centrale, ça nous a fait de jolis souvenirs.

Les caravelles

Voilà la vraie raison pour laquelle nous avons vu un monastère, une colonne un peu mégalo et les emblèmes des anciennes colonies espagnoles : les fameuses caravelles empruntées par Christophe Colomb himself et son équipage lors du voyage de découverte de l’Amérique. Bon d’accord, ce ne sont que des reproductions car les vraies, après une traversée de l’Atlantique, se sont sûrement retrouvées dans un état déplorable.

Le musée des caravelles se trouve dans les lagunes à quelques centaines de mètres de la fin de la Avenida de las Americas. D’après nos recherches, l’entrée devrait coûter trois euros mais, pour une raison que nous ignorons, nous ne l’avons payée qu’1,50€ . C’est le genre de surprise que nous aimons bien mais, vu la qualité de l’exposition, nous nous serions quand même acquittés des trois euros sans broncher.

La reproduction des caravelles date de 1992, année des cinq cents ans de la découverte de l’Amérique et également année de l’Exposition Universelle de Séville où les trois embarcations ont été exposées avant de couler une retraite tranquille comme musée dans la ria de Huelva.

Trois embarcations ont été affrétées pour cette fameuse expédition en 1492. Les deux petites s’appellent la Niña et la Pinta et servaient principalement de transport de matériel, d’armes et de vivres. La plus grande, la Santa Maria, transportait Christophe Colomb himself qui y avait un bureau avec tous les instruments nécessaires à la navigation qui se résumaient, à l’époque, à un compas, une carte plus ou moins précise et aux constellations dans le ciel.

Les caravelles ont été aménagées pour une visite à l’intérieur. Si vous avez une imagination débordante ça peut être impressionnant car les bateaux ne sont pas très grands, en bois et d’un confort très spartiate. Pourtant, ils ont traversé l’Atlantique dont on ne connaissait que très peu de choses en 1492, sur une route qui n’avait jamais été empruntée avant, en essuyant sûrement quelques tempêtes avant d’arriver dans un lieu complètement inconnu! Rien que d’y penser, ça nous file le mal de mer!

Visiter les cuisines nous a remis un peu de baume au cœur car on ne lésinait pas sur la bouffe à l’époque! Et encore moins sur le vin de Jerez dont les tonneaux prenaient les trois quarts de la place disponible! Bon l’eau n’était pas potable à l’époque, quitte à devoir boire du vin, autant que ce soit du bon! Heureusement que la Cruzcampo, la bière sévillane qui n’est objectivement pas très bonne mais dont il est interdit de dire à Séville qu’elle n’est pas bonne sous peine de se faire bannir de la ville, n’existait pas encore à l’époque sinon ils auraient dû en embarquer! Pas sûr qu’elle leur aurait permis de mener à bien l’expédition!

Nous avions auparavant visité l’Archivio de Indias à Séville qui compile tous les documents en rapport avec les explorations espagnoles et la colonisation qui s’en est suivi. Nous y avons vu les registres des marchandises qui ont été embarquées sur ces trois caravelles ainsi que sur les expéditions suivantes. Le thème du vin y était pris très au sérieux. Chaque cave devait fournir tant de tonneaux de tel type de vin. Il y a dix types de vins de Jerez différents et chacun devait y être représenté! Et tout était consigné dans les registres avec un sceau officiel! Nous ne sommes pas sûrs que les gilets de sauvetage soient gérés avec la même rigueur aujourd’hui.

NB : Pour les archives de Séville, c’est à côté de la cathédrale, c’est gratuit et dépend quels documents ils exposent au public (ça change tous les mois), ça peut être vraiment intéressant. N’hésitez pas à aller y faire un tour si vous êtes dans le coin!

Isla del Encuentro

En face des caravelles, il y a une petite reproduction de l’île de San Salvador (aujourd’hui Guanahani, aux Bahamas) sur laquelle a débarqué Christophe Colomb ainsi que ses acolytes après la traversée de l’Atlantique. Nous avons bien aimé retrouver des espèces tropicales qui poussent sans problème sous le climat andalou. Par contre, notre visite est tombée pendant un jour de calima, un vent du sud qui nous amène de l’air sec ainsi que du sable du Sahara et l’ambiance n’y était pas du tout! Ca nous a plus rappelé Tenerife que l’humidité tropicale de la mer des Caraïbes!

Christophe Colomb effectua quatre voyages jusqu’en Amérique, pensant à chaque fois débarquer en Asie Orientale. Ce n’est qu’au XVIe siècle qu’Amerigo Vespucci, un cartographe et explorateur florentin, comprit qu’il s’agissait en fait d’un nouveau continent lorsqu’il débarqua sur les côtes brésiliennes.

Nous sommes totalement conscients que l’histoire qui a découlé des voyages de Christophe Colomb est particulièrement horrible et cruelle. Il y a eu la colonisation, le massacre des indigènes, la traite des esclaves, le pillage des ressources et encore d’autres choses toutes plus moches les unes que les autres. Le nier, l’occulter ou ne pas s’y intéresser ne va pas, à notre avis, faire changer le cours des choses. Nous sommes fascinés par les explorations à cause, bien sûr, du côté voyage et découvertes de nouveaux lieux mais nous sommes évidemment horrifiés par tout ce que ça a impliqué ensuite. Quoi qu’il en soit, ça fait partie de l’histoire de l’Andalousie, de l’Espagne et même de toute l’Europe et nous allons continuer de nous y intéresser.

Nous allons terminer cet article par une note un peu plus festive et positive, celle de la playa! Avec sa côte atlantique, Huelva possède de jolies longues plages où il fait bon passer quelques journées d’été loin de la chaleur accablante de Séville.

Nous avons testé pour vous :

  • Mazagon : très sympa avec des chiringuittos (des bars de plages servant à manger) vraiment cool mais c’est un peu la galère avec les bus.
  • Punta Umbria : super bien desservi mais c’est un peu le Benidorm local. C’est également la plage la plus fréquentée.
  • El Portil (images ci-dessous) : notre préférée. Un peu plus sauvage avec les pins directement sur la plage. Située à l’embouchure du Rio Piedras, elle est protégée des courants mais il peut être difficile de s’y baigner à marée basse.

Nous avons adoré nos visites en rapport avec Christophe Colomb, c’était vraiment intéressant. En tant que globe-trotters, tout ce qui touche aux explorations nous fascine, évidemment! La région est sympa également mais nous préférons de loin la baie de Cádiz. Mais est-ce vraiment comparable?

Une journée à l’Alhambra de Granada

Souvenez-vous, nous étions déjà venu faire un petit tour à Grenade en automne 2020, en pleine pandémie de Covid 19. A cause des mesures sanitaires en vigueur à l’époque, il fallait organiser bien à l’avance une visite à l’Alhambra car les places étaient super limitées. Ce qu’en tant que voyageurs à l’arrache, nous n’avions absolument pas fait et avons dû renoncer à découvrir ce monument emblématique.

Heureusement, la crise a fini par passer et nous avons pu remédier à ce manquement. Comme nous venions de la région valencienne où nous avons passé un peu de temps avec la famille de Fab, Granada nous paraissait un bon endroit pour un petit séjour avant notre installation à Séville. Surtout que nous adorons cette ville presque autant que la capitale andalouse et que nous adorons nous y perdre dans les ruelles de l’Albaycin!

Pour l’Alhambra, nous avons, cette fois, anticipé un peu plus et assuré le coup en prenant nos billets à l’avance sur internet.

Nous avons acheté les billets sur alhambra-patronato.es. Le prix d’entrée est de 19€ par personne pour un accès à toute l’Alhambra. Il existe également des entrées plus restreintes ou des visites guidées.

Depuis la ville basse, il faut se veiller à prendre la bonne direction et NE PAS se rendre du côté de l’Albaycin car il y a comme un petit canyon creusé par le Rio Darro entre le quartier arabe et l’Alhambra et vous devrez ensuite tout redescendre pour remonter de l’autre côté. Mais rassurez-vous, si vous suivez tous les panneaux qu’il y a en ville, il est quasi impossible de se tromper!

L’Alcazaba

Nous commençons notre visite par l’Alcazaba, le lieu le plus ancien de l’Alhambra. Ce que nous voyons aujourd’hui date du IXe siècle, de la période musulmane donc mais les archéologues pensent que l’endroit était déjà utilisé avant par les Visigoths et même les Romains bien qu’on ne dispose d’aucun vestige attestant ces dires. C’était la première résidence des seigneurs musulmans de Grenade qui fut de plus en plus fortifiée à chaque génération. Après la construction des autres palais de l’Alhambra, l’utilisation de l’Alcazaba devint purement défensif et militaire. Les rois catholiques, qui ne débarquèrent qu’à la fin du XVe siècle dans la région, l’utilisèrent également comme forteresse défensive. Elle fut pourtant laissée à l’abandon pendant des siècles avant qu’on recommence à s’intéresser à elle au début du XXe siècle où on commença à la restaurer dans un but purement culturel et historique.

Mais ces années d’abandon ont laissé des marques. C’est d’ailleurs le monument le moins bien conservé de l’Alhambra malgré les restaurations. C’est également le moins impressionnant. Mais il vaut quand même le coup d’œil et ça reste une sacrée forteresse! C’est une bonne idée de le visiter en premier parce que le reste est tellement ouf que cette pauvre Alcazaba fait un peu pâle figure à côté. Oui, on vient de vous spoiler la suite de notre article!

Si le bâtiment en lui même nous a laissé un peu sur notre faim, (#blasés de la vie!) la promenade sur les remparts nous a enchantés pour la vue qu’elle donne sur l’Albaycin, sur la ville basse et sur la Sierra Nevada. Si vous êtes, comme nous, assez fous pour y venir en été, pensez à prendre de quoi vous protéger du soleil car la muraille est très exposée et le soleil tape fort, même tôt le matin!

Palacio de Carlos V

En face de l’Alcazaba se dresse un énorme bâtiment du XVIe siècle de style Renaissance qui aurait plus sa place dans le centre de Florence qu’au milieu des palais mudéjars d’un ancien royaume musulman. Ce contraste architectural était volontaire et complètement assumé. Quand il ordonna sa construction afin d’en faire sa résidence, l’empereur Carlos V (connu sous le patronyme Charles Quint en français) voulut justement montrer la victoire des catholiques sur l’islam en faisant édifier ce plus pur produit de la Renaissance italienne. Il fit même détruire une partie des palais de l’Alhambra pour ça. Mais, d’après les historiens, c’était la partie la plus moche, ouf!

Si l’extérieur est carré et bien massif (et surtout impossible à bien photographier, sorry!), la cour intérieure est circulaire et ornée de colonnes en marbre que ne renierait pas la place Saint-Pierre de Rome. Lors de notre passage, la cour centrale était équipée pour un festival de musique avec une scène et des chaises très XXIe siècle mais nous avons quand même pu nous rendre compte de la beauté de ce palais que rien ne laisser présager depuis dehors. Il y a également le musée des beaux-arts à l’intérieur mais nous n’y avons pas été préférant visiter les palais.

Ce palais fait un peu figure d’OVNI au cœur de l’Alhambra mais il faut quand même aller y jeter un coup d’œil rien que pour les détails baroques. Avec le marbre, les galeries autour de la cour intérieure restent fraîches même pendant la canicule des étés andalous.

Les palais nasrides

On n’accède pas comme on veut à l’intérieur des palais. A l’achat des billets, on vous demandera de choisir une heure pour visiter ces palais car le nombre de personnes en même temps est limité dans un souci de conservation des monuments. Ne rêvez-pas! Limité ne signifie pas que vous serez tout seul non plus! On reste dans un endroit super connu et super touristique! Nous avons choisi d’y aller à midi et demi car c’est l’heure où tous les touristes du nord vont manger. Oui, c’est vrai ce n’est qu’un préjugé débile et vraiment limite mais notre raisonnement s’est pourtant avéré juste. Nous n’étions que des Méditerranéens à se trouver à l’intérieur des palais à ce moment là!

L’entrée des palais se trouve en contrebas du palais de Carlos V. Assurez-vous d’y être à l’heure! On ne vous laissera pas entrer en cas de retard! Qui a dit que les pays du sud n’étaient pas à cheval sur la ponctualité?

Les palais nasrides sont tout un complexe de palais reliés entre eux par des patios, ces fameuses cours intérieures andalouses. C’étaient les résidences de la dynastie nazarie, la dernière dynastie musulmane dans la péninsule ibérique dont les sultans venaient tous de Grenade qui était, à l’époque, la capitale du royaume du même nom, le dernier à avoir résisté à la conquête des rois catholiques jusqu’en 1492. S’il y a plusieurs palais c’est parce que chaque monarque à fait construire le sien, tout simplement. Nous en avons vu des palais, tous plus beaux les uns des autres, mais ceux-là resteront dans le top du top de tous ceux que nous avons visités!

Mexuar

L’accès se fait par le Mexuar le plus ancien des palais nasrides qui date vraisemblablement du XIIe siècle. A la construction des autres palais, il fut reconverti en palais de justice et en bureaux administratifs. Les salles de l’entrée servaient de salle d’attente à ceux qui venaient demander une audience. Ce qui nous impressionne, ce sont tous les détails ornementaux de style mudéjar, il sont vraiment superbes et d’une finesse incroyable!

Si la déco est indubitablement l’œuvre des Arabes, les azulejos (ces superbes mosaïques pleines de couleurs) ont eux été ajoutés par les rois catholiques après la Reconquista. D’ailleurs, sur l’image ci-dessous, on reconnait aisément une des colonnes d’Hercule représentant le détroit de Gibraltar avec la devise « Plus Ultra » ainsi que la couronne de Castille qui ornent, encore aujourd’hui, le drapeau espagnol.

Palacio de Comares

Ce palais du XIVe siècle est bâti autour d’un joli petit patio appelé Arrayanes., du nom des arbustes plantés en son centre. (Myrte lune en français) Malheureusement, Yusuf I de Granada, le sultan qui ordonna sa construction n’a pas pu voir l’œuvre achevée puisqu’il est mort assassiné avant la fin des travaux. C’est sont fils, Mohamed V, qui eut ce privilège en 1370. Ce palais abritait le salon des ambassadeurs, un hammam ainsi que les appartements privés de la famille royale, au rez-de-chaussée pour l’été, souvent très chaud, et à l’étage pour l’hiver, très rigoureux.

Le palais de Comares est dominé par la tour du même nom qui, avec ses 45 mètres de haut est la plus haute de toute l’Alhambra. On la voit d’ailleurs beaucoup mieux depuis les mirador de l’Albaycin que depuis l’intérieur des palais.

Le patio des Lions

Nous voici maintenant en plein cœur de l’Alhambra et aussi dans son endroit le plus connu et sûrement le plus photographié! Imaginez un peu notre bonheur quand nous avons réussi à tirer une photo sans personne dessus! Bon d’accord, le soleil écrasant nous a un peu aidé en faisant fuir les gens, on avoue.

Le patio, ainsi que le palais alentour, doit son nom à la fontaine entourée de douze lions. Bien que l’édifice date du XIVe siècle, les statues datent du XIe siècle et proviendraient de la maison d’un éminent vizir juif séfarade. Chaque lion représenterait chacune des douze tribus d’Israël. Pour le reste, l’architecture est typiquement nazarie et de son époque. Quand le sultan Mohamed V ordonna sa construction, il prit comme modèle la mosquée de l’université de Fès, au Maroc. Ben voilà, nous serions obligés de nous y rendre pour aller vérifier tout ça!

Edit décembre 2023 : L’université de Fès n’est pas accessible au non-musulmans mais le peu que nous avons pu apercevoir montre en effet une vraie ressemblance avec le patio des Lions.

Certes, c’est le patio qui est le plus connu mais ce palais regorge d’autres merveilles comme la salle des Abencerrajes (une tribu maure du XVe siècle) avec ses stucs colorés qui sont d’époque. Quant aux azulejos, ils ont été rajoutés au XVIe siècle, donc après la Reconquista, et proviennent des fameuses fabriques de céramiques de Triana, à Séville.

La salle des Rois

A la base, c’était le harem. Puis les rois catholiques sont arrivés, ont tout conquis et se sont appropriés les lieux pour s’en servir comme salle de bal. Les œuvres les plus représentatives de la Reconquista sont trois peintures Renaissance en forme d’ellipse accrochées au plafond. Les œuvres sont tellement belles, fines et avec beaucoup de couleurs qu’il a fallu plus de vingt ans pour les restaurer!

Mirador de Lindaraja

C’est ici que se termine la visite des palais nasrides et c’est ce dernier édifice qui a été tronqué par la construction du palais de Carlos V. Nous pouvons quand même admirer depuis quelques jolis balcons la vue sur la vallée du Rio Darro ainsi que sur l’Albaycin. Pour être honnêtes, nous trouvons que les vues sont plus sympas depuis l’Alcazaba.

Et voilà à quoi ressemblent les palais nasrides depuis l’extérieur. C’est beaucoup moins ouf qu’à l’intérieur mais étant donné que les bâtiments avaient également un usage défensif, il n’y avait pas trop la place pour les fioritures.

Couvent San Francisco et ses jardins

Le couvent est le premier édifice construit après la Reconquista sur le site de l’Alhambra. D’après quelques fouilles archéologiques, il aurait été construit sur des anciens bains arabes. Il date de 1494 alors que la chute du royaume musulman de Grenade date de 1492. Autant dire que les catholiques étaient pressés de montrer leur suprématie! Comme son nom l’indique, ce couvent était occupé par les moines franciscains. Aujourd’hui, il abrite un parador c’est à dire un hôtel de charme dans un lieu historique. Ce qui nous a le plus plu, c’est son jardin ,avec son étang à nénuphars, qu’il faut traverser à la sortie des palais nasrides.

Le Generalife

Pour se rendre au Generalife depuis les autres palais de l’Alhambra, il faut bien compter quinze voire vingt minutes de marche. Donc faites attention au timing si vous devez encore vous rendre à l’heure aux palais nasrides!

Le Generalife était le palais d’été des sultans. Ce n’était pas encore la mode de passer ses vacances à bronzer sur les plages de la Costa Tropical à l’époque! Mais c’était quand même l’aventure puisqu’il se situait hors de la muraille bien sécurisante de l’Alhambra. Il a été conçu au XIIIe siècle avec des jardins lui assurant de l’ombre et de la fraîcheur durant les longues et chaudes journées d’été. Les fontaines et autres bassins étaient alimentés directement depuis des ruisseaux de la Sierra Nevada. Nous ne sommes malheureusement pas sûrs que ce soit encore le cas aujourd’hui vu la sécheresse que nous subissons depuis des années.

Le jardin ainsi que le palais sont superbes et nous avons bien apprécié terminer cette chaude journée de visite à l’ombre bienvenue des arbres!

L’Amour des roses

Van s’est un peu lâchée sur les photos de roses car elle est fan des rosiers et, ça tombe bien, il y en a plein dans le Generalife. Des rosiers hein, pas des roses coupées! Elle déteste l’idée de couper les roses pour en faire un bouquet! Par contre, ne lui offrez pas non plus de rosier, c’est un vrai désastre sur pattes en jardinage et cette pauvre plante ne tiendrait pas trois jours entre ses mains! Donnez-lui plutôt des tuyaux pour aller visiter des roseraies à travers le monde, ça lui fera plaisir!

Bref, tout ça pour dire que nous avons photographié des roses…

Le truc vraiment sympa au Generalife c’est que nous avons un point de vue complètement différent sur l’Alhambra par rapport à l’Albaycin. C’est moins LA photo qu’on voit dans toutes les publicités de voyage mais l’angle est intéressant et nous pouvons nous rendre compte, qu’en fait, le complexe est entouré de verdure, d’une petite forêt ainsi que de jardins potagers.

Nous sommes vraiment très contents d’avoir enfin pu consacrer une visite à l’Alhambra. C’est, à nos yeux, un incontournable à Granada et même en Andalousie. Nous pensons qu’il faut y passer la journée : le site est immense et il y a beaucoup de choses à voir. Malgré le potentiel touristique et le prix d’entrée un peu élevé (19€), nous vous recommandons chaudement un passage par les palais. Nous en avons vraiment pris plein les yeux!