Bien que nous soyons déjà dans le bon département, nous avons quand même dû partir aux aurores depuis Santa Cruz de Mompox pour arriver à des heures décentes à Cartagena. Malgré une route plate aux milieu des marais du Rio Magdalena, le trajet nous a quand même pris presque sept heures! Une fois arrivés au terminal de bus, assez pourri pour une ville de cette ampleur, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Le centre-ville se trouve à quinze kilomètres de là. Il y a des bus urbains mais nous avons choisi la solution de facilité en contractant un Uber. Ça nous a quand même pris encore une heure pour arriver à notre logement à cause du trafic infernal mais nous sommes super contents d’être enfin d’arrivés au bord de la mer.

Casco Antiguo

La baie de Cartagena fut découverte en 1502 par le sévillan Rodrigo de Bastidas mais c’est le cartographe Juan de la Cosa qui proposa directement à la reine Isabel de nommer la baie ainsi car elle ressemble à celle de Cartagena en Espagne, près de Murcia. Sachant que cette dernière tire son nom de Carthage, la ville antique près de l’actuelle Tunis, imaginez un peu toute l’histoire qu’il y a derrière! Et devinez les deux villes qui se trouvent sur notre liste à idées du coup!
La ville en tant que telle à été fondée en 1533 par le madrilène Pedro de Herrera avec l’aide de compatriotes d’Andalousie et d’Extrémadure. Ça explique pourquoi nous avons eu parfois l’impression d’être revenus dans notre chère ville ou bien à Cádiz! Durant l’époque coloniale, Cartagena était le plus grand port de toute l’Amérique Espagnole et le plus prospère avec sa voisine panaméenne de Portobelo. C’était le point de départ principal des navires transportant toutes les richesses spoliées à destination de la couronne de Castille via les ports de Séville et de Cádiz.
Evidemment, tant de succès et de prospérité attire les convoitises! En 1741 débarquèrent les Anglais prêts à assiéger la ville mais ont vite dû se replier en Jamaïque à cause de la défense espagnole et surtout à cause d’une épidémie de fièvre jaune qui leur fit perdre une bonne partie de leurs effectifs.

Les fortifications

Mettre les Anglais en déroute c’est bien, mais il faut se prémunir d’autres attaques qui ne vont pas tarder à arriver. C’est pourquoi tout un système défensif a été construit au XVIIIe siècle pour protéger la ville. Et ce fut un succès! Francis Drake himself s’y est cassé les dents, les pirates aussi, de même que les Français! Les seuls à avoir eu raison des Espagnols, ce sont les indépendantistes. Ils proclamèrent une première fois l’Indépendance le 11 novembre 1811 mais perdirent les combats en 1815 après une guerre sanglante. Finalement, en 1821, Cartagena, comme le reste de la Grande Colombie, obtint enfin son indépendance après un siège éprouvant et une quasi destruction de la ville.
Aujourd’hui, on peut se promener sur une partie des remparts qui ont été superbement restaurés. La ressemblance est d’ailleurs troublante avec les forteresses de Portobelo. Normal! Elles datent de la même époque et ont été construites dans le même contexte historique! Il faut juste y faire attention au soleil car le chemin est à découvert et, avec l’agréable brise marine qui souffle, on ne se rend pas forcément compte que ça cogne fort.





Plaza de la Paz / Torre del Reloj

C’est le point d’entrée au centre historique. La porte d’accès est flanquée d’une magnifique tour de l’horloge datant du XVIIIe siècle qui peut faire un bon point de repère si vous êtes perdus dans le labyrinthe de ruelles. De l’autre côté de la porte, se trouve la magnifique Plaza de los Coches de forme triangulaire avec une statue de Pedro de Herrera, le fondateur de la ville, en son centre. Si vous passez par là en décembre, n’oubliez pas votre lettre au Père Noël car la boîte aux lettres pour le Pôle Nord se trouve sur la place.




Les ruelles du centre historique

Le centre historique ainsi que tout le système de fortifications sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est amplement mérité car c’est juste exceptionnel mais ça attire beaucoup (trop) de monde! En plus, le centre n’est pas du tout piéton. Entre tous les touristes et les voitures qui essaient de passer dans les rues étroites, c’est un peu le bordel. C’est le premier endroit en Colombie, après deux mois de voyage dans le pays, que nous avons vu transformé en « Gringoland » avec ses énormes échoppes de babioles « Made in China », ses restaurants de burgers aseptisés et ses Boutique Hotels. Mais il faut reconnaître que ça en jette! Nous sommes juste un peu étonnés par la hauteur de certains bâtiments. En général, les villes coloniales possèdent de petites maisons de plein pied ou éventuellement avec un deuxième étage. Là, certaines en possèdent trois voire quatre! Nous supposons que c’était un signe de richesse puisque c’était une des villes les plus prospères du royaume. Du coup, la ville ressemble plus à Séville qu’à d’autres villes similaires comme Campeche ou Panama.






Catedral de Santa Catalina de Alejandria

Là aussi ça ressemble plus à un couvent qu’on pourrait trouver en Espagne qu’à une cathédrale latino-américaine. Elle a d’ailleurs été construite, en 1577. sur le modèle de l’Escurial, un grand monastère près de Madrid. Elle se trouve sur la plaza de la Proclamación bordée par un superbe cabildo de couleur jaune. Sa façade principale jaune et rouge est magnifique mais un peu coincée dans une petite ruelle. A notre passage, elle était ouverte pour une messe. Nous nous sommes faufilés dans un groupe d’Américains pour y prendre furtivement une photo même si nous nous sommes assez vite fait grillés!




Plaza de la Aduana

C’est la plus grande et la plus ancienne place de Cartagena. Elle s’appelle ainsi car elle est bordée par le bâtiment de la douane. Donc, si vous débarquez en bateau en Colombie via le port de Cartagena, c’est dans le superbe bâtiment blanc aux arcades qui ressemble à la Plaza Chica de Zafra que vous devrez aller faire timbrer votre passeport. Il y a même une statue de Christophe Colomb qui trône encore sur la place même si en ce mois de décembre, elle est éclipsée par les décorations de Noël. Il faut croire qu’ici on n’en veut pas trop à l’explorateur d’avoir débarqué et entamé le processus infernal de colonisation.



Castillo San Felipe de Barajas

Pour aller au château, il faut sortir du centre historique et prendre le pont qui traverse la lagune. Mais c’est impossible de le louper tellement il est massif! Il fut construit en 1540 sur une petite colline (cerro San Lázaro) qui domine stratégiquement la ville de quarante mètres. Mais c’est surtout au XVIIIe siècle, après diverses tentatives d’attaques de la part des Anglais, qu’il prit cette forme de mastodonte impénétrable. Il est possible d’y effectuer une visite pour 30’000 pesos (6,60€ / 6,15 CHF) mais nous y avons renoncé à cause de la chaleur. Le site est en plein cagnard et le soleil cogne vraiment fort. Et puis, pour être honnêtes, nous le trouvons moche ce château même si nous savons pertinemment qu’il a été construit uniquement dans un but défensif et pas esthétique.





Getsemani

Rome a son Trastevere, Séville a son Triana, Cartagena a son Getsemani! C’est le quartier le plus cool de Cartagena. Il est situé en dehors des remparts de l’autre côté du Parque del Centenario. Pendant l’époque coloniale, c’était l’endroit ou on parquait les esclaves récemment arrivés d’Afrique. Cette ghettoïsation de la population noire et asservie leur a permis de s’organiser et se mettre ensemble pour réclamer leur affranchissement. La population de Getsemani a d’ailleurs joué un rôle super important dans les insurrections de 1811 pour l’indépendance.
Aujourd’hui, l’ambiance caribéenne est beaucoup plus présente que dans le centre historique aseptisé. Mais, il ne faut pas se leurrer, le quartier est en cours de gentrification et le tourisme commence à avoir raison de son authenticité. Nous avons tout de même bien aimé le côté un peu plus défraîchi, moins propret et les peintures murales dont certaines sont de véritables œuvres d’art. C’est également le coin pour profiter des terrasses dans la relative fraîcheur du soir.






Bocagrande

C’est le nouveau quartier de gratte-ciels qui ressemble à Miami en beaucoup plus bling-bling (oui, c’est possible!) On nous avait dit qu’il fallait y aller pour la plage. Au risque de paraître vraiment blasés, elle n’est pas terrible cette plage. Outre des alignées moches de parasols qu’on loue à prix d’or, le sable est grisâtre, l’eau aussi à cause de la lagune toute proche et les courants sont forts. Pour une ambiance similaire, autant aller à Cancún. La bouffe y est meilleure et la plage vraiment plus belle!




Convento de la Popa

Nous avons quand même trouvé de quoi effectuer notre grimpette du jour! En vrai, nous avons triché et nous avons pris un Uber car le soleil cognait vraiment trop fort et le sommet se trouve quand même à sept kilomètres du centre historique. Mais nous sommes redescendus à pieds en suivant le chemin de croix à l’envers du coup!
Le couvent de la Popa fut construit entre 1607 et 1612 après que la Vierge ait apparu à un religieux du coin lui ordonnant d’ériger un lieu de culte sur le cerro de la Popa. Il fut la cible de convoitises notamment de la part des pirates car, à cause de sa situation dominant la ville, l’édifice semblait une forteresse qu’il fallait à tout prix aller conquérir. Mais Cartagena ayant un système de défense quasi infaillible, la colline ne fut jamais prise. C’est à l’indépendance que ça se corse. Simón Bolivar, le héros de l’indépendance, en fit son quartier général durant la guerre, ce qui obligea les moines a quitter les lieux. Le bâtiment fut transformé en prison et en arsenal militaire. Ce n’est qu’en 1961 que le couvent alors en état de ruines, fut rétrocédé aux moines Augustins qui le restaurèrent et en firent un petit musée religieux. Il se visite encore aujourd’hui pour 14’000 pesos (3,05€ ou 2,90 CHF).
Nous avons été subjugués par le cloître, un superbe patio intérieur avec deux étages d’arcades que ne renierait pas n’importe quel bâtiment andalou de ce genre!






Vous vous doutez bien que si nous sommes montés jusque là, c’est que nous avions une idée derrière la tête! Bien vu! Nous avons profité de la situation pour admirer la superbe vue sur Cartagena, la lagune, l’île de Tierra Bomba, le port, les gratte-ciels de Bocagrande et sur le Castillo San Felipe Barajas. Le centre historique est un peu loin même si on devine quand même la coupole de la cathédrale. Les gratte-ciels dans la baie ont un petit air de Hong Kong, la brume en moins. Vous ne trouvez pas?
Mignonnerie du jour
Pour nous rendre au centre historique de Getsemani où nous logeons, nous avons pour habitude de traverser le Parque del Centenario juste pour pouvoir profiter de l’ombre bienvenue que nous offrent les arbres. Quelle ne fut pas notre surprise de voir, dans une ville aussi animée et bruyante, quelques spécimens de faune locale. Il y a, évidemment, les éternels iguanes peu farouches mais aussi quelques singes Titis bien trop vifs pour notre objectif photographique. Mais le must du must, c’est que nous avons aperçu des paresseux! Ces petites bêtes trop mignonnes qui profitent d’une « slow life » sur les branches des arbres.
A gauche : un iguane qui a l’air d’avoir ses entrées dans toutes les cuisines des restos de la ville. A droite : Monsieur Paresseux qui fait ses acrobaties. Vous pouvez cliquez sur les images pour les agrandir.


C’est la première fois depuis notre arrivée en Colombie il y a deux mois que nous ne sommes pas à cent pour cent enchantés de notre séjour. Oui, Cartagena est vraiment magnifique et possède un centre historique de ouf mais nous la trouvons « too much ». Il y a trop de monde, c’est trop aseptisé dans le centre, c’est trop touristique, c’est trop le bordel avec le trafic, c’est trop américanisé, c’est trop bling-bling à Bocagrande, les gens sont trop agressifs, la clim est trop forte à l’intérieur, il y a trop d’inégalités sociales, etc… Ça nous fait penser un peu à Barcelone : une ville géniale avec une histoire, une culture, un patrimoine et un environnement de ouf mais trop bien connectée avec les pays du nord qui viennent y faire la fête à bas prix et rendent l’endroit insupportable.
En fait, nous ne reconnaissons pas la Colombie à Cartagena et ça nous attriste un peu. Nous sommes juste très contents de ne pas avoir commencé notre voyage dans le pays ici car nous aurions été beaucoup moins motivés à découvrir le reste!
Evidemment, nous ne vous recommandons aucunement de zapper Cartagena lors d’un voyage en Colombie! Elle reste, malgré tout, une des plus belles villes coloniales que nous n’ayons jamais vues, tous continents confondus.
























































































































































































































































































































































































